Voici le texte d'une plainte que j'ai envoyée à l'ombudsman de Radio-Canada à propos d'une entrevue de Bernard Drainville et d'Anne-Marie Dussault.
M. Tourangeau,
Ombudsman de Radio-Canada
D'entrée de jeu, je ferai deux remarques qui me semblent pertinentes. Je ne suis pas un fervent admirateur ni de la Charte des valeurs ni de Bernard Drainville. Par conséquent, on aurait tort de m'accuser de partisannerie. Par ailleurs, je suis tout à fait d'accord pour qu'un(e) journaliste ne montre aucune complaisance à l'égard d'un homme politique et lui pose des questions difficiles lors d'une entrevue. Un(e) journaliste n'a pas à se comporter comme un attaché de presse dont le but est de mettre en valeur un ministre. La recherche de la position du Ministre, son expression claire de ce qu’il souhaite pour le Québec, devrait guider la journaliste.
Ceci étant établi, je porte quand même plainte contre Anne-Marie Dussault qui, dans son entrevue avec Bernard Drainville, le 18 octobre 2013, lors de l'émission "Après tout c'est vendredi" a dépassé les cadres d'une émission d'information pour s'aventurer sur un terrain douteux.
Je n’ai pas aimé les entrevues accordées par des anciens de la maison à Mme Dussault, qu’il s’agisse de Pierre Duchesne, de Julie Miville-Dechêne ou de Bernard Drainville. Les deux parties établissent une relation dont ne bénéficie pas toujours le simple spectateur. Mais revenons à l’entrevue en question.
Madame Dussault a demandé au ministre Drainville: "Vous êtes responsable de ce projet. Ça pourrait être une carte de visite pour votre vie politique future ?" Après avoir accumulé toutes les conséquences négatives de la Charte dans ses questions précédentes et tous les préjugés qu'elle encouragerait, la journaliste suggère que ce projet de Charte qui est nuisible (toutes les questions vont dans ce sens) pourrait être utilisé par cet homme politique à des fins d'ambition personnelle comme "carte de visite" pour sa vie politique future. Le sous-entendu me semble évident, il ne s’agit pas d’une question, mais d’un commentaire. Or, pour les commentaires, RDI a recours à Mmes Lisa Frulla et Louise Beaudoin, pas aux journalistes. Je trouve cette formulation inappropriée, tendancieuse et malveillante, somme toute inacceptable.
Vers la fin de l'entrevue, ça s'est vraiment gâté. Je comprends que les réponses vaseuses de Drainville aient pu exaspérer Mme Dussault, moi aussi j’étais exaspéré. Mais elle est une professionnelle, et il n’est malheureusement pas le premier politicien qui dit quelque chose sans répondre de façon complète aux questions. Voyons la question suivante: "En 2012, vous invoquiez l’avis de la Commission des droits de la personne contre la loi 78. Y en a qui disent que c’est vous, là qui brimez la liberté d’expression. Porter le carré rouge, c’est un signe ostentatoire, ça !" Ça prend de la mauvaise foi pour comparer l'interdiction de porter le voile pour les employés de l'Etat à l'odieuse loi 78 de Jean Charest qui, en effet, brimait la liberté de manifester. Elle n’avait pas besoin de comparer ces deux signes pour poser sa question, elle prenait pour acquis que le Ministre était en contradiction avec lui-même là-dessus. Elle aurait dû l’amener sur ce terrain en lui posant une question sur l’avis de la Commission. Une fois la réponse obtenue, elle pouvait continuer comme elle l’a fait tout dépendant de la réponse de Drainville. Mais prétendre comme elle le fait que le signe ostentatoire du voile, qui est un signe religieux, peut être comparé au carré rouge, qui est un signe politique, et le qualifier d'ostentatoire, c'est faire une comparaison qui frôle la malveillance et la malhonnêteté intellectuelle.
Enfin, voyons un peu la dernière question que voici. "Au Canada anglais, on dit que Malala est bonne pour le prix Nobel mais qu’elle n’est pas bonne pour le Québec. Malala, c’est une femme qui porte le voile…" Cette question laisse entendre que la Charte des valeurs interdit le port du voile en tout lieu et en tout temps. Et que toute femme qui porte le voile est rejetée par le ministre responsable de la Charte, voire par le Québec, ce qui est particulièrement odieux: exemple Malala qui est une jeune fille admirable passerait ainsi dans le collimateur du rejet du voile tout azimuts. Or, la Charte ne rejette pas les femmes qui portent le voile: elles peuvent continuer à le porter sur la place publique, dans les lieux de culte etc en fait partout sauf sur les lieux de travail pour les employées de l'Etat, de ses agences et des villes. Si elle voulait embarrasser Drainville, elle pouvait toujours lui indiquer qu’elle ne pourrait y travailler. Mais poser la question comme elle le fait donne de la Charte une tout autre image. Je vous l’ai dit, je ne suis pas très chaud avec cette Charte, je reproche à nombre d’intervenants de lui prêter des « vertus » qu’elle n’a pas, et d’avoir une portée démesurée. Ce genre de questions ne va qu’ajouter à la confusion. La remarque d'Anne-Marie Dussault est donc malveillante et donne une interprétation fausse de la Charte des valeurs québécoises.
M. Tourangeau, c'est principalement à cause de ces trois questions que je porte plainte. Je serais bien surpris qu'elles puissent être considérées comme respectant Les Normes et pratiques journalistiques de Radio-Canada.
En attente de votre décision,
Louis Champagne
Les préjugés d'Anne-Marie Dussault
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4 commentaires
Archives de Vigile Répondre
18 novembre 2013les plaintes contre Anne-Marie Dussault
A propos de ma plainte contre Anne-Marie Dussault et de cette entrevue avec Bernard Drainville, l’ombudsman de Radio-Canada a refusé de blâmer l’animatrice. Son jugement est sur le blogue de l’ombudsman.
Louis Champagne a aussi porté plainte en insistant sur les trois dernières questions posées par Anne-Marie Dussault : la loi 60 comme carte de visite pour le ministte dans sa carrière politique future ; l’amalgame entre le voile et le carré rouge ; l’admirable paquistanaise Malala qui serait rejetée par les péquistes parce qu’elle porte le voile.
Pierre Tourangeau lui a répondu qu’il s’était prononcé à l’occasion de ma plainte. Mais il a ajouté un commentaire. Il a écrit à Louis Champagne que les trois dernières questions de la journaliste étaient "provocatrices et maladroites". Ce qui est, sous la plume timide de l’ombudsman, une sorte de blâme.
Robert Barberis-Gervais, 14 novembre 2013
Archives de Vigile Répondre
11 novembre 2013@ Louis Champagne:
Merci. Vous avez bien fait de porter plainte. J'ai vu l'entrevue en question. À peu près aussi malhonnête et irrespectueuse que la dernière de Dussault avec Gilles Duceppe. Cette espèce de mercenaire télévisuelle payée pour monter à l'assaut de tout invité souverainiste, m'a simplement dégoûté.
Stéphane Sauvé Répondre
9 novembre 2013Oui, merci pour ce bel effort. Ca pourrait les aider à se réveiller...
Archives de Vigile Répondre
7 novembre 2013Monsieur Champagne,
Merci de votre effort. Un léger commentaire, mais lourd de sens: on appelle les journalistes de Radio-Canada des presse-titués.