Yves-François Blanchet, chef du Bloc québécois

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Ce que doit réellement dénoncer le Bloc, c'est la submersion migratoire planifiée par Ottawa pour noyer le Québec français


C’est chose faite. Yves-François Blanchet, ministre dans l’éphémère gouvernement de Pauline Marois, défait dans sa circonscription lors de l’élection de 2014, est élu par acclamation chef du Bloc québécois.  


Si Blanchet n’est pas un sauveur (qui le serait dans de telles circonstances?), il est probablement l’une des meilleures cartes dont disposent les bloquistes. Habile communicateur, il dispose également d’une expérience ministérielle, ce qui n’est pas anodin.   


Certes, les difficultés sont nombreuses. Parmi celles-ci, les moins négligeables sont certainement la situation financière du parti, qui ne roule pas sur l’or, et l’unité à refaire suite à une crise majeure qui a quotidiennement défrayé la chronique en 2018. Le nouveau dispose de très peu de temps : dans moins de neuf mois, il sera en campagne électorale.  


Pour la reconstruction de l’unité du Bloc, le nouveau chef devra prendre en compte une donne fondamentale : le parti qu’il dirige depuis ce matin n’est plus celui de Gilles Duceppe. Et il n’est pas question uniquement ici de la situation précaire du parti, qui tranche avec la redoutable machine qui existait avant la vague orange de 2011. Pendant longtemps, le Bloc était un peu comme la vieille chaussure des Québécois : confortable, sans mauvaise surprise, mais au final peu excitante. Mais l’ère du parti se contentant de « jouer sa game » à la Chambre des communes est probablement terminée.   


Depuis l’élection de Mario Beaulieu comme chef de la formation politique en 2014, une nouvelle base militante a fait du Bloc son véhicule de prédilection, souhaitant faire de l’indépendance du Québec le combat premier du parti. M. Beaulieu est aujourd’hui président du parti, et semble avoir toujours le bras long. Le poids de l’aile jeunesse du parti, gardienne de l’orthodoxie indépendantiste, est aujourd’hui prépondérant. La présidente du Forum jeunesse du Bloc québécois, Camille Goyette-Gingras, a d’ailleurs annoncé cette semaine qu’elle comptait briguer l’investiture du Bloc dans la circonscription d’Hochelaga. Mme Goyette-Gingras est une indépendantiste tranchée et sans détour.   


Comment le nouveau chef, qui provient du gouvernement Marois – pas particulièrement réputé pour sa fermeté quant au projet souverainiste – saura-t-il composer avec cette nouvelle base? Un beau test de leadership en vue.  


Il faudra aussi voir quel sera le positionnement du Bloc sous Blanchet. Il aura évidemment à constamment défendre la légitimité de son parti. C’est un faux débat : estimer que le souverainisme québécois, qui n’est certes pas en pleine forme, mais qui existe néanmoins comme courant politique, n’est pas en droit d’être représenté est un déni de démocratie.  


Il existe cependant un terrain qui pourrait faire sa force : celui de la colère populaire contre la clique au pouvoir (et ses petits amis). Jouer, en quelque sorte, la carte des Gilets jaunes à la québécoise. Partout en Occident, les révoltes populistes font tomber les gouvernements d’extrême-centre. Les résultats ne sont pas particulièrement brillants, mais il suffit de constituer une offre plus intelligente.   


Une chose est certaine : le Canada a été fondé par des élites coloniales dans le but de servir les intérêts financiers d’une minorité . C’est toujours le cas aujourd’hui. Les exemples sont nombreux : copinage avec les géants du numérique , signature de traités commerciaux pour le bien des multinationales , banque d’infrastructure camouflant des projets de privatisations , fragilisation du consommateur au profit des seules banques , amour transpartisan pour les compagnies pétrolières, etc.   


À l’inverse, le Québec s’est toujours voulu tricoté serré et solidaire, ayant voulu construire un modèle distinct, coopératif et social. Celui-ci est menacé par un régime contrôlé par une autre nation et par une élite au service des plus riches. Le peuple québécois n’a actuellement pas de voix, dans l'antre de la bête, pour porter la dénonciation de ce système.   


Le Bloc serait-il capable de l’être? Ça reste à voir...  


***  


 Simon-Pierre Savard-Tremblay, socio-économiste (Ph.D.)  


 Pour me contacter : simonpierre.savardtremblay@ehess.fr  




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Simon-Pierre Savard-Tremblay est sociologue de formation et enseigne dans cette discipline à l'Université Laval. Blogueur au Journal de Montréal et chroniqueur au journal La Vie agricole, à Radio VM et à CIBL, il est aussi président de Génération nationale, un organisme de réflexion sur l'État-nation. Il est l'auteur de Le souverainisme de province (Boréal, 2014) et de L'État succursale. La démission politique du Québec (VLB Éditeur, 2016).