A propos de constitution et de citoyenneté québécoises

Le projet de constitution québécoise présenté récemment par Pauline Marois et Daniel Turp a déjà fait couler beaucoup d’encre et de paroles. Certains commentaires m’ont paru fondés sur une fausse conception de la constitution et de la citoyenneté dans un État fédéré.

Citoyenneté québécoise - Conjoncture de crise en vue

Le projet de constitution québécoise présenté récemment par Pauline Marois et Daniel Turp a déjà fait couler beaucoup d’encre et de paroles. Certains commentaires m’ont paru fondés sur une fausse conception de la constitution et de la citoyenneté dans un État fédéré.


Constitution, nationalité et citoyennetés

La citoyenneté, c’est fondamentalement le lien qui unit un individu à un État déterminé. Il n’y a pas d’État sans citoyens constituant le corps de cet État. Sur le plan international, les ressortissants d’un État souverain sont reconnus comme ses nationaux, jouissant de la nationalité de cet État. Dans un État unitaire, la nationalité et la citoyenneté se confondent. Mais, dans une fédération, la nationalité est attachée à l’État fédéral, tandis que la citoyenneté se dédouble en une citoyenneté attachée à l’État fédéral et une citoyenneté propre à chaque État fédéré.

Ainsi, la Constitution canadienne de 1867 déclare de compétence fédérale exclusive la nationalité (soit « la naturalisation et les aubains »). Elle ne dit rien de la citoyenneté expressément, mais reconnaît à chaque province une compétence exclusive sur sa constitution (« sauf les dispositions relatives à la charge de lieutenant-gouverneur »). Or, la citoyenneté est le fondement même de tout État et la pierre d’assise de sa constitution. La citoyenneté québécoise relève donc de la compétence exclusive du Québec.

Ce ne sont pas les projets de loi de madame Marois et de monsieur Turp qui créeront l’État québécois, la Constitution du Québec et la citoyenneté québécoise : ces trois institutions existent depuis au moins l’Acte constitutionnel de 1791, si ce n’est depuis l’Acte de Québec de 1774. Après leur disparition décrétée par l’Acte d’Union en 1840, elles furent rétablies par la Constitution de 1867 créant l’actuelle fédération canadienne. Les récents projets de loi ne font qu’expliciter et reformuler les fondements de notre démocratie québécoise afin de les rendre enfin accessibles au peuple québécois.

Tous les États, qu’ils soient unitaires et souverains ou fédérés ont leur constitution et leurs citoyens, quel que soit le nom qu’ils se donnent comme État fédéré : État aux États-Unis et en Australie, canton en Suisse, Länder en Allemagne, communauté autonome en Espagne, province au Canada. Tous ces États ont leur propre constitution. La constitution suisse fait même dépendre l’attribution de la nationalité suisse de l’octroi préalable de la citoyenneté cantonale (et ce, après au moins douze ans de résidence) et chaque canton est unilingue (allemand, français, italien ou romanche).

A l’égard des langues, les citoyens canadiens n’ont pas des droits identiques : l’État fédéral canadien reconnaît deux langues officielles, l’anglais et le français; mais seul le Nouveau-Brunswick est aussi officiellement bilingue; les autres provinces sont toutes unilingues anglaises, à l’exception du Québec où la langue officielle est le français (tout en reconnaissant un statut particulier bilingue à certaines municipalités et certains établissements scolaires et de santé). Il en résulte, notamment, que les citoyens anglo-québécois ont plus de droits linguistiques que les autres citoyens québécois. Y a-t-il lieu, pour autant, de s’indigner parce qu’on aurait ainsi créé deux classes de citoyens? Faudrait-il alors réclamer l’abolition du statut particulier fait aux Anglo-Québécois et les priver de leurs institutions bilingues, sous prétexte que tous les citoyens doivent être traités également par l’État?

La minorité anglo-québécoise a plus de droits linguistiques que toute autre minorité francophone, allophone ou autochtone au Canada. Cela est injuste pour les autres minorités qui devraient être traitées aussi bien que la minorité anglophone au Québec. Mais il n’est pas injuste que la majorité franco-québécoise prenne toutes mesures légitimes pour assurer l’existence de la seule société française d’Amérique du Nord possédant son État. Robert Bourassa a voulu que le français soit la seule langue officielle du Québec. Ceci implique qu’elle soit connue, respectée et parlée par l’ensemble des citoyens, sauf exceptions légitimes.

