Malgré toutes ses difficultés, la France peut sortir de l’ornière. Rabelais nous a montré le chemin voici plusieurs siècles. Démonstration.
Au XVIème siècle, dans le sillage de l’Italie, la France œuvra à une renaissance des formes et des esprits. Montaigne s’attacha à saisir l’homme dans ses contradictions, Pierre de Ronsard projeta des effusions lyriques à portée humaniste, Du Bellay se passionna pour Rome et ses Antiquités, Rabelais garnit notre langue d’une profusion de mots nouveaux.
Une soif de savoir gargantuesque
Il faut lire la lettre de Gargantua à son fils Pantagruel pour saisir l’optimisme de François Rabelais et sa foi en l’être humain. Des langues anciennes à l’astronomie, en passant par la musique, le droit, la philosophie ou l’écriture sainte, la connaissance devait inéluctablement mener l’homme au progrès. Rabelais ne fut pas pour autant un naïf: « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme », prévint Gargantua. Les deux guerres mondiales lui donneront raison. Et actuellement, la PMA ou la probable future GPA mériteraient plus de débats.
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D’un courage exceptionnel pour l’époque, Rabelais raillait vigoureusement l’Eglise catholique et les théologiens de la Sorbonne. Aujourd’hui, alors que des églises désertes sont fréquemment vandalisées, une part de l’élite qui prêche l’humanisme s’imagine courageuse en attaquant le catholicisme. Quant aux bigoteries catholiques de la Sorbonne, elles ont laissé place à des bigoteries écolos ou contre l’ « islamophobie ».
La France ne sait plus quoi inventer
Le XVIème siècle fut le temps des conquêtes. Sur des coques de noix, Hernan Cortès, Francisco Pizarro ou autres marins partirent à l’assaut du Nouveau monde. Désormais, tout a été exploré. Si la colonisation de l’espace peut encore nous fasciner, la conquête effective de Mars n’est pas prévue avant des dizaines d’années.
Certains d’entre nous cherchent notre renaissance dans l’altérité. L’Orient évidemment, continue de fasciner. D’autres sont plus sensibles aux raffinements de l’Asie. D’autres encore, sont charmés par l’exotisme de l’Afrique noire. Cette quête est stérile, elle ne fait que traduire un symptôme simple: depuis au moins une vingtaine d’années, notre pays ne sait plus quoi inventer. Or, la renaissance ne consiste pas à grappiller des morceaux de culture çà et là dans le monde. Elle consiste à s’interroger sur la fécondité de sa propre culture.
Réhabilitons l’ère médiévale
Il est communément admis que notre société a hérité du raffinement de l’Antiquité et des Lumières du XVIIème siècle. Mais la Renaissance a balayé tout un millénaire de notre histoire: l’âge médiéval. Obscurantiste, guerrier, barbare, sanguinaire, rétrograde, ou tout simplement moyenâgeux, les épithètes qui y sont associés n’ont rien de glorieux.
Pourtant, Charlemagne n’a pas attendu les Droits de l’homme pour développer l’apprentissage de la lecture et du calcul pour nos enfants. Quant à notre chère Sorbonne, elle ne serait rien sans ce bigot de Robert de Sorbon, qui lui légua son patronyme au XIIIème siècle.
Comme le souligna le médiéviste Jacques Le Goff, « Le Moyen-Âge a été dynamique, fortement créateur. Mais il ne le dit pas […] Nouveau, novus, c’est apocalyptique, seuls quelques audacieux, quelques provocateurs, se réclament de la nouveauté étendue de façon positive »(1).
Quelques lignes que devraient méditer les tenants du « progrès » face aux fichés R (rétrogrades).
Un courage redoutable
Les croisades pour la chrétienté entachent l’ère médiévale. Elles furent évidemment sanguinaires. Mais loin d’être le fruit d’aigris réactionnaires, elles furent le fait d’humains emplis de force et de l’amour de la vie dans tous ses excès. Que serait notre littérature sans La Chanson de Roland, cette épopée si française du XIIème siècle, qui a voyagé autant que celle d’Ulysse?
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Face à l’audace déchaînée de Roland, le neveu de Charlemagne, répond la modération d’Olivier: « Roland est téméraire et Olivier réfléchi. L’un comme l’autre ont une merveilleuse bravoure ». Mais « une fois à cheval et en armes, jamais la peur de la mort ne leur fera esquiver la bataille »(2). Si différents soient-ils, nos deux héros ont au moins une qualité en commun, et non des moindres: le courage.
Composée un peu après La Chanson de Roland, La Chanson de Guillaume est une épopée injustement oubliée. Elle est pourtant un formidable hymne à la bravoure: « Et les Français de répondre: « Par l’âme de nos pères, nous frapperons si hardiment avec la lance et l’épée, qu’après notre mort la France sera redoutée ». A ces mots, le cris de « Montjoie ! » retentit : c’est l’enseigne de Charles, l’empereur de France ; ils baissent leur lance, et les voilà au contact des païens »(3).
Transmettre nos épopées françaises
Que les choses soient claires, je ne souhaite nullement la relance des croisades. D’ailleurs, il me semble que même le père Le Pen ne l’a jamais souhaitée. Ce que je souhaite, c’est que ces épopées soient enseignées aux jeunes générations. En effet, malgré leur caractère belliqueux, qui est évidemment à contextualiser, elles recèlent de morceaux de témérité et de courage qui nous font cruellement défaut. De plus, qui pourra nier que certains de nos concitoyens se tournent vers le djihad car ils y trouvent un esprit guerrier que notre patrie a rangé au placard par culpabilité postcoloniale?
Au lieu d’emmener les ados du 93 au Musée national de l’histoire de l’immigration, enseignons leur les vaillances de Roland ou du comte Guillaume. Nous pourrions avoir d’heureuses surprises. J’en prends le pari. Les plus frileux peuvent se rabattre sur les romans de Chrétien de Troyes, aventures chevaleresques pleines de second degré avant la lettre. En attendant, François -de souche ou de greffe- de moult courtoisie et bravoure, ayez plaisir à ouïr grandes et puissantes batailles pour la sauvegarde de notre douce France. N’ayez crainte, l’archange Gabriel veille sur nous. Aux armes, chevaliers!