Un homme d'origine égyptienne qui habite avec sa famille à Toronto depuis 17 ans poursuit le gouvernement fédéral à la suite d'une bataille juridique au cours de laquelle Ottawa a tenté à plusieurs reprises de l'expulser du territoire canadien.
Selon le gouvernement égyptien, Mahmoud Jaballah entretiendrait des liens étroits avec une organisation terroriste liée à Al-Qaïda. Ces allégations n’ont pas été prouvées en cour.
M. Jaballah, son épouse, Husnah Al-Mashtouli, et leurs six enfants ont déposé une plainte auprès de la Cour supérieure de justice de l'Ontario à la fin du mois de novembre.
Ils réclament plus de 34 millions de dollars de dommages et intérêts, affirmant que le gouvernement fédéral a violé les droits de M. Jaballah. Selon les documents de cour, il aurait été emprisonné pendant de longues périodes de temps sans justification et le gouvernement canadien aurait mené des enquêtes abusives et négligentes sur ses activités en plus d’avoir gravement porté atteinte à sa réputation et au bien-être de la famille, entre autres allégations.
La plainte intervient un peu plus de deux ans après qu'une cour d'appel fédérale eut statué que les tentatives du gouvernement de qualifier M. Jaballah de menace pour la sécurité nationale et de l'expulser n'étaient pas « raisonnables ».
Les autorités canadiennes ont arrêté et détenu M. Jaballah à plusieurs reprises entre 1999 et 2008 en utilisant des certificats de sécurité nationale. Il s’agit d’un mécanisme controversé qui permet au gouvernement de tenir secrètes les preuves qu’il détient au sujet d’un accusé. La validité des trois certificats a finalement été rejetée en cour.
M. Jaballah et son épouse sont arrivés au Canada en 1996 avec de faux passeports après avoir quitté l’Égypte environ 5 ans plus tôt. L'homme a séjourné en Arabie saoudite, au Pakistan, en Afghanistan, au Yémen et en Azerbaïdjan avant de se rendre à Toronto.
Son épouse et lui ont déclaré avoir été persécutés par le gouvernement égyptien et risquer d'être emprisonnés et torturés s'ils rentraient chez eux. Pour leur part, les autorités égyptiennes ont accusé M. Jaballah d'avoir des liens avec une organisation terroriste étroitement liée à Al-Qaïda.
Le Service canadien du renseignement de sécurité a commencé à surveiller M. Jaballah, notamment en interceptant ses communications personnelles, dès son arrivée à Toronto.
Il aurait été interrogé sur des liens implicites avec les attentats à la bombe perpétrés en 1998 contre des ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie, ainsi que sur des communications présumées avec d’éminents terroristes, mais les autorités canadiennes n’ont jamais révélé le contenu de ces interrogatoires.
M. Jaballah a toujours nié tout lien avec le terrorisme.
Pendant une période de détention qui a duré près de six ans, M. Jaballah s’est retrouvé en isolement cellulaire durant de longues périodes, selon les poursuivants. Il a entamé deux grèves de la faim différentes pour protester contre son emprisonnement. Selon les documents de cour, ces actes pourraient avoir des conséquences à long terme sur la santé.
Entre 2008 et 2016, M. Jaballah et sa famille ont été assignés à leur résidence. Les conditions de cette situation ont évolué au fil des ans.
En mai 2016, un juge fédéral a statué que le troisième et dernier certificat de sécurité nationale destiné à détenir et finalement à expulser M. Jaballah était injustifié. L'appel du gouvernement fédéral dans cette affaire a échoué.
L'avocat de M. Jaballah a refusé de répondre aux questions de CBC Toronto.