Le présent texte est une fiction, il est tiré d’un roman que j’ai écrit en 2005, « Bâtonnier ».
Je visitai donc la prison en compagnie du directeur; cet endroit me donnait une impression bizarre : la froideur des lieux, causée par des mesures de sécurité exceptionnelles, tranchait avec la chaleur des prisonniers. Ces prisonniers n’étaient certainement pas des enfants de cœur, toutefois ils donnaient l’impression d’être de bons citoyens respectueux de l’ordre établi.
Bien qu’étant conscient d’être parmi des délinquants dangereux, le sentiment que j’éprouvais tenait plus de la claustrophobie que de la crainte d’être attaqué par un de ces individus. Je voyais bien que la haute sécurité était un frein à la liberté des habitants de ce lieu, ils s’en accommodaient en adoptant l’attitude de personnes vivant au-dessus de cette réalité.
Pour vivre ici, il fallait s’adapter; accepter de voir sa liberté restreinte. Nous n'étions pas si loin d’eux dans nos tours à bureaux où l’on doit franchir des barrières de sécurité, des détecteurs de métaux et accepter d’être épiés par de caméras dissimulées. Même passer les contrôles de sécurité dans un aéroport est presque aussi périlleux que d’entrer dans une prison. J’en vins à m’interroger sur ce qui distingue le prisonnier du citoyen libre.
Le citoyen est prêt à sacrifier une part de sa liberté pour avoir plus de sécurité, alors que le prisonnier préfère vivre dans un monde dangereux où il y aura plus de libertés. Finalement, les prisonniers ne sont-ils pas les premiers et vrais défenseurs des libertés individuelles ? Si ces derniers souhaitent plus de liberté pour eux-mêmes, procureurs, juges, policiers et politiciens se présentent comme d’ardents défenseurs d’un monde où il y a plus de sécurité et où seuls les plus fortunés jouissent d’une relative liberté que leur procure leur argent.
Cet argent qui leur permet de franchir les clôtures qu’ils ont érigées autour de leurs demeures, quartiers et villes et de survoler les frontières qu’ils ont contribué à dessiner, entre les pays, pour aller dans des îles enchanteresses et autres paradis fiscaux où ils fixent eux-mêmes les limites à leurs libertés.
Les citoyens ordinaires sont en quelque sorte les otages d’un système conçu pour les riches et contre les bandits : la place qu’ils ont, c’est celle qu’il leur reste, une fois que milliardaires et délinquants se sont partagé le monde. Cette visite en prison eut le mérite de me faire réfléchir sur mon rôle dans la société. Réflexions que je me dépêchai d’oublier en franchissant les portes de cet enfer.
À suivre...
Copyright © Louis Lapointe, 2005. Tous droits réservés.
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Autres épisodes de « Bâtonnier » :
Une rencontre avec le Cardinal
Quand le Québec s’éveillera, le monde s’étonnera ! Révolutions et Révolution tranquille
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