Si pas le Bloc... Qui?
Le mandat d’Yves-François Blanchet? Offrir aux Québécois une solution de remplacement digne de ce nom.
Demandez à n’importe quel stratège politique s’il saliverait à l’idée de pouvoir puiser dans un bassin d’électeurs de 30 à 35%... Il vous répondrait que c’est inespéré, une occasion en or, à ne pas manquer.
Bon an, mal an, les sondages créditent toujours entre 30 à 35% d’appui à l’indépendance au Québec. Parfois même un peu plus. Des électeurs pour qui cette question est fondamentale, de la plus grande importance. On y ajoutera aussi nombre de citoyens nationalistes, enclins à appuyer un parti dont la mission serait de défendre les intérêts du Québec avant tout.
C’est dans ce créneau que le Bloc québécois a fait son pain et son beurre pendant plus de deux décennies. Une voix forte à Ottawa pour défendre les intérêts du Québec.
Sinon qui?
On me demande à l’occasion si je pense que c’est jouable que le Bloc québécois renaisse de ses cendres. Ma réponse est toujours la même : à défaut de pouvoir appuyer le Bloc, pour qui voter?
D’aussi longtemps que je me souvienne, au fédéral, j’ai toujours appuyé le Bloc. Même en 2011. Pas de vague orange pour moi. J’aurais peut-être dû y penser deux fois. Notre ex-député bloquiste a été défait et il est aujourd’hui à la CAQ...
Indépendantiste, je ne peux m’imaginer appuyer un Justin Trudeau, un Jagmeet Singh. Impossible. Aussi, je connais pas mal de monde au Bloc, des indépendantistes que je respecte, des gens qui, sincèrement, ont l’intérêt du Québec à cœur. Certains sont au Bloc depuis longtemps, d’autres proviennent du cénacle du PQ ou même d’Option nationale.
Et c’est très bien comme ça. En fait, si l’on devait trouver un genre de convergence qui s’articule dans le réel, ce serait là.
Je sais, je sais, ce parti s’est déchiré au-delà du ridicule au cours des dernières années, mais il s’est raccommodé aussi. Il faut le souligner.
C’est là le plus grand défi du nouveau chef Blanchet, souder son monde et rendre le Bloc québécois attrayant pour des candidatures de choix. Commencer par ça. S’assurer que le Bloc québécois soit une alternative crédible, attirante, au Parti libéral, au Parti Conservateur et au NPD.
Une place à prendre
Et il y a une place à prendre, surtout au Québec. Ce n’est un secret pour personne, certains, au NPD, en étaient rendus à espérer que le chef Singh se plante dans la partielle où il se présente en ce moment afin d’y trouver une occasion pour le remplacer.
Le NPD peine sous la gouverne de Jagmeet Singh et pourrait même être complètement éradiqué de la carte au Québec. Au Canada, il est repoussé dans ses derniers retranchements. C’est la marginalité politique qui pointe pour ce parti.
Le Parti libéral de Justin Trudeau mène largement au Québec en ce moment, mais il n’a pas eu à affronter beaucoup d’opposition. Il serait très surprenant que le chef du NPD réussisse à susciter les passions au Québec et force est de constater que le chef Conservateur (il s’appelle Andrew Scheer en passant... je sais, il est bien peu connu), drabe au possible, peine à s’imposer.
Yves-François Blanchet est connu des Québécois, jouit d’un certain capital de sympathie. Il a très bien fait comme analyste au Ex à Radio-Canada; posé, nuancé, mais ferme dans la défense de ses convictions, il est bien positionné pour redonner crédibilité à ce parti.
Il sera intéressant de voir le chef du Bloc donner la réplique à Justin Trudeau. Car il est un « beau parleur » le PM du Canada, mais il a un bilan à défendre. Quand le chef du PLC usera de phrases creuses pour se donner des airs de PM soucieux de l’environnement, il faudra être incisif pour lui rappeler que son bilan en la matière est désastreux. Allo? Le PLC nous a forcés à acheter un pipeline désuet!!!
Les éternels « pas contents »
Ce qui agacera peut-être le plus le nouveau chef du Bloc québécois c’est d’avoir à entendre et à composer avec les éternels « pas contents » qui gravitent autour de ce parti. C’est aussi plaisant de se frotter à cette gang-là que d’affronter les mouches noires, en juin, en Abitibi.
Ces intégristes de l’opposition perpétuelle seront de retour aux barricades pour s’opposer au nouveau chef Yves-François Blanchet. À regarder aller certains « perpétuels pas contents », on pourrait se demander si, dans les faits, ceux-ci « ne bossent pas pour ceux d’en face », comme le disait Dame Séli, de la populaire série Kaamelott à propos des manchots de la garde rapprochée du roi Arthur qui faisaient toujours tout foirer afin que ce soit constamment l’ennemi qui finisse par l’emporter.
Suffit d’être de certaines discussions sur les réseaux sociaux pour comprendre – et constater – que le nouveau chef du Bloc québécois ne fera pas l’unanimité, qu’il sera contesté. Mais cela ne surprendra personne, on aura compris, à présent, que peu importe qui aurait pris la place de Blanchet, les « chialeux » auraient chialé. Il est grand temps qu’on laisse ces gens-là pester tout seuls dans leur coin.
« Pas assez indépendantiste, trop du côté de la défense des intérêts du Québec, le Bloc justifie et cautionne le fédéralisme, l’indépendance se fera à Québec, pas à Ottawa, etc. »
On connaît la chanson par cœur. Et à quelques égards, certaines de ces doléances ne sont pas fausses. Mais dans la situation actuelle, le Québec a besoin d’être mieux représenté à Ottawa, coute que coute.
En 2015, à l’appel (futile) du « n’importe qui sauf Stephen Harper, nombre de nationalistes et indépendantistes ont appuyé Justin Trudeau en se bouchant le nez. On connaît la suite : le PLC de Trudeau a gouverné texto comme le PCC de Harper, selfies et promotion indécente du multiculturalisme et achat d’un oléoduc en prime.
Comme le rappelle l’éditorialiste Robert Dutrisac dans Le Devoir ce matin :
« Les raisons qui fondent le projet indépendantiste n’ont pas disparu et l’évolution politique au Canada pourrait contribuer à les illustrer concrètement. Bref, on ne sait de quoi l’avenir sera fait et cette voix québécoise, qu’incarne le Bloc à Ottawa, pourrait s’avérer utile, voire essentielle. »
Yves-François Blanchet dispose de neuf mois devant lui pour accoucher d’une proposition politique qui sache rallier les Québécois. Environnement, indépendance, préférence laïque, primauté à la défense des intérêts du Québec à Ottawa... oui, il y a une place à prendre.