Une maison de la Nouvelle-France détruite à Québec

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L'incapacité à protéger notre patrimoine révèle une haine de soi profondément ancrée


La maison Pasquier, une des plus vieilles résidences au Canada, est tombée sous l’assaut d’une pelle mécanique jeudi matin.


Les nouveaux propriétaires de cette maison qui a été habitée sans interruption par huit générations de la famille Paquette (Pasquier) avaient obtenu un permis de démolition de la Ville de Québec un peu plus tôt cet été, sans avis public.


Plusieurs groupes de protection du patrimoine québécois ont dénoncé cette décision auprès du ministère de la Culture. Mais la ministre en titre, Nathalie Roy, a refusé d’intervenir. Elle avait déclaré la semaine dernière que « la mesure de protection dont cette maison pourrait jouir relève directement du municipal ». Autrement dit, le ministère de la Culture ne jugeait pas cette maison d’« intérêt national », malgré des avis contraires.


Du côté de la Ville de Québec, on avait expliqué au Devoir que « la maison Pasquier ne jouissait d’aucune protection patrimoniale » et que « la Ville ne pouvait refuser la demande de démolition déposée par le propriétaire, celle-ci étant conforme ». On avait aussi signalé au Devoir que la Ville de Québec portait attention à d’autres maisons de la même époque.


Photo: Société d’histoire de la Haute-Saint-CharlesLa maison tricentenaire Pasquier a été habitée jusqu’à tout récemment par les descendants d’une même famille qui se sont succédé pendant huit générations.

Un groupe d’experts en démontage de maisons anciennes s’était proposé la semaine dernière, fort de son expertise, pour démonter la maison et la reconstruire ailleurs. C’est finalement la démolition rapide qui l’a emporté. En quelques coups de pelle, ce sont plus de 300 ans d’histoire qui ont été mis par terre.


La maison Pasquier datait de la fin du XVIIe siècle ou du début du XVIIIe siècle. On sait avec certitude qu’elle existait bel et bien vers 1730. Mais des documents et son architecture laissent penser qu’elle datait plutôt de 1698. À cette époque, la Nouvelle-France comptait environ 30 000 habitants. Très peu de maisons de cette époque existent encore, peu importe leur condition.


Au sein des groupes de défenses du patrimoine qui ont tenté d’alerter l’opinion publique quant à l’intérêt de préserver cette maison, on se disait consterné à l’annonce de la démolition. Le jeune avocat Charles Breton-Demeule, un des responsables de la société d’histoire locale, a été un des premiers à demander à la ministre de la Culture d’intervenir.


Selon M. Breton-Demeule, « il est inconcevable qu’une telle démolition ait été faite légalement. Il existe actuellement des failles importantes dans le système légal de protection du patrimoine qu’il faut absolument corriger. […] Il n’existait aucun argument sérieux pour justifier la démolition de cette maison patrimoniale. Les citoyens n’ont pas été consultés dans le processus. Faudra-t-il attendre que d’autres maisons de cet âge soient démolies pour que les modifications à la Loi sur le patrimoine culturel soient effectuées ? Sans une modification de la Loi, les immeubles continueront d’être démolis sans que les municipalités ou les villes aient l’obligation d’agir ». Selon lui, il est temps d’aller au-delà des simples efforts de conscientisation quant à l’importance d’assurer une vie au présent à ces traces d’un passé commun.


Méganne Perry-Melançon, la députée du Parti québécois qui agit comme porte-parole en matière de culture, ne comprend pas pourquoi la ministre Nathalie Roy se contente d’affirmer que la décision finale à l’égard de cette maison ne lui revenait pas. « Alors, qui donc est censé se porter à la défense de notre héritage collectif en matière de patrimoine bâti si, selon elle, la ministre elle-même n’a pas la responsabilité de le faire ? C’est très préoccupant et décevant de voir que la liste de bâtiments patrimoniaux disparus récemment se rallonge encore et que personne ne fait rien au gouvernement pour arrêter ce fléau. »




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