On l’a encore constaté vendredi : le débat sur les universités s’enfonce dans des guerres de chiffres qui donnent le tournis. Mieux vaudrait identifier les écueils du système actuel pour sortir du dialogue de sourds.
Il n’y a pas si longtemps, celle qui était alors ministre de l’Éducation, Michelle Courchesne, avait eu quelques occasions de s’enflammer dans le dossier universitaire.
Il y avait d’abord eu le fiasco de l’îlot Voyageur, mené par l’UQAM, qui l’avait amenée à déposer un projet de loi sur la gouvernance des universités pour que celles-ci « comprennent qu’elles ont un actionnaire majoritaire, le gouvernement », et que plus de transparence serait dorénavant requise quant à leur situation financière. Puis elle s’était impatientée devant les millions à verser pour mettre un terme à la grève des professeurs de l’UQAM, eux-mêmes se situant dans la foulée de la faramineuse augmentation de salaires (14,5 % en trois ans) consentie aux profs de l’Université de Montréal en 2005.
Qu’en comprendre ? Que les universités défendent à hauts cris leur autonomie mais se livrent une féroce compétition à coups de surenchère salariale et immobilière grâce au financement gouvernemental, écrivait alors Le Devoir en éditorial.
Cette dynamique n’a pas changé, comme le démontrent les augmentations salariales consenties ces dernières années aux employés et au personnel de la direction des universités dont nous faisons état aujourd’hui. Les universités ont beau présenter un front uni, on voit qu’une partie du sous-financement qu’elles vivent vient en droite ligne de cette compétition.
Dans ce contexte, il devient incontournable de parler de leur mode de financement. Les subventions étant attribuées par tête de pipe, c’est la bataille rangée pour que les étudiants viennent chez soi plutôt que dans une autre université. Pour ce faire, on ouvre des antennes régionales, on multiplie les offensives publicitaires, on sillonne même la planète pour recruter. Et dans cette grande compétition à l’échelle du monde, il s’agit encore d’attirer des professeurs de renom, de leur offrir les meilleures conditions, dont des salaires qui les conduiront ici plutôt qu’à Toronto ou aux États-Unis… Cela n’a pas de fin et, surtout, va complètement à l’encontre d’une bonne gestion de l’argent public.
Au Québec, les universités relèvent d’un modèle de service public, comme le signalait le président du Conseil supérieur de l’éducation, Claude Lessard, dans une allocution prononcée en novembre, lors de la première rencontre préparatoire au Sommet sur l’enseignement supérieur. Il en découle des contraintes : financées par l’État, elles ne peuvent tout emprunter à la logique de libre marché et elles ont des comptes à rendre.
Il est vrai qu’il ne manque pas de données sur les universités, mais, comme le disait encore M. Lessard, elles sont sous- analysées et sous-utilisées. Une courtepointe, résumait-il. Un fouillis, dirions-nous au regard de la difficulté de même chiffrer le sous-financement qui se promène, au gré des analyses, entre 300 et 850 millions. Un écart qui n’est pas banal. Qui dit vrai ?
Le ministre Pierre Duchesne l’a encore répété vendredi : le Sommet veut voir à long terme. Nous en comprenons qu’il faut plus que réclamer de l’argent, mais aussi colmater les défaillances en matière d’approche, de gestion et de transparence.
De toute manière, l’argent est pour le moment un mirage. Le gouvernement Marois a décidé de ne plus gouverner mais de couper : tous les ministres n’ont que ce mot à la bouche pour justifier l’inaction. Le ministre Duchesne est toutefois pris à tenir un sommet tout en assommant les universités avec des compressions d’au moins 250 millions. Autant, dès lors, suivre son invitation à voir plus loin, sinon tout cet exercice sera bien vain.
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