Québec — Un peu comme Élisabeth II l’a fait pour une année entière, Philippe Couillard aurait pu s’écrier « hebdomas horribilis » pour qualifier la rentrée parlementaire, sa première à titre de chef du Parti libéral du Québec.
Au dernier Conseil général du PLQ en juin, Philippe Couillard avait promis de mener la « plus grande entreprise de renouveau du parti depuis 30 ans ». Il avait également déclaré : « Je ne tolérerai jamais que les agissements de certains viennent entacher le travail et la réputation d’une vaste majorité de militants. » Nouvellement élu, il en avait aussi appelé à la « transparence ». Ces grands principes ont été mis à l’épreuve cette semaine.
En matière de transparence, Philippe Couillard a démontré qu’il en avait une conception un tant soit peu élastique. Le chef libéral a décidé de ne pas révéler que la permanence de son parti avait fait l’objet d’une perquisition en juillet dernier, question de ne pas nuire aux enquêtes, a-t-il soutenu mardi sans ciller.
En revanche, il s’est empressé mercredi d’informer les médias que des agents de la Sûreté du Québec, au nom de l’Unité permanente anticollusion (UPAC), l’avaient interrogé à son domicile le matin même. « J’ai également décidé de faire pencher la balance du côté de la transparence. Ce n’est pas un absolu, il n’y a pas de réponses ou de mauvaises réponses dans ces affaires-là », a-t-il déclaré. Va pour la transparence cette fois-ci, parce que « la population, pour reprendre le lien de confiance essentielle entre les élus et les citoyens, veut voir la transparence prédominer sur des considérations que j’appellerais d’ordre technique ».
On peut se demander pourquoi les « considérations techniques » ont primé en juillet. D’autant que les motifs détaillés de cette perquisition mise sous scellé doivent être révélés trois mois plus tard, ce qui nous amène en octobre. Tout cela n’est pas très limpide. On a appris vendredi que deux autres mandats de perquisition avaient été lancés concernant le Parti libéral, qui est resté coi à ce sujet. Le mutisme techniquement justifié a pris le pas sur la transparence une fois encore.
De la transparence, Philippe Couillard en a manqué envers ses propres députés. Singulière stratégie que de maintenir son caucus dans l’ignorance. Le député de Côte-Sud, Norbert Morin, s’en est plaint publiquement. Le chef ne l’a pas rabroué sans doute parce qu’il exprimait un sentiment répandu parmi les élus libéraux.
Marsan
La lettre du député de Robert-Baldwin, Pierre Marsan, envoyée à l’Association sépharade de la banlieue ouest de Montréal fut une démonstration que le renouvellement au Parti libéral auquel s’est attelé Philippe Couillard n’est pas tout à fait achevé. Le député chevronné établissait un lien entre des dons au parti et l’attribution de places en garderies, ainsi que l’obtention d’autres avantages. Certains réflexes demeurent. Le chef libéral a chicané son député, qui a présenté ses plates excuses à l’Assemblée nationale. Mais il « tolère » toujours sa présence au sein du caucus.
La responsable du financement du PLQ, Violette Trépanier, éminente membre de la « famille » libérale, a aussi bénéficié de la tolérance du chef. Son nom avait rebondi à la commission Charbonneau ; Lino Zambito l’avait mise en cause. Mais ce n’est que la semaine dernière qu’elle a quitté en catimini son poste au sein du parti, une fonction qu’elle occupait depuis 2001.
C’est au tour du chef de l’opposition libérale, Jean-Marc Fournier, de se faire éclabousser à la commission Charbonneau. L’entrepreneur Paul Sauvé a soutenu qu’il avait été forcé de participer à des activités de financement du Parti libéral, avec des prête-noms, notamment à un cocktail de financement du ministre des Affaires municipales, Jean-Marc Fournier, en 2003. Paul Sauvé cherchait à obtenir une subvention de près de 3 millions pour la réfection de l’église Saint-James à Montréal. L’entrepreneur a pu rencontrer le ministre et recevoir sa subvention.
Jeudi en fin de journée, Jean-Marc Fournier s’est empressé de donner sa version. Il a nié avoir demandé à l’entrepreneur de se montrer généreux envers le Parti libéral. « Dans les mois qui ont suivi mon arrivée au ministère, nous avons travaillé à dégager les moyens financiers pour respecter la signature de l’État [apposée par le gouvernement précédent]. La participation de M. Sauvé à un cocktail-bénéfice n’a rien changé à cet égard », a-t-il affirmé. Bref, les dons au parti n’ont rien à voir avec les subventions : or, c’est le contraire de ce qu’écrivait dans sa lettre le député Pierre Marsan.
À la Coalition avenir Québec, qui a toujours voulu soigner son image en matière d’intégrité, on s’est montré beaucoup moins tolérant envers un député dont le nom avait été cité à la commission Charbonneau. Le député de Blainville, Daniel Ratthé, a dû démissionner du caucus de la CAQ en mai dernier pour une affaire de financement illégal alors qu’il briguait la mairie de Blainville. Daniel Ratthé, qui siège depuis comme député indépendant, a lui aussi clamé son innocence.
Un nouveau PLQ?
Dès son élection comme chef libéral, Philippe Couillard s’est consacré à transformer le parti, à créer un « nouveau Parti libéral ». Or, sa décision de nommer Jean-Marc Fournier chef de l’opposition officielle, lui qui avait été réélu député en 2010 après un court et obscur passage chez SNC-Lavalin, s’inscrivait dans la continuité. On dit que le chef lui aurait préféré Pierre Moreau. Mais pour éviter que Sam Hamad, qui l’avait énergiquement appuyé durant la campagne à la chefferie, ne grimpe dans les rideaux, il s’était rabattu sur le vétéran Jean-Marc Fournier.
En 2003, le financement sectoriel, c’est-à-dire la sollicitation d’entreprises faisant affaire avec le gouvernement, était courant, avec les prête-noms qui viennent avec. La pratique était généralisée - et l’était encore jusqu’à tout récemment s’il faut en croire les témoignages entendus à la commission Charbonneau - tant au Parti québécois qu’au PLQ. Difficile pour un ministre influent et un tant soit peu allumé, sans parler de Violette Trépanier, de ne rien savoir de tout cela. C’est l’inconvénient avec les vétérans. Tout le monde n’est pas un Gérald Tremblay.
Ministre à 100 000 $ comme les autres dans l’équipe de Jean Charest, Philippe Couillard a affirmé qu’il n’avait « jamais vu » de financement sectoriel, qu’il n’avait vu que du financement légal. Se montrera-t-il intolérant envers tous ceux qui en ont vu ? Pas sûr. Comme pour la transparence, qui peut devenir à géométrie variable, un chef de parti doit souvent concilier ses nobles principes avec la prosaïque réalité politique.
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