C’est pourquoi je dis « Bravo Pauline Marois et Daniel Turp! » Et j’espère que tous les députés s’approprieront ces projets de loi qui doivent échapper à toute partisanerie indue. Car les Québécois s’en souviendront!



Ce qui est décent à Ottawa serait honteux à Québec

Dans la première partie, nous avons démontré que, dans le régime actuel, le Canada et le Québec avaient chacun leur Constitution et leur citoyenneté propres et qu’il n’était pas indécent d’offrir aux Québécois le texte de leur Constitution dont les éléments sont éparpillés dans les Lois Constitutionnelles canadiennes de 1867 et de 1982, diverses lois québécoise de nature Constitutionnelle (notamment nos Chartes et nos lois électorales) et diverses coutumes et conventions Constitutionnelles non écrites. Cela permettrait au peuple québécois de posséder et de connaître enfin sa Constitution.

Le régime Constitutionnel canadien et québécois actuel produit plusieurs types ou classes de citoyens qui n’ont pas tous les mêmes droits : (1) les citoyens canadiens et ceux du Nouveau-Brunswick qui jouissent d’institutions politiques bilingues et de deux langues officielles; (2) les citoyens anglo-canadiens des provinces unilingues anglaises, qui jouissent d’institutions fédérales bilingues; (3) les citoyens franco-canadiens des provinces unilingues anglaises ont aussi certains droits à des écoles catholiques séparées au niveau primaire et secondaire seulement; (4) les citoyens du Québec, dont la seule langue officielle est le français et qui, jouissent d’institutions politiques provinciales francophones et fédérales bilingues; (5) les Anglo-Québécois qui jouissent de certaines institutions provinciales bilingues en éducation, en santé et dans l’administration municipale; (6) les Autochtones et les Inuit, qui ont un statut particulier sous la tutelle fédérale et des droits divers selon qu’ils vivent sur le territoire d’une province ou d’une autre. Parmi les non citoyens canadiens, ont aussi des statuts différents les personnes admises à résidence permanente, les sujets du Commonwealth britannique, les étrangers (aubains) et les réfugiés politiques ou humanitaires. Cela fait bien une dizaine de classes de citoyens possédant des droits différents dans un domaine ou dans un autre.

Il est tout à fait normal que chaque État, fédéral ou fédéré, exige de ses citoyens une connaissance minimale « suffisante » ou « appropriée » de sa langue officielle (si celle-ci est unique comme cela est le cas par exemple au Québec) ou d’une des langues officielles (si l’État en reconnaît plusieurs, comme par exemple le Canada dans ses instances fédérales).

Ce n’est pas le Parti québécois qui a créé cette multiplicité de citoyennetés et de droits linguistiques. Mais le Parti québécois, qui a eu le mérite de faire adopter la Loi 101 en 1977, [a aujourd’hui le mérite de vouloir la rendre plus efficace notamment pour la reconnaissance et l’usage du français comme langue commune de la vie politique et des activités professionnelles, commerciales et industrielles, et aussi comme critère d’admission des immigrants à la citoyenneté québécoise->9733] (tout comme le modèle canadien des conditions d’admissibilité à la nationalité et à la citoyenneté canadienne).

Divers politiques et commentateurs ont qualifié les récentes initiatives de Pauline Marois et Daniel Turp, en matière de citoyenneté et de Constitution québécoises, de « hallucinante poutine, débiles, honteuses » (Patrick Lagacé, La Presse du 23 octobre), « discriminatoires, établissant deux classes de citoyenneté » (Don Macpherson The Gazette, 23 octobre), [non-sens et absurdes->9787] (éditorial du 20 octobre de The Gazette), [« idée saugrenue, discriminatoire, gadget politique »->9778] (Michel David, Le Devoir, 21 et 23 octobre). Il serait inconvenant pour le Québec de rassembler ses textes Constitutionnels épars en un seul texte clair et accessible aux citoyens! Il serait inadmissible que le Québec se dote d’une Loi sur la citoyenneté québécoise et que cette loi ose préciser les droits et obligations des personnes émigrant au Québec ou déjà citoyennes de fait de l’État québécois! Ce serait un crime de lèse-majesté fédérale. Seul l’État canadien aurait le privilège de légiférer en telles matières et d’établir, sans honte ni vergogne, des distinctions discriminatoires entre diverses classes de citoyens canadiens!

