Dure journée pour la candidate à la chefferie du Parti libéral Dominique Anglade : les fermetures en série chez RONA (voir pages 36 et 37) l’ont fait mal paraître alors qu’elle avait salué la transaction en 2016. Ensuite, un rapport accablant de la vérificatrice générale Guylaine Leclerc nous apprend que sous sa direction, le ministère de l’Économie et de l’Innovation (MEI) a multiplié les subventions hors programmes mal justifiées. La VG Guylaine Leclerc a également détecté des « failles » dans la gestion d’un chantier d’un milliard de dollars, et soutient que Mme Anglade a devancé des dépenses destinées à des projets non ficelés pour diminuer le surplus du gouvernement.
Gestion « Déficiente » d’un chantier de 1 G$
Le ministère de l’Économie est sévèrement blâmé quant à la gestion d’un chantier d’un milliard de dollars pour brancher à un accès internet de qualité des foyers mal desservis. D’août 2017 à septembre 2019, il a déjà dépensé 206 M$. La sélection des projets est « mal justifiée ». « Quatre projets ont été mis de côté alors qu’ils avaient une note supérieure à d’autres qui ont été retenus. Deux projets ont été annoncés publiquement avant que toutes les demandes aient été analysées par le ministère. Un projet a été retenu sans avoir fait l’objet d’une analyse comparative de qualité », écrit la VG.
Le MEI a également accepté des projets qui dépassaient le plafond de 5 M$ de l’époque, dont un qui lui était supérieur de 15 M$. Il a également privilégié certains promoteurs, qui ont pu modifier leur projet pour qu’il devienne conforme, alors que d’autres ont été tout simplement rejetés.
600 M$ en subvention hors programme
En 2017 et 2018, le MEI a donné 263 M$ en subventions hors programmes « sur la base d’analyses incomplètes et d’une documentation insuffisante ». « Cela représente 65 % des dossiers vérifiés », écrit la VG, Guylaine Leclerc.
C’est Dominique Anglade, candidate à la chefferie du Parti libéral, qui était ministre de l’Économie à ce moment. L’ex-ministre estime que les subventions hors-norme sont nécessaires pour stimuler l’innovation. Mme Anglade reconnaît toutefois qu’il aurait dû y avoir une meilleure reddition de compte.
Le budget « hors programmes » a explosé lors du passage de Mme Anglade. De 42 M$ en 2014-2015, il a atteint 592 M$ en 2016-2017. La VG souligne que le gouvernement actuel lui a mis des bâtons dans les roues lors de son enquête.
« Le ministère du Conseil exécutif et le Secrétariat du Conseil du trésor ne nous ont pas donné accès aux avis et analyses produits par leurs fonctionnaires à l’intention des membres des comités ministériels », déplore-t-elle.
Devancer des dépenses pour cacher les surplus
Après des années de dures compressions, le gouvernement du Québec se retrouve en 2017 avec des surplus budgétaires. Mme Anglade et le ministre des Finances, Carlos Leitao, décident alors de devancer le versement de 336 M$ en subventions pour réduire le surplus.
La VG déplore que ces sommes aient été destinées à des projets qui n’étaient pas ficelés ou qu’elles aient servi à financer le fonctionnement d’organismes pour plusieurs années à venir.
En agissant de la sorte, M. Leitao et Mme Anglade ont carrément « mis à risque cet argent », dit Mme Leclerc. « Si on verse cinq ans à l’avance des frais de fonctionnement, on ne sait pas si l’entreprise va en avoir encore besoin dans quelques années, si c’est toujours justifié. Lorsqu’on verse des sommes en fin d’année comme ça, de manière importante, pour des projets qui ne verront peut-être pas le jour, ça met à risque les sommes que le gouvernement du Québec met pour la croissance économique », a-t-elle dit.
M. Leitao a réagi en affirmant qu’il n’était pas d’accord avec Mme Lerclerc, et que la moitié du 336 M$ était destinée à la Ville de Montréal.