Une Constitution canadienne partiellement bilingue

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Un pays faussement bilingue : « L’obligation d’adopter une version officielle française de la Constitution est une obligation de la Constitution. »


Le sénateur Serge Joyal et le professeur de droit François Larocque demandent à la Cour supérieure de forcer le Parlement canadien et l’Assemblée nationale à adopter la version française de pas moins de 22 textes constitutionnels « dans les meilleurs délais ». Seule la version anglaise de ces composantes de la « loi suprême du Canada » a force de loi encore aujourd’hui, 152 ans après la naissance du Canada, déplorent-ils.


Pourtant, « le ministre de la Justice du Canada est chargé de rédiger, dans les meilleurs délais, la version française des parties de la Constitution du Canada ; [et] toute partie suffisamment importante est, dès qu’elle est prête, déposée pour adoption », stipule l’article 55 de la Loi constitutionnelle de 1982. « Voici 37 ans que le Canada manque à cette obligation impérieuse », se désole M. Larocque.


Du coup, le Néo-Brunswickois Gérard Comeau a dû se rabattre sur la version anglaise de l’article 121 de la Loi constitutionnelle de 1867 selon laquelle « all Articles of the Growth, Produce, or Manufacture of any one of the Provinces shall, from and after the Union, be admitted free into each of the other Provinces » afin de contester devant les tribunaux l’amende dont il a écopé après avoir été trouvé, au Nouveau-Brunswick, en possession de 340 bouteilles de bière et trois bouteilles de spiritueux achetées au Québec, en 2012.


Un droit fondamental bafoué


L’unilinguisme des 22 textes constitutionnels porte atteinte au caractère officiel du français ainsi qu’à l’égalité de son statut, de ses droits et de ses privilèges avec l’anglais quant à son usage dans les institutions du Parlement et du gouvernement du Canada, qui est garanti par la Charte canadienne des droits et libertés, soutiennent aussi M. Joyal et M. Larocque dans leur demande introductive d’instance en jugement déclaratoire et en contrôle judiciaire.


« Nous sommes un des rares pays au monde à se proclamer officiellement bilingues. Et ça ne peut pas être uniquement une sorte d’élément secondaire de son identité. Ça doit partir de la loi essentielle qui crée le pays, à savoir la Loi constitutionnelle de 1867 et les autres lois qui ont amendé cette loi originale », souligne le sénateur d’allégeance libérale Serge Joyal.



Nous sommes un des rares pays au monde à se proclamer officiellement bilingues. Et ça ne peut pas être uniquement une sorte d’