Il est tout à fait décent pour le Canada de soumettre les étrangers demandant la citoyenneté canadienne aux conditions d’admissibilité suivantes : (1) être âgé d’au moins dix-huit ans, (2) avoir été légalement admis au Canada à titre de résident permanent, (3) avoir résidé au Canada pendant au moins trois ans, (4) avoir une connaissance suffisante de l’une des langues officielles du Canada (l’anglais ou le français), (5) avoir une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté, et (6) prêter le serment de citoyenneté (« Je jure fidélité et sincère allégeance à la Sa Majesté la Reine Elizabeth Deux, Reine du Canada, à ses héritiers et successeurs et je jure d’observer fidèlement les lois du Canada et de remplir loyalement mes obligations de citoyen canadien »)

Mais honte au Québec s’il ose vouloir adopter le modèle canadien pour définir les droits des citoyens québécois!

Nous verrons dans la troisième partie la controverse sur la Constitutionnalité des projets Marois-Turp dont on dit qu’ils violeraient les droits démocratiques fondamentaux des citoyens forcés d’apprendre la langue officielle du Québec pour exercer certains droits politiques, les privant ainsi du droit fondamental de tout citoyen canadien ou québécois de ne pas apprendre le français, c'est-à-dire d’apprendre seulement l’anglais.



Les projets Marois et Turp ne sont pas inconstitutionnels


Certains politiques et Constitutionnalistes prétendent que les projets de loi Marois-Turp sur la Constitution et la citoyenneté québécoises seraient contraires à la Constitution canadienne, notamment à sa Charte des droits et libertés. D’autres, comme Henri Brun, Jacques-Yvan Morin, Will Kymlicka, José Woehrling, Anne Legaré, Georges Erasmus, Guy Laforest, la Commission Larose, Alain G. Gagnon, Jean-Claude Rivest, Michel Seymour, H. Patrick Glenn, François Rocher, Guy Rocher, Bjorne Melkevic, Marc Chevrier, Pierre Noreau, Guy Durant, Nicole Duplé, Pierre Trudel, Jacques Frémont, se sont montrés favorables, au cours des dernières années, à l’élaboration d’une Constitution québécoise accessible à tous les citoyens et, pour la plupart, à l’établissement d’une citoyenneté québécoise.

Essayons d’y voir clair.

A son article 45, la Loi Constitutionnelle de 1982 reconnaît que la législature (l’Assemblée nationale) du Québec, comme celle de toute autre province, a compétence exclusive pour modifier sa Constitution, sauf quant à la charge de Reine et celle de lieutenant-gouverneur. Déjà l’article 92 de la Loi Constitutionnelle de 1867 reconnaissait à la législature de chaque province le pouvoir exclusif de faire des lois relatives à « l’amendement de temps à autre, nonobstant toute disposition contraire énoncée dans le présent acte, de la Constitution de la province, sauf les dispositions relatives à la charge de lieutenant-gouverneur. » Cette disposition de 1867 a été abrogée par celle de 1982, adoptée, rappelons-le, malgré l’opposition du Québec. On constatera que la nouvelle disposition ne reproduit pas la déclaration que cette compétence des provinces sur leur Constitution prévaut sur toute disposition contraire énoncée dans la Loi de 1867.

La Loi Constitutionnelle de 1871 concernant l’établissement de nouvelles provinces, notamment celle du Manitoba, ajoutait d’autres précisions quant à la compétence exclusive de ces provinces sur les changements susceptibles d’être apportés de temps à autre aux dispositions de toute loi concernant la qualification des électeurs et des députés à l’Assemblée législative et au pouvoir « de décréter des lois relatives aux élections dans la province ». Cette loi de 1871 n’a pas été abrogée et demeure donc en vigueur.

Quelles sont donc les dispositions de la Loi Constitutionnelle de 1867 qui relevaient de la compétence exclusive du Québec sur sa Constitution? On les trouve principalement au chapitre V intitulé « Constitutions provinciales » :

- le Conseil exécutif : sa composition (art. 63), ses pouvoirs (lesquels « pourront être révoqués ou modifiés par la législature […] du Québec, art. 65);

- le siège du gouvernement du Québec est établi dans la cité de Québec « jusqu’à ce que le gouvernement exécutif de la province en ordonne autrement »;
- la composition et les pouvoirs du Conseil législatif (abrogé par l’Assemblée nationale du Québec en 1968);

