Frédéric Yergeau - Tout le monde en parle: le futur roi du Canada vient de nous rendre une petite visite. Les articles sur le sujet sont nombreux. On parle de tout: du trajet, du couple le plus populaire du moment, des changements de mentalité de la monarchie qui n'ont pas encore eu le temps de s'effectuer, du supposé regain de popularité de la monarchie... Pourquoi un article de plus? La raison est simple. On cherche encore les politiciens fédéralistes en faveur de l'abolition de la monarchie. Oui, il y a des raisons de garder la monarchie. Il y a aussi des raisons de l'abolir. Toutefois, un argument est souvent oublié: l'unité nationale.
Soyons de bonne foi et regardons les arguments en faveur de Kate et Will qui ont été entendus le plus souvent ces derniers jours. Certains les aiment parce qu'ils sont «cute». Qu'on aime la monarchie ou non, c'est vrai qu'ils forment un beau couple et on leur souhaite plein de bonheur. Or, si on veut garder une institution non démocratique parce que le gars est beau, que sa princesse est belle, que le couple est tendance..., notre société est peut-être axée sur les apparences...
Second argument: c'est bon pour l'économie. On ne peut nier les retombées économiques sur le coup. Par contre, il ne faut pas oublier que ça se passe autour du 1er juillet: une date où le patriotisme est plus fort et où les drapeaux canadiens et autres trucs rouge et blanc se vendent mieux. Il ne faut pas oublier non plus qu'on vit une période exceptionnelle: trois visites royales en trois ans. Le reste du temps, il faut composer avec un gouverneur général et des lieutenants-gouverneurs qui sont loin d'être rentables et facilement remplaçables par un fonctionnaire au salaire moins élevé. Si on veut garder une institution non démocratique pour les supposés gains économiques, posons-nous des questions sur nos valeurs.
Troisième argument, ils font partie de notre histoire. Changer ou abolir une institution n'est pas renier son histoire. La monarchie restera encore présente sur les armoiries canadiennes, dans les livres d'histoire, dans les édifices coloniaux comme la Citadelle de Québec, sur nos médailles militaires...
Pourquoi abolir la monarchie?
Les fédéralistes doivent réfléchir à la monarchie et à son abolition. Les arguments en faveur de son abolition sont nombreux, et l'espace manque pour les détails. Rappelons que dans un pays qui se vante souvent d'être très démocratique, avoir un chef d'État non élu et non responsable devant la population qu'il est censé représenter, ce n'est pas très démocratique. Tu veux représenter un pays? La moindre des choses serait que le peuple puisse décider qui il veut pour le représenter. Pas un étranger imposé par une quelconque tradition anti-démocratique. Comment le Canada peut-il clamer son indépendance quand son chef d'État est un étranger qui est aussi le chef d'État de plusieurs autres pays? Le chef d'État du Canada n'est pas canadien et ne vient qu'une fois toutes les quelques années. Sommes-nous si imbéciles au point de ne pas être capables d'être maîtres chez nous?
Même en conservant un poste similaire à celui d'un gouverneur général élu ou d'un président, on ferait des économies. Peut-être pas des sommes astronomiques, comme certains le prétendent, mais sûrement assez pour rentabiliser le changement. On économiserait probablement un peu en abolissant les lieutenants-gouverneurs. On est sûrement capable de trouver des fonctionnaires moins coûteux capables de faire le même boulot. On économiserait aussi sur les voyages royaux et autres cadeaux royaux. De l'argent qui pourrait être investi dans les entreprises canadiennes ou ailleurs. Le choix ne manque pas...
L'unité nationale
En fait, il est peut-être là, le problème de l'unité canadienne. Les fédéralistes veulent l'unité nationale, mais ils ne semblent pas prêts à y mettre les efforts. La notion de compromis semble inconnue du fédéralisme défendu par les politiciens. Tout au mieux, on a la vague impression que les fédéralistes se disent que le problème de l'unité nationale va se régler tout seul et que la population va s'écoeurer du souverainisme. Bref, une vision de l'unité nationale passive qui célèbre l'esprit d'initiative et le leadership de nos politiciens...
Les fédéralistes peuvent affaiblir en partie le mouvement indépendantiste en faisant des concessions. Pourquoi ne le font-ils pas? Être en faveur de l'abolition de la monarchie ne signifie pas être souverainiste. On peut être fédéraliste et en faveur d'une république canadienne. Abolir la monarchie ne signifie pas renier l'histoire canadienne. De nombreux pays ont aboli leur monarchie. On entend rarement des voix disant qu'ils ont renié leur histoire. Abolir la monarchie ne signifie pas rompre les relations diplomatiques avec le Royaume-Uni. Il serait d'ailleurs surprenant que le pays nous en veuille au point de produire des impacts négatifs à long terme. Abolir la monarchie, c'est simplement moderniser la fonction de chef d'État canadien tout en travaillant à l'unité nationale.
Je ne suis ni fédéraliste ni souverainiste. Aucun camp n'a su me convaincre. Comme bien des gens, je ne souhaite qu'avoir des politiciens honnêtes qui font leur travail sans se laisser corrompre et sans dépenser inutilement les impôts des honnêtes citoyens. Pour reprendre les mots de Jonathan Painchaud, je ne veux que des leaders qui disent «fini le temps de dire que ceux d'avant ont fait le pire. Il faut se dépêcher d'agir, on a le monde à reconstruire».
Les fédéralistes ont une unité nationale à reconstruire. Ils ont l'occasion de monter que le fédéralisme n'est pas seulement du «Quebec bashing». Ils ont l'occasion de montrer qu'ils ont du leadership. Ils ont l'occasion d'abolir une institution illégitime et royalement coûteuse. S'ils veulent conserver une institution non démocratique juste parce que le prince est beau et que ça rapporte quelques dollars vite dépensés pour offrir une vie royale à ses représentants, posons-nous des questions sur nos élus.
Mais la grande question demeure: qui osera prendre le pari de mettre l'unité nationale et l'abolition de la monarchie dans sa plate-forme électorale?
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Frédéric Yergeau - Diplômé en sciences politiques de l'Université de Montréal
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