Le 13 août dernier, une chaîne de Télévision allemande a publié la version « quasi-finale » et pour l’instant confidentielle de l’accord commercial entre l’Union européenne et le Canada (dit CETA).
Cette fuite, désormais disponible sur le site de la Quadrature du Net, intervient une semaine après la discrète annonce de la fin des négociations.
Les deux parties doivent tenir une conférence de presse fin septembre, événement qui devrait permettre la publication du projet d’accord.
Les premières réactions ont aussitôt souligné la présence au sein du texte d’un chapitre relatif à la protection des investissements (ISDS) alors même que l’inclusion des tribunaux d’arbitrage semblait compromise. L’Allemagne et la France s’y disaient opposées, et une consultation publique, dans le cadre des négociations avec les États-Unis, mettait souvent en avant la frilosité du public à son endroit.
Pour un historique des négociations UE-Canada, je vous renvoie à mon article publié au printemps dernier.
ContreLaCour s’attache en ce moment à la traduction du projet de Traité dans son ensemble.
Le chapitre relatif aux investissements, avec notamment la partie relative au mécanisme de règlement des différends Etat-investisseur, étant traduit, il me semblait important de le porter immédiatement à la connaissance du public francophone.
Le reste du Traité (près de 250 pages) sera mis en ligne la semaine prochaine.
Vous trouverez ci-dessous une rapide synthèse des principales dispositions de ce chapitre.
Non-limitation et protection des investissements
Le chapitre sur les investissements rappelle les obligations des Parties en matière de non-limitation de l’accès à leur marché respectif. Seules les limitations découlant notamment de la concurrence « équitable », de la protection des ressources naturelles, et des exigences en matière de qualification des investisseurs, seront tolérées.
Les dispositions ne sont pas non plus applicables aux achats effectués par une Partie pour les biens et services achetés à des fins gouvernementales.
Deux principes fondamentaux sont à retenir en matière de traitement des investissements :
- la clause du traitement national : chacune des Parties doit accorder aux investisseurs de l’autre Partie un traitement « non moins favorable » que celui accordé à ses propres ressortissants.
- la clause du traitement de la Nation la plus favorisée : chacune des Parties doit accorder aux investisseurs de l’autre Partie un traitement « non moins favorable » que celui accordé à un ressortissant d’un Etat tiers.
Il sera interdit d’obliger une entreprise à réserver des postes de haute direction à des personnes physique d’une nationalité donnée.
Concernant la protection des investissements, l’Accord interdit les mesures constituant des dénis de justice, des violations fondamentale de procédure, des discriminations, des traitements abusifs.
Les investisseurs lésés en raison de conflits armés, de guerre civile, d’état d’urgence ou de catastrophe naturelle sur son territoire devront être indemnisés à la même hauteur que le traitement accordé aux ressortissants nationaux.
Seules les expropriations décrétées à des fins publiques, dans le cadre d’une procédure régulière, d’une manière discriminatoire, et contre paiement d’une indemnité prompte, adéquate et effective, seront acceptées.
(A cet égard, il faut noter que le droit public français, retient les mêmes conditions de légalité pour une expropriation. Il n’y a donc pas de nouveauté.)
Concernant les transferts d’argent, chaque Partie autorise que tous les transferts relatifs à un investissement soient accordés sans restriction ni retard et dans une monnaie librement convertible.
Mécanisme de règlement des différends investisseur-Etat
Une plainte à l’arbitrage peut être déposée par un investisseur indiquant avoir subi un traitement discriminatoire ou un manquement aux règles de protection des investissements.
Le Traité prévoit une phase préalable de consultations ayant pour objectif de permettre une résolution du conflit à l’amiable.
L’investisseur lésé dispose de trois ans à compter du dommage ou deux ans à compter de la fin des recours « publics » pour déposer une demande de consultations. Il dispose ensuite d’un délai de 18 mois pour déposer la plainte à l’arbitrage, sans quoi il est réputé y avoir renoncé.
A tout moment, les Parties peuvent décider d’avoir recours à la médiation.
Les règles de l’arbitrage peuvent être définies ensemble par les Parties où, à défaut, seront celles de la Convention CIRDI.
À moins que les parties aient accepté de nommer un arbitre unique, le Tribunal est composé de trois arbitres. Un arbitre est nommé par chacune des parties en conflit et la troisième, qui sera le président du tribunal arbitral, est nommé par accord des parties. A défaut d’accord, la ou les nominations se feront par le Secrétaire général du CIRDI.
Le Comité sur les services et l’investissement mettra à disposition une liste de personnes disposées et aptes à faire office d’arbitres. Ils doivent avoir des compétences ou de l’expérience en droit international public, en particulier en droit international des investissements.
Le Traité rappelle les exigences en matière d‘indépendance des arbitres.
En cas non respect des exigences, chacune des Parties peut demander la récusation d’un arbitre.
En matière de transparence, il est prévu que le tribunal détermine, en consultation avec les parties, les arrangements logistiques appropriés pour faciliter l’accès du public à ces audiences, sauf en cas de nécessaire protection de renseignements confidentiels.
Les sentences rendues par un Tribunal arbitral sont exécutoires sauf en cas de contestation d’une des Parties dans les 120 jours suivant la décision.
A cet égard, il est d’ores et déjà prévu que le Comité sur les services et l’investissement remette ses propositions visant à la création d’un mécanisme d’appel.
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