- la composition et les pouvoirs de l’Assemblée législative, maintenant l’Assemblée nationale, qui a apporté plusieurs modifications à ces dispositions : art. 80, 82 (convocation de l’Assemblée « de temps à autre »), 83, 84 (les lois concernant notamment « l’éligibilité et l’inéligibilité des candidats, les qualifications et l’absence des qualifications requises des votants, le mode de procéder aux élections […] jusqu’à ce que la législature de Québec en ordonne autrement »), 85 (durée maximale de 4 ans d’un mandat électoral, portée à 5 ans par la Loi Constitutionnelle de 1982), 86 (au moins une session par douze mois), 87 (procédure parlementaire), 90 (vote des crédits et des impôts), 92.1 (le pouvoir de modifier sa propre Constitution, nonobstant toute disposition contraire, sauf quant à la charge de lieutenant-gouverneur), 92.8 (les institutions municipales), 92.14 (l’administration de la justice dans la province sauf la nomination des juges des cours supérieures, art. 96), 93 (les commissions scolaires et autres établissements d’éducation).

Toutefois l’usage facultatif des langues française et anglaise à l’Assemblée nationale et dans les tribunaux du Québec, et obligatoire dans la rédaction des lois du Québec, est soustrait à la compétence exclusive du Québec; il est régi par les Lois Constitutionnelles de 1867 (art 133) et de 1982 (art. 23).

Il appert clairement de cette Loi Constitutionnelle de 1867 que le Québec a compétence exclusive sur sa Constitution. Mais quelles sont les dispositions reconnues comme appartenant à une Constitution ou à l’ordre Constitutionnel d’un État?

Hachette définit « Constitution » comme « l’ensemble des lois fondamentales qui déterminent la forme de gouvernement d’un État », tandis que Larousse donne la définition suivante : « Ensemble des textes fondamentaux qui établissent la forme d’un gouvernement, règlent les rapports entre gouvernants et gouvernés, et déterminent l’organisation des pouvoirs publics ». Et Larousse définit le citoyen comme « le membre d’un État considéré du point de vue de ses devoirs et de ses droits civils et politiques ».

Élaborer une Constitution québécoise c’est rassembler dans un même texte, de façon à ce qu’il soit accessible à tous les Québécois et Québécoises, l’ensemble des lois fondamentales et des conventions Constitutionnelles non écrites qui établissent les institutions démocratiques constituant l’État québécois et qui déterminent les rapports entre les gouvernants et les citoyens québécois. La reconnaissance et l’attribution de la citoyenneté est à la base de toute Constitution, de même que les règles régissant la composition et les pouvoirs des corps législatif, exécutif et judiciaire. L’usage public d’une ou de plusieurs langues officielles et de langues minoritaires, s’il y a lieu, est aussi normalement déterminé par la Constitution, de même que les droits et devoirs fondamentaux des citoyens entre eux et envers l’État. Les règles pour l’adoption et la modification de la Constitution font également partie de celle-ci.

Évidemment la Constitution peut renvoyer à des lois particulières certaines modalités comme, par exemple, celles concernant les règles d’attribution de la citoyenneté à des étrangers qui peuvent être énoncées dans une loi sur la citoyenneté, ou les règles de la procédure parlementaire, ou celles du droit de vote et d’éligibilité contenues normalement dans la Loi électorale.

Ici, madame Marois a choisi d’inclure les dispositions relatives à la citoyenneté québécoise après l’article 49 du Code civil portant sur l’exhumation; cela ne me semble pas le choix le plus approprié : il eût été préférable de placer les dispositions en question après le Titre premier du livre premier, lequel porte sur la jouissance et l’exercice des droits civils, ou encore d’en faire une loi sur la citoyenneté.



Qualification et droits politiques du citoyen


Le projet Marois reconnaît la qualité de citoyen québécois à toute personne (1) domiciliée au Québec et détenant la citoyenneté canadienne au moment de l’entrée en vigueur de la loi instituant la nationalité québécoise; ou (2) née au Québec ou d’un parent détenant la citoyenneté québécoise. Ce sont là des dispositions semblables à celles de l’article 3 de la Loi fédérale concernant la citoyenneté, elles ne sauraient donc faire problème.

Quant à l’attribution de la citoyenneté à un étranger, l’article 5 de la loi fédérale pose sept conditions : (1) en faire la demande, (2) être âgé d’au moins 18 ans, (3) avoir été légalement admis au Canada à titre de résident permanent, (4) avoir résidé au Canada pendant au moins trois ans, (5) avoir une connaissance suffisante de l’une des deux langues officielles du Canada, (6) avoir une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté, et (7) avoir prêté le serment de citoyenneté.

