Ah, les "maudits immigrants" !

Tribune libre - 2007

Mon cher Jos,
Il paraît que le Québec serait malade de ses immigrants; que, tous les
jours, des accommodements déraisonnables favoriseraient la main-mise des
intégristes sur les pratiques sociales québécoises; que l'immigration
mettrait en péril la pratique publique de la langue française; que, si ça
continuait, on transformerait ce qui reste d'églises en mosquées; que...
Paroisse Saint-Henri, 1949-1960. Dans la cour de l'École Saint-Henri, les
D'Amato, Kowalski, Poulin, Montpetit, Cassiba, Vandemeulebroocke, Landau,
Shaughnessy, Sikorski et autres écoliers jouent et se chamaillent. Après
16 heures, selon les jours, les Canadiens français et les Italiens, pour se
distraire, vont affronter les Anglais sur la côte qui mène à Westmount,
Glen Road, se rendent à l'est d'Atwater pour se battre contre les "nègres",
en compagnie des Irlandais et des "immigrants", ou les Canadiens français
et les Polonais s'en prennent, sur place, aux Italiens (qui, à l'époque,
parlent tous français, sauf ceux qui habitent les quartiers francophones de
l'est de l'île, parce que les écoles canadiennes-françaises et catholiques
du coin les refusent et qu'ils fréquentent donc, parce qu'ils n'ont pas le
choix, l'école anglaise protestante).
Dans les cinq ou dix ans suivants,
une bordée de nouveaux couples donnent naissance à des enfants portant deux
noms de famille dont un seul est canadien-français d'origine. Tout ce
petit monde s'identifie alors comme Québécois et parle français. On ne lui
a pas encore appris qu'il pratique, depuis longtemps, l'intégration voire
l'assimilation, et personne, là-dedans, n'éprouve l'impression que son
identité et sa langue sont menacées, forcément: ils ont tous la même
langue, et il leur arrive encore, parce que ça fait partie du jeu depuis le
début, de se crier des noms: Pollock, Spaghetti, Importé, le Belge, Maudit
Anglais, le Slave,en buvant une bière ensemble.
Tout ça, c'était avant les
inventions du multiculturalisme, de la tolérance et des accommodements
raisonnables. Depuis, il paraît que le monde a bien changé.
S'il fallait qu'on aille raconter ça aux gens de Tartempionville, qui
n'ont jamais vu le dixième de ces noms-là traverser le village, ils ne le
croiraient jamais ou bien ils nous prendraient, c'est sûr, pour une gang
d'Arabes intégristes, même que les vieux du village nous traiteraient de
protestants ou de communistes, peut-être de protestants-communistes, et les
plus jeunes commenceraient à craindre pour leur job. S'il fallait leur
dire qu'en plus, il se trouve là-dedans une couple d'homosexuels, j'aime
autant ne pas penser à la réaction qui s'ensuivrait.
Mais tout cela, c'est rien. Je me suis laissé dire que même à Québec, à
Montréal et dans les environs, il y a des gens qui pensent comme ceux de
Tartempionville. Qu'est-ce que tu veux, ils écoutent tous les mêmes
chaînes de télé et les mêmes émissions de ligne ouverte à la radio, et les
quelques-uns qui achètent encore le journal y trouvent en noir sur blanc ce
qu'ils ont entendu dans les médias électroniques.
Surtout, ne va pas raconter ça à Bouchard et Taylor, ils ne te croiront
jamais!
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --


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2 commentaires

  • Raymond Poulin Répondre

    19 août 2007

    Cher monsieur Bergeron,
    En ce qui concerne ce que vous me reprochez, j'ai parlé «des quartiers de l'est». J'aurais dû être plus précis: il s'agissait, d'après les renseignements que j'avais obtenus voilà longtemps de quelques Canadiens français qui y habitaient au début des années cinquante, de Villeray et possiblement de St-Michel. S'est-il agi alors d'une politique appliquée seulement par certaines directions d'école ou par une commission scolaire? Je l'ignore. Par ailleurs, mon texte n'a pas pour but de dédouaner qui que ce soit ni de culpabiliser qui que ce soit, même si j'écorche au passage une mentalité qu'on retrouve encore, vous le savez bien, chez un certain nombre de Québécois, comme, d'ailleurs, chez n'importe quelle population occidentale. En ce qui me concerne, je suis convaincu d'expérience que les Québécois, dans l'ensemble, sont parmi les moins xénophobes des peuples occidentaux, la petite histoire que je raconte devrait vous rassurer là-dessus, il me semble. Le fait d'être indépendantiste, cependant, ne constitue pas, à mes yeux, une raison pour sanctifier tout ce qui se rapporte à nous, ni pour me priver de dire ce que j'ai à dire en me servant parfois de l'humour, registre qui n'est pas à interpréter au pied de la lettre.
    J'en profite pour rectifier une erreur de ma part: lorsque j'ai envoyé mon article à Vigile, j'ai bêtement oublié de taper mon nom, de sorte que le webmaster, logiquement, s'est inspiré de mon identification courriel pour me nommer.
    Raymond Poulin

