François Legault aurait peut-être mieux à faire pendant quatre ans qu'à traîner ses guêtres de deuxième chef de l'opposition à l'Assemblée nationale : fort de son expérience de gestion de transporteur aérien, fort de sa conviction politique québécoise qui l'a conduit jadis au Parti québécois - quand même! -, François Legault pourrait retrouver ses motivations profondes en réfléchissant au défi suivant : pourquoi ne pas imaginer qu'un transporteur s'équipe d'un jeu d'avions C Series assurant d'abord des navettes régulières entre l'Aéroport Montréal St-Hubert Longueuil et toute une gamme de villes du nord-est de l'Amérique du Nord dans un rayon, disons, de quelque mille kilomètres?

Je ne m'y connais aucunement en transport aérien, mais je lis les gros titres comme tout le monde et ça m'inspire ce qu'on vient de lire. On n'a jamais imaginé dans l'univers montréalais que le transport aérien puisse se situer autrement que dans le giron de l'ouest - Dorval, dans un premier temps, Mirabel dans un second essai, qui a foiré comme l'ensemble de la politique du Parti libéral du Canada en matière de transport aérien pour Montréal. Dorval - devenu d'office Aéroport Pierre-Trudeau sans petite gêne (si j'étais de la famille, je me serais offusqué; mais on est libéral : on avait choisi le nom du premier ministre Pearson pour l'aéroport de Toronto, il fallait aussi choisir un ex-premier ministre pour Montréal - Dorval, je disais, a foiré aussi, venant de chuter aux quatrième rang au Canada après Toronto, Vancouver et maintenant Calgary, au grand plaisir du ROC. Faut pas se cacher les choses.

Et si comme cité politique montréalaise on souhaitait qu'un aéroport situé dans l'est vienne épauler l'industrie montréalaise du transport aérien?

Les gros titres me lancent des messages :

* C Series a besoin de quelques commandes pour fortifier son offre planétaire de nouveaux produits de moyen courrier. Une commande en bloc d'une entreprise québécoise à créer viendrait renforcer la position de Bombardier sur le marché international... et mériterait que l'on déduise du prix de vente des appareils les subventions accordées à Bombardier pour la conception et la construction de ces appareils.

* Dans ces appareils de la C Series, ont a réduit sensiblement, semble-t-il, le bruit dégagé par ce type d'appareil.

* L'Aéroport Montréal Saint-Hubert Longueuil (c'est son nom officiel) sera naturellement relié à Montréal par la ligne Jaune du métro, à haut achalandage, étant donné la densité du marché longueuillois entre le Saint-Laurent et l'aéroport. La ligne est déjà sur les planches à dessin, tout naturellement. (L'aéroport Pierre-Trudeau pourrait être aussi relié par la ligne Verte du métro, qui aurait cependant à traverser les longs espaces stériles de Turcot, entre le Parc Angrigon et l'aréogare).

* Plein de gens - fonctionnaires, gens d'affaires, universitaires, artistes - ont affaire dans diverses villes de proximité aérienne comme Québec, Ottawa, Toronto, Halifax, Boston, New York, Washington, Philadelphie et trouveraient dans l'Aéroport Montréal St-Hubert Longueuil une juste compensation pour l'échec des aéroports de l'ouest. Il y aurait lieu d'imaginer aussi des week-ends express en direction d'un certain nombre de villes, et surtout des packages de courts séjours à Montréal, à la faveur de ses festivals devenus célèbres et qui pourraient en venir à s'échelonner sur la presque totalité d'une année. L'idée de s'amuser à Montréal se vend déjà très bien et celle de monter dans le métro à l'aréoport et d'en descendre directement dans le quartier des spectacles devrait rejoindre une forte clientèle urbaine de toutes les grandes villes : New York, Boston, Philadelphie, Washington, ensuite de Québec si on oublie la "concurrence", ensuite de Toronto et d'Ottawa si leurs clients oublient que cet espace urbain-ci parle français. La formule permettrait aux visiteurs de descendre avec leur sac à dos léger directement sur des lieux festifs et de commencer à s'amuser avant même de s'être inscrit à l'hôtel pour une ou deux nuits. L'idée de venir s'amuser à Montréal se vend déjà très bien; voilà qu'elle se vendrait encore mieux.

* L'aménagement de l'Aéroport Montréal St-Hubert Longueuil bénéficierait de la présence voisine considérable de grands noms de l'industrie aéronautique comme Pratt & Whitney et d'autres; la présence de cet aréoport longueillois servirait aussi les industriels : les dirigeants de Pratt &Whitney par exemple ont souvent affaire à la maison-mère dans le Connecticut. Les gens de l'industrie aéronautique en général voyagent eux-mêmes beaucoup.

Bon. Je sais très bien que ce projet est plein de trous économiques, ou technologiques ou électroniques; pleins de trous politiques surtout : Air Canada à l'époque avait réussi à tuer en quelque sorte Mirabel en insistant pour que ses vols opèrent depuis Dorval.

Les libéraux fédéraux d'alors venaient de bâtir une belle aérogare ultra-moderne, mais n'ont jamais réussi à construire une véritable politique montréalaise de transport aérien, laissée, elle, entre les mains d'Air Canada et de fonctionnaires fédéraux.

De sorte qu'on en est venu à vouloir planter le pic du démolisseur dans l'aréogare en question.

Je me dis que M. FrançoisLegault aurait plus d'intérêt, pour lui comme pour Montréal et pour le Québec, à examiner le problème du transport aérien de Montréal qu'à perdre quatre ans à poser des questions venant après tant d'autres, quelques semaines par année.