Le projet Marois suit, dans l’ensemble, le modèle canadien en posant les conditions suivantes : (1) détenir la citoyenneté canadienne depuis au moins trois mois, (2) être domicilié au Québec, (3) avoir résidé au Québec pendant six mois, (4) avoir une connaissance appropriée de la langue française, (5) avoir une connaissance appropriée du Québec et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté, et (6) avoir prêté un serment de loyauté envers le peuple du Québec. Ces conditions me paraissent parfaitement raisonnables, même trop; je préfèrerais une résidence au Québec d’au moins un an pour les droits de vote et d’éligibilité aux élections municipales et scolaires, deux ans pour les mêmes droits aux élections législatives et trois ans pour le droit de voter à un référendum constitutionnel. Dans l’état actuel des choses, un Chinois ayant obtenu sa citoyenneté canadienne après trois ans de résidence en Colombie-Britannique et n’ayant aucune connaissance ni du français, ni du Québec, a le droit après seulement six mois de résidence au Québec de voter et d’être éligible aux élections municipales, scolaires et législatives, ainsi qu’aux consultations populaires. Ces limitations apportées aux droits de vote et d’éligibilité me paraissent parfaitement raisonnables et se justifient aisément dans le cadre d’une société libre et démocratique, en conformité de l’article 1 de la Charte canadienne des droits et libertés.

D’ailleurs, je rappelle que les droits de vote et d’éligibilité relèvent de la Constitution du Québec et que celle-ci est de la compétence exclusive du Québec depuis 1867. La Loi constitutionnelle de 1982 n’a certainement pas modifié la compétence des provinces à cet égard. Si cela était, nous serions devant une autre arnaque constitutionnelle perpétrée au détriment du Québec.

Certes la Loi constitutionnelle de 1982 contient certaines dispositions qui appartiennent à la Constitution du Québec : les droits de vote et d’éligibilité (art. 3), le mandat maximal de l’Assemblée nationale (art. 4), le droit à des services sociaux publics (art. 6), le droit à l’instruction dans la langue de la minorité (art. 23), le pouvoir dérogatoire (art. 33), la charge de Reine et de lieutenant-gouverneur, l’usage du français ou de l’anglais dans les institutions publiques du Québec (art. 43), la compétence exclusive de modifier la Constitution québécoise (art. 45). Mais ces dispositions ne diminuent en rien la compétence exclusive que la Loi constitutionnelle de 1867 a reconnue au Québec sur sa Constitution. Cela est d’ailleurs expressément reconnu par l’article 32 de la Loi constitutionnelle de 1982 qui précise que la Charte canadienne « n’élargit pas les compétences législatives de quelque organisme ou autorité que ce soit », notamment en ce qui concerne la Constitution du Québec qui continue de relever de la compétence exclusive du Québec.

Quant aux mesures pour assurer la prédominance de la langue française, elles paraissent à la fois raisonnables et nécessaires si l’on considère notamment la force d’attraction de l’anglais qui demeure prédominante dans l’Île de Montréal, où 54% des transferts linguistiques se font en faveur de l’anglais, trente ans après l’entrée en vigueur de la Loi 101.

Cependant, ce renforcement de la Charte de la langue française et le projet de Constitution passerait mieux auprès de nos concitoyens d’autres langue et culture si on précisait que le patrimoine national qu’on veut protéger comprend aussi les langues et cultures autochtones, inuit, anglophone et autres, qui enrichissent la société québécoise et constituent notre bien commun à tous. L’affirmation du caractère français de la nation doit s’accompagner de la reconnaissance de nos minorités nationales et culturelles.

Le projet de Constitution du Québec de Daniel Turp est d’une lumineuse concision. Mais j’ajouterais à l’article 12 que le gouvernement est responsable de son administration envers l’Assemblée nationale. Vu l’importance fondamentale d’une Constitution, j’ajouterais à l’article 14 que l’adoption ou la révision de la Constitution requiert une majorité des deux tiers des membres de l’Assemblée nationale et l’adhésion de la majorité des citoyennes et des citoyens exerçant leur droit de vote en conformité de la Loi sur les consultations populaires.

Comme les trois partis représentés à l’Assemblée nationale et Québec Solidaire se sont tous déclarés favorables à l’élaboration d’une Constitution québécoise, j’ose espérer qu’ils voudront participer à cette démarche historique, qui s’avèrera si bénéfique pour le Québec, aussi bien fédéré que souverain.


Marc Brière
29 octobre 2007

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Ce texte a été publié dans Le Devoir du samedi 3 novembre 2007.


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