  • Jacques Bergeron Répondre

    19 août 2007

    Parce que les écoles canadiennes-françaises catholiques du coin les refusent, et qu'ils (les Italiens selon ce monsieur) fréquentent donc, parce qu'ils n'ont pas le choix, l'école anglaise protestante! Raymond Arthur!Si j'avais voulu accentuer un mythe j'aurais appuyé ce faux discours. J'ai l'impression ,cher monsieur Arthur, que vos connaissances historiques se limitent aux prétentions de celles et ceux qui ont toujours voulu nous culpabiliser, en nous faisant croire qu'on refusait les Italiens et d'autres groupes ethniques catholiques dans nos écoles, alors que depuis la fin du «19ème siècle» nous, les Canadiens-français,avions accepté que les Italiens puissent suivre des cours dans leur langue en plus du français. Puis, dans notre grande magnanimité, nous avons accepté, à leur demande il va sans dire, d'ajouter pour eux l'apprentissage de l'anglais, qui a conduit éventuellement à la mise sur pied d'un secteur anglais ( qui existe toujours) à la CÉCM (maintenant CSDM) pour ces mêmes gens, ce qui a permis à tous les «autres groupes ethniques» de nous fausser compagnie en intégrant l'école du secteur anglais de la CÉCM (CSDM). Si,au lieu d'affirmer ce mensonge véhiculé par celles et ceux qui ont envahi l'école anglaise,vous vous étiez permis de lire l'«Histoire de la CÉCM par Robert Gagnon»,vous auriez pu voir et apprendre que c'est sous l'impulsion de groupes anti-communistes dirigés par un certain Bossy,président d'une commission d'enquête («années 30») sur ce sujet et les meilleurs moyens pour contrer le communisme, que la CÉCM acceptait de «créer officiellement» un «secteur» anglais pour celles et ceux qui voulaient y envoyer leurs enfants, pour le motif qu'en agissant ainsi, on évitait de voir leurs enfant (Polonais, Ukrainiens-Italiens et autres ethnies) tomber dans le piège du
    communisme,comme quoi,on utilisait chez nos concitoyens de différents groupes «ethniques catholiques»,n'importe quel argument pour promouvoir l'apprentissage de l'anglais chez leurs enfants, ce dont ont su profiter, malheureusement, plusieurs Canadiens-français!Ceci dit, notre expérience peut facilement démontrer que jamais nos écoles catholiques( peut-être y-a-t-il eu quelques exceptions?)canadiennes-françaises n'ont refusé d'accueillir des Italiens, comme l'affirme M. Arthur, ni aucun autre groupe ethnique dans ses écoles. Il me serait très facile de démontrer, par exemple, que dans une même famille, trois enfants sont allés à l'école catholique de langue Française et que les quatre autres sont allés à l'école «catholique de langue anglaise», ce qui est loin des prétentions de M.Arthur qui affirme dans son texte, que ces gens devaient aller à l'école protestante de langue anglaise.Je pourrais ajouter pour le bénéfice de vos lecteurs, que deux frères, habitant des maisons voisines, devant l'école des filles Dollard-es-Ormeaux, et à quelques centaines de pieds de l'École Saint-Jean-de-Matha, paroisse Saint-Jean-de-Matha à Ville-Émard, envoyaient leurs enfants dans des écoles «catholiques différentes,un dans les écoles de langue française et l'autre dans des écoles de langue anglaise. Et pourtant on vivait à la même époque et selon les mêmes lois et les mêmes règlements.Devrais-je continuer, qu'il me serait possible de démontrer par de nombreux exemples,que tout l'argumentaire développé par monsieur Arthur,est ce qu'il y a de plus faux ! Qu'on devrait arrêter de faire le jeu des ennemis de notre peuple, en véhiculant les mythes de ce genre qui sont utilisés par nos ennemis,et parfois par nos amis,pour culpabiliser les Canadiens-français québécois «catholiques» afin de contrer leur désir de s'émanciper politiquement et culturellement du Canada, en tentant de démontrer qu'ils sont responsables des maux qui les assaillent, alors que l'Histoire» et notre expérience, peuvent démontrer facilement le contraire de ces contrevérités.
    Histoire de la CÉCM par Robert Gagnon, Professeur d'Histoire à l'UQÀM .