L’indépendance clairement assumée et promue au sein du peuple est la seule voie féconde. Le rôle d’un parti qui s’en réclame consiste à démontrer que l’indépendance est un idéal pragmatique, qui s’incarne donc dans la réalité des divers dossiers.
Toutefois, il faudra décrocher le pouvoir pour orienter l’appareil étatique du Québec vers la réalisation de l’indépendance. Cela respecterait à la fois le programme d’un parti indépendantiste et le mandat électoral accordé à ce parti. Foin les interdits fédéralistes intériorisés par les nationalistes mous !
Un nouveau modèle
Voici un préjugé tenace : « La promotion de l’indépendance se fera d’elle-même » (exprimé dans le débat sous l’article de Gaston Carmichael). Archifaux. Croire que la seule défense des intérêts du Québec suffira à convertir les électeurs à l’indépendance relève de la pensée magique. Il faut adopter une perspective tout autre. L’attentisme est toxique et suicidaire. L’étapisme par la patiente construction de l’État provincial — condamné à la démolition perpétuelle — est une nouvelle forme de l’attentisme. Qu’on me comprenne bien : on ne refusera pas les petites avancées ou les victoires ponctuelles, même celles du gouvernement caquiste, mais elles doivent être considérées dans l’ordre des tactiques, non celui de la grande stratégie qui doit conduire le plus rapidement possible à l’indépendance.
Ce n’est pas en plaignant les députés bloquistes mutins, qui sont réfractaires à la promotion active de l’indépendance, que l’on atteindra celle-ci. En salissant la chef au discours limpide, on a cru la réduire au rôle de bouc émissaire commode pour évacuer l’exigence salvatrice du changement de perspective. Mal leur en a pris, ils ont mis le Bloc québécois à terre en perdant la confiance des membres et des militants authentiquement indépendantistes du parti, ainsi que celle des citoyens en général.
Le nouveau modèle, que Martine Ouellet nomme transparlementarisme, consiste à sortir du carcan idéologique de la séparation des pouvoirs établie par l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, qui n’est d’ailleurs plus respectée par l’État fédéral. Il s’agit d’élaborer et de promouvoir un argumentaire en faveur de l’indépendance selon une approche globale des compétences complètes d’un État contemporain. Dans le cadre de la prison constitutionnelle canadienne renforcée en 1982, les compétences sont entièrement brouillées par les empiètements fédéraux incessants. Il est plus que temps de viser l’intégration efficace des compétences étatiques selon les aspirations et les besoins du peuple québécois.
Il est vain de reculer d’un demi-siècle à l’époque du défi lancé par Daniel Johnson père : « Égalité ou indépendance ». Le Canada fédéral travaille depuis toujours à l’éradication de son élément français comme nation. Ce qu’il faut retenir de l’esprit johnsonien, c’est la conscience aigüe que l’existence de la nation est menacée. Au cours de la Révolution tranquille, on a développé un État embryonnaire, dont il était inévitable qu’il fasse ultérieurement l’objet d’une déconstruction, accélérée sous le long règne récent des libéraux provinciaux. Certes, ces derniers ont finalement été chassés du pouvoir, mais l’État fédéral poursuivra sa guerre idéologique et politique contre le Québec. Seule l’indépendance boutera cet ennemi hors de notre patrie.
L’instrument du référendum
Le référendum est la voie démocratique par excellence, tout en n’étant pas la seule qui soit légitime. La participation de tous les électeurs confère au référendum son caractère éminemment démocratique. Toutefois, un vote majoritaire en faveur de l’indépendance par les représentants du peuple à l’Assemblée nationale serait aussi légitime. D’autant qu’il s’agirait d’un parallélisme des formes : puisque c’est par un vote majoritaire de la législature que le Québec est entré dans la prétendue Confédération, il peut donc en sortir de la même façon.
Un référendum dans le premier mandat ? Bien sûr ! Jean-François Lisée a démontré la stérilité de l’étape additionnelle d’un deuxième mandat de suite, puisque l’attentisme démobilise les troupes et mine la confiance de l’électorat.
Ce n’est pas la nation historique qui a rejeté la voie référendaire, c’est le gouvernement fédéral qui s’est livré à une intimidation intense lors des deux référendums sur la souveraineté et au vol du résultat de celui de 1995.
Selon cette vue, j’avoue que je trouve inapproprié que la direction de Vigile se soit exprimée depuis un an avec une certaine délectation morbide au sujet de l’échec provisoire du référendum en Catalogne. Dans le but de ternir l’utilisation du référendum au Québec ? Cela ne peut que faire le jeu des forces fédéralistes. Bon sang ! Le peuple catalan, pour l’instant isolé dans l’opinion médiatique internationale, se débat pour mettre fin à la souffrance existentielle que lui inflige la sujétion espagnole. Il mérite notre solidarité, peu importe les aléas de sa destinée.
Autres moyens de lutte
Pour stimuler le désir collectif de liberté qui conduira au référendum sur l’indépendance, de nombreux moyens s’offrent à un parti ou un gouvernement souverainiste.
Le débat sur la laïcité, qui s’inscrit plus largement dans la lutte pour la perpétuation de notre identité, peut certes servir de déclencheur par son opposition nécessairement frontale avec le multiculturalisme, la doctrine de l’État canadien affichée sans complexe, jusqu’au fanatisme.
En volant aux provinces l’impôt sur le revenu des sociétés et des particuliers, l’État fédéral tentaculaire s’est servi de ce nouveau pouvoir pour envahir systématiquement les champs de compétences de l’État du Québec afin de lui livrer une concurrence politique déloyale. On pourrait tenir un référendum sectoriel sur le rapatriement entier de cet impôt, non dans l’espoir illusoire que l’État fédéral consentirait au résultat positif d’un référendum gagné à 50 % des voix plus une, mais parce que son refus de respecter la volonté du peuple québécois donnerait la légitimité suffisante à son gouvernement pour dénoncer le pacte confédératif vicié de 1867 et décréter l’indépendance du Québec.
La disposition de dérogation de la Constitution canadienne est son talon d’Achille : c’est pour cela que l’oligarchie politico-médiatique tente de le cacher par un tabou droit-de-l’hommiste entretenu sans relâche. Or, pour faire crouler le colosse canadien aux pieds d’argile ou fragiles, les flèches sont nombreuses : outre la laïcité ou le rapatriement de l’impôt sur le revenu, il y a bien entendu la langue française à protéger, ainsi que toutes les prérogatives de l’État québécois, pour contrer les invasions fédérales gouvernementales ou judiciaires.
Ce ne sont donc pas les moyens qui manquent. Ce qui fait défaut, c’est la volonté de la classe politique québécoise, en mutinerie plus ou moins inconsciente contre l’intérêt fondamental du peuple : vivre pleinement, donc librement.
Quant au contexte mondial, est-ce que le Québec saura profiter de la révolte des peuples occidentaux qui gronde et renversera bientôt les oligarchies et leurs machins étatiques antinationaux — les États pervertis contre leur peuple — ou supraétatiques déconnectés du réel ?
« Qu’est-ce qu’on attend ? » n’est pas un appel divin, c’est celui de la liberté des peuples. Le combat pour la liberté collective est affaire de dignité.
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