Jean Charest a réuni son conseil des ministres en séance spéciale de deux jours pour préparer la rentrée. La rentrée parlementaire ou la rentrée électorale? On peut penser qu'il s'agit des deux, car on ne peut exclure que, quelques jours après le retour des députés à l'Assemblée nationale, en octobre, le premier ministre demande la dissolution de la Chambre.
S'il est difficile de prédire si ce scénario se révélera, il n'y a pas de doute que la tentation est forte au Parti libéral de laisser monter la fièvre électorale. La tournée que le premier ministre a effectuée dans les régions cet été, au cours de laquelle, tel un Petit Poucet, il a semé les promesses de lendemains qui chantent, montrent bien que de grandes manoeuvres se préparent. Au cours des derniers mois, c'est trois milliards de dollars qu'il a ainsi égrenés, selon la compilation effectuée par Le Devoir.
Élu le 13 avril 2003, l'actuel gouvernement n'a pourtant pas épuisé son mandat de quatre ans, qu'il pourrait étirer jusqu'à cinq ans si nécessaire. On a beau chercher des raisons sérieuses qui justifieraient des élections précipitées, on n'en trouve pas.
Aucune crise sociale grave ne se dessine à l'horizon. Les grandes négociations du secteur public sont terminées, et ce n'est certainement pas la volonté de quelques professeurs de cégep de dénoncer en classe les politiques de droite des libéraux qui mettra en cause la paix et l'ordre.
Aucune grande réforme ne requiert par ailleurs d'obtenir l'appui des électeurs. L'ambition du gouvernement de réformer de fond en comble le fonctionnement de l'État s'est atténuée à tel point qu'à droite, on lui accole l'épithète «socialiste». Quant à ses grands projets, tels la construction du CHUM et de la salle de concert de l'OSM ou encore la privatisation d'une partie du parc du Mont-Orford, ils sont enclenchés. La relance des grands travaux hydroélectriques suit son cours.
Les organisateurs libéraux pourraient arguer que l'essentiel des priorités du gouvernement étant réalisé, il est justement temps d'aller en élections. Un nouveau mandat pour quoi ?, leur rétorquera-t-on, car si c'est pour réduire les impôts des Québécois, on comprendrait mal qu'ils retournent devant les électeurs en promettant de tenir l'engagement pris à cet égard en 2003, qu'ils n'ont pas encore réalisé. Si c'est pour obtenir un mandat clair de négocier un nouvel accord fiscal avec Ottawa, là encore, il n'y a pas nécessité. Il n'y a pas de sujet qui fasse plus consensus actuellement au Québec.
Des élections aujourd'hui ne se justifient pas, du moins d'un point de vue d'intérêt public qui, souvent, s'efface derrière l'intérêt partisan. Aucun premier ministre n'aime en effet avoir le dos au mur au moment de déclencher des élections. Pour cette raison, le premier ministre Jean Chrétien n'attendait pas la fin de son mandat et se dépêchait de prendre ses adversaires de court. C'est ce que Jean Charest pourrait être tenté de faire si les prochains sondages confirmaient une remontée de son parti au cours des prochaines semaines.
Dans notre système parlementaire, le premier ministre jouit, de par ce pouvoir de choisir la date des élections, d'un avantage indu sur les partis d'opposition qui n'a pas sa raison d'être. La Colombie-Britannique et l'Ontario ont adopté un régime d'élections à date fixe qui permet un meilleur équilibre et force un gouvernement à faire ce pour quoi il a été élu : gouverner. Il serait temps qu'on en vienne là au Québec.
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