Ce n’est qu’une question de temps avant que quelqu’un revendique, du haut du balcon de l’hôtel de ville de la métropole... Vive Montréal libre!
On a l’impression par les temps qui courent que Montréal s’est séparée du reste du Québec (RDQ). Pour bien des gens, c’est une sorte de « fait accompli ». La métropole n’aurait plus beaucoup de choses en commun avec le RDQ.
Du moins, un courant politique émerge en fonction de cet argumentaire et les débats que nous menons en ce moment sur la manière d’organiser le « vivre-ensemble » semblent être une rampe de lancement pour ceux qui aimeraient bien que Montréal jouisse de la plus grande autonomie possible vis-à-vis Québec.
C’est l’ère des cités-États.
Les élus de Montréal ont bien l’intention de faire tout en leur possible pour que la métropole agisse comme contrepoids démocratique dans le dossier de la laïcité.
La résolution unanime des élus pour s’opposer au projet de loi 21 sur la laïcité du gouvernement de la CAQ procède de cette volonté de contrepoids politique. Pourtant, cette motion repose sur la préférence et les convictions de quelques élus et non pas en fonction de la représentativité des citoyens de la ville de Montréal sur la question de la laïcité.
100% des citoyens de Montréal ne sont pas contre le PL 21 de la CAQ.
Entre 2013 (moment du dépôt du projet de loi 60 du Parti québécois, la Charte des valeurs) et 2019, l’appui à une forme où l’autre de législation sur la laïcité institutionnelle à Montréal a oscillé autour de 50 % en moyenne.
Le front commun des élus laisse pas mal de gens à Montréal sans représentation démocratique sur ce sujet d’importance. On doit le souligner. Cette unanimité ne reflète PAS la réalité de la population de la ville de Montréal.
Pourquoi, alors, les élus insistent-ils sur ce front commun comme moyen de militer contre le PL 21? Par électoralisme, essentiellement.
La ville de Montréal est devenue, au fil du temps, le bastion de deux forces politiques au provincial : le Parti libéral du Québec (ça ne date pas d’hier) et Québec solidaire (en y chassant le Parti québécois, en grande partie).
Deux forces politiques, deux machines électorales qui ont quelques points en commun, dont cette allergie à la laïcité institutionnelle telle qu’elle est proposée par la CAQ et appuyée par une majorité claire des Québécois.
Un candidat à la mairie de Montréal issu du sérail idéologique péquiste (ou caquiste) indépendantiste ou nationaliste, laïciste républicain, opposé au multiculturalisme (ou à son incarnation québécoise, l’interculturalisme), pro loi 101, etc. n’aurait aucune chance d’être élu. Zéro. Oubliez ça.
Un élu sur l’île de Montréal a tout intérêt à bien choisir son camp. Celui des anti-laïcité ; de l’antinationalisme québécois aussi.
Montréal, Canada
Un argument que les militants anti projet de loi 21 me servent souvent est celui-ci : Montréal est dans le Canada, le Canada est terre « sainte » du multiculturalisme, de la charte des droits et de l’intouchable liberté individuelle de « porter ce que l’on veut ».
Conséquemment, la loi québécoise, si elle ne nous sied pas (toujours selon les militants anti-laïcité), n’est pas légitime quand on se place dans le cadre « canadien ». Dès lors, on choisit le cadre « canadien ».
Les commissions scolaires anglophones de Montréal, certains élus et pas mal de militants anti-laïcité usent de cet argumentaire pour annoncer qu’elles et ils ne respecteront pas la loi sur la laïcité; une loi qui ne respecte pas les chartes et qui ne passerait pas le test des tribunaux.
Les élus de Montréal, d'ailleurs, se réjouiront de l’appui de la ville de Toronto à leur motion unanime contre le projet de loi 21. Ces deux métropoles ont le même intérêt à se positionner en contrepoids politiques de gouvernements provinciaux avec lesquels elles ont peu d’accointances idéologiques.
On ajoutera au portrait le fait que bien des citoyens de Montréal ne se sentent tout simplement pas « Québécois », ceux-ci jurent fidélité au Canada bien plus qu’au Québec. À la limite, ces citoyens militeraient pour « séparer » Montréal du RDQ, tout pour ne pas « subir » la tyrannie de la « majorité » québécoise.
Oui, on l’entend celle-là.
« Reality check »
Il est temps qu’on revienne sur terre, qu’on accepte la réalité politique et démocratique. La CAQ a été élue de façon légitime, en fonction des règles démocratiques en place. On peut ne pas aimer ces règles, nous sommes tenus de les respecter.
Les villes ne relèvent pas de la gouvernance fédérale, mais bien de l’administration du Québec. Peu importance la militance, assumée, de la métropole pour plus d’autonomie par rapport à Québec.
Comme l’a rappelé le ministre responsable du PL 21 Simon Jollin-Barrette, les projets de loi votés à Québec s’appliquent à l’ensemble du Québec. Et le gouvernement de François Legault doit demeure inflexible sur ce principe, c’est l’évidence.
N’en déplaise aux opposants à la laïcité, il faut le rappeler, il est tout à fait légitime de débattre de la « manière d’aménager la diversité » comme le rappelle , de façon pertinente, le chroniqueur au Devoir Louis Cornellier :
« Le débat sur le projet de loi 21 n'est pas un débat entre le refus ou l'acceptation de la diversité, comme le prétendent les élus de Montréal. C'est un débat sur la manière d'aménager cette diversité. Il oppose donc le modèle multiculturaliste à un modèle de type républicain. »
Les Québécois ont élu un gouvernement qui promettait de légiférer en la matière, un parti politique qui a joué franc jeu au cours de la campagne électorale.
Les élus montréalais les plus ardents opposants au PL 21 s’accommodaient pourtant très bien du liberticide projet de loi 59 du gouvernement Couillard, présenté très discrètement, duquel Julius Grey et Julie Latour, dans une intervention commune , avaient dit : « Le projet de loi no 59 participe d’une rectitude politique dangereuse, issue de l’idéologie de multiculturalisme canadien, que le Québec n’a jamais cautionnée. »
Ça fait dix ans qu’on débat de « vivre-ensemble », l’écrasante majorité des Québécois souhaite qu’on en finisse avec ce débat, la majorité claire penche pour la laïcité institutionnelle, la CAQ a promis de légiférer dans le sens de la laïcité...
Qu’on en finisse.