Viva Pax Americana!

Le modèle québécois, un modèle exportable?

Chronique de Louis Lapointe

Alors que la guerre fait rage un peu partout sur la planète et que la crise économique en inquiète plusieurs, il se trouve de plus en plus de personnes riches et charitables pour préparer l’avenir. Même si l’industrie de l’armement continue à prospérer, cela n’est plus suffisant pour maintenir la suprématie économique des États-Unis qui souhaitent maintenant se retirer du bourbier irakien. Comment continuer à assurer l'hégémonie américaine en ne faisant plus couler le sang d’innocentes victimes ? En s’occupant maintenant de leur santé.

Les nombreuses visites de Bill Clinton et de Bill Gates au Canada au cours des dernières années et la généreuse participation de Warren Buffett à de nombreuses fondations pour venir en aide aux plus pauvres et aux plus malades de la planète sont d’éloquents indices que nous ne saurions ignorer. L’investissement de milliards de dollars dans l’industrie des fondations charitables devrait en inspirer plusieurs, surtout l’industrie pharmaceutique.

Comment faire fructifier l'industrie pharmaceutique pour qu’elle rapporte encore plus à ses actionnaires ? Tout simplement en suivant un modèle semblable à celui de l’industrie du commerce au détail des armes que les Américains connaissent déjà. Un modèle démocratique où tous ont accès au produit, un modèle qui permettrait à un maximum de personnes sur la planète d’acheter le maximum de médicaments. À cet égard, grâce à la participation de l’État, le modèle québécois est exemplaire.

Grâce au régime public d’assurance médicaments, tous les Québécois, pauvres comme riches, peuvent consommer tous les médicaments dont ils ont besoin. Dans un contexte de libre consommation supportée par l'État, la vente de médicaments a littéralement explosé au Québec depuis l’établissement du régime. C’est une excellente nouvelle pour les fabricants et les vendeurs de pilules qui pourront prendre exemple sur le Québec pour implanter de semblables régimes aux États-unis et ailleurs dans le monde, là où il y a de nombreux consommateurs.

Est-ce que ce modèle québécois est exportable ? Est-ce qu’un tel régime pourrait augmenter la vente de pilules aux États-Unis ? Est-ce qu’il pourrait être exporté en Chine et en Inde, deux partenaires commerciaux des États-Unis dont les marchés comptent près de 3 milliards de personnes? Beaucoup d’argent à faire en perspective.

On comprend mieux pourquoi Warren Buffett et Bill Gates ont investi tant de milliards de leur fortune personnelle dans des fondations charitables qui viendront en aide aux plus pauvres de la planète. Qui dit pauvreté, dit maladie et par conséquent médicaments. La très remarquée présence de Bill Clinton à Montréal au cours d'un passé récent n’était donc pas aussi détachée que nous voulions le croire, elle ne visait qu’à préparer la future hégémonie de l’industrie pharmaceutique américaine partout sur la planète.

Maintenant que les Démocrates sont de retour à la Maison Blanche, ils pourront profiter de « l’expertise » de Bill Clinton glanée auprès de ses amis du Québec au fil des années. Par son entremise, ils pourront s’inspirer du modèle québécois afin d’implanter leur propre régime d’assurance médicaments aux États-Unis. Nous assisterons aux premiers pas d’une guerre à la pauvreté qui s’étendra bientôt à toute la planète.

Lorsque, comme le Québec, les États-Unis, la Chine et l’Inde auront tous des régimes publics d’assurances médicaments, il sera probablement plus payant pour les Américains de vendre des médicaments que des armes, nous pourrons peut-être enfin entrevoir la paix. Lorsque ce jour viendra, nous comprendrons alors le sens que revêtaient ces déclarations de guerre à la pauvreté des Buffett, Gates et Clinton. Rétrospectivement, leur front commun contre le Sida, en apparence généreux et désintéressé, n’aurait pas été cette innocente offensive que nous aurions souhaité y déceler, cachant mal leurs véritables objectifs.

Pour Bill Clinton, il y avait des votes à gagner pour que les Démocrates reprennent le pouvoir, alors que pour l’industrie pharmaceutique la perspective de nombreux bénéfices était en jeu. Avec l’arrivée de Barak Obama à la Maison Blanche, tous ces gens font probablement aujourd’hui le pari que les Américains préféreront la guerre à la maladie plutôt que celle de l’Irak, surtout en période de profonde crise économique. Ils ont besoin de croire en un nouveau « New deal ». Ils ont besoin de croire en la naissance d’une nouvelle Amérique, les esprits sont mûrs pour cela. Limiter les morts au lieu de les multiplier. Il y va de l’intérêt économique des Américains qui doivent se relever le plus rapidement possible de la présente crise économique.

Cette fois-ci, astucieux comme ils sont, les capitalistes américains pourraient bien en profiter pour joindre l'utile à l'agréable en se faisant encore plus d'argent et de nouveaux amis grâce à la misère du monde, surtout en Afrique et en Asie où sont les principaux foyers des épidémies qui pourraient, à l'avenir, être les plus meurtrières de toute la planète. Dans cette perspective, on comprend mieux les motivations de cette campagne de peur contre la grippe aviaire qui s’est déchaînée récemment et a occupé l'ensemble de l’espace médiatique pendant plusieurs années. Il ne faudra donc pas s'étonner, si demain, ce sont de bons et riches Américains bien intentionnés qui s’attaqueront au Sida, à la grippe aviaire, à la tuberculose, et au virus de l’Ébola…grâce à l’exemple du modèle québécois.

Ainsi, pendant que Monsanto se prépare à nourrir toute la planète et Al Gore à la nettoyer, grâce aux précieux conseils de Bill Clinton, Barak Obama fourbit déjà ses armes pour la guérir. Croyez-moi, la prochaine grande hégémonie américaine sera celle de l’industrie de la paix!

Viva pax Americana!

Louis Lapointe

Le 28 décembre 2008

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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