Le fondamentalisme religieux au service de la lutte contre la laïcité...
On se demande jusqu’où iront les opposants à la laïcité au Québec? Déjà, la radicalisation des discours est manifeste; encore, pendant la fin de semaine, lors des manifestations anti projet de loi 21, somme tout très modestes, toujours cette association grotesque entre laïcité et racisme.
Cela s’ajoute aux insinuations de «nettoyage ethnique» du maire de Hampstead et aux affiches que l’on voit dans ces manifestations qui associent la croix gammée à la CAQ.
Liens douteux de députés et d’un fondamentaliste religieux
Et puis l’on apprend que dimanche soir, dans une Mosquée de Montréal, les députés Frantz Benjamin du Parti libéral du Québec et Ruba Ghazal de Québec solidaire ont accepté de prendre la parole dans un événement anti-laïcité à la même table qu’un imam fort controversé.
Le journaliste de TVA Félix Séguin a souligné la chose sur son compte Twitter : « Ce soir, Charles Taylor et deux députés provinciaux prennent la parole autour du controversé Imam Ali Sbeiti pour parler du #pl21. Ce dernier a fait l’objet d’enquêtes en lien avec la sécurité nationale depuis 2009. Son passeport lui a été révoqué en 2014 puis rendu en 2015. »
L’écrivaine et militante Djemila Benhabib aussi, sur sa page Facebook : « Sont réunis , ce soir, au Centre Communautaire Musulman de Montréal (CCMM) autour de l'imam du Hizbollah Ali Sbeiti, disciple de l'ayatollah Khomeini, Charles Taylor, Ruba Ghazal, députée #QS et Frantz Benjamin, député du #PLQ, pour exiger du gouvernement le retrait du projet de loi.
Pour rappel, le Centre Communautaire Musulman de Montréal organise des célébrations régulières pour rendre hommage à l'imam Khomeini. Sbeiti, dirige aussi la célèbre cérémonie du voilement des petites filles à Montréal. Grande rencontre annuelle qui réunit des dizaines de petites filles à qui l'on fait jurer qu'elles porteront le voile islamique toute leur vie durant. Sbeiti, sujet d’intérêt pour la GRC, a fait l'objet d'une enquête poussée du SCRS pour lien avec activités terroristes. »
Mme Benhabib pointe également vers cet article de La Presse pour en savoir plus à propos de l’imam.
Il est pour le moins surprenant que des députés de l’Assemblée nationale acceptent de s’associer à pareil événement.
Tu en penses quoi Sol Zanetti?
Le nouveau porte-parole de Québec solidaire sur le dossier de la laïcité n’est nul autre que le député Sol Zanetti.
Choix intéressant quand on considère que le philosophe s’est déjà amplement prononcé sur le sujet. Sur le site Huff Post Québec, notamment, dans une entrée de son blogue . C’était lors des débats sur la laïcité fin 2013 :
« Pourquoi et jusqu'où interdire les signes religieux ?
L'interdiction du port de signes religieux pour certains fonctionnaires est nécessaire pour maintenir la confiance des citoyens en la neutralité de l'État. Tout le monde s'entend au Québec pour dire que les représentants de la loi (juges, policiers, gardiens de prison, etc.) doivent s'abstenir d'afficher des signes religieux, puisque le fait d'afficher leur appartenance à une religion pourrait les placer en apparence de conflit d'intérêts et semer un doute quant à leur jugement sur certaines questions morales, sociales et politiques sur lesquelles ils ont à intervenir au nom de l'État.
Contrairement à ce que suggérait le rapport Bouchard-Taylor, les enseignants de l'école publique devraient aussi s'abstenir de porter des signes religieux. En effet, l'école est un lieu d'éducation ouvert où toutes les questions doivent pouvoir être posées et toutes les idées, soumises à la critique. Ce n'était pas le cas dans les écoles confessionnelles du Québec avant les années soixante. C'était grave. Nous avons sur ce point fait un pas en avant. Il serait dommage de reculer maintenant. Le rôle de l'enseignant est de créer un environnement propice à la liberté de penser. Comment peut-il être crédible dans ce rôle s'il affiche son appartenance à une religion? Créer des conditions dans lesquelles certaines questions sont susceptibles d'être mises à l'écart, sous le couvercle du sacré, va à l'encontre de la mission de l'école. Mettre certaines idées à l'abri de la critique, c'est la fin du dialogue. Cela rend impossibles la rencontre et un débat public sain. C'est une limite claire à l'éducation libre et à la liberté de penser. »
Merci de le dire si clairement, d’expliquer de manière si convaincante le fondement même de la raison pour laquelle il est légitime et nécessaire de « protéger la liberté de penser » des élèves à l’école et comment un enseignant « n’est pas crédible » dans ce rôle s’il affiche, de façon ostentatoire, ses croyances religieuses.
La « conversion » de ce politicien à la position « multiculturaliste » post-élection de Québec solidaire est spectaculaire. Et cynique.
Car il faut le rappeler, ce parti n’a pas eu le courage de tenir ce débat au sein de ses instances AVANT les élections. Pourtant, ce n’était un secret pour personne que QS était divisé sur la question. En 2017, Manon Massé avait appuyé la position de son parti qui disait ceci « le rapport Bouchard-Taylor est un tout cohérent et nous invitons les partis à y adhérer dans son ensemble. »
Une fois la campagne électorale commencée en 2018, Québec solidaire s’était assuré de ne pas s’étendre sur le sujet dans son programme électoral comme le faisait remarquer ici Nadia El-Mabrouk dans La Presse...
Sincèrement, je me demande comment le philosophe Sol Zanetti réussit à défendre pareil cynisme. Sa parole d’homme libre, d’intervenant dans les médias, en 2013, est complètement incompatible avec celle qu’il est forcé de défendre aujourd’hui.
Sol Zanetti, porte-parole d’un parti qui accepte de s’assoir à la table d’un fondamentaliste religieux au nom de la lutte contre la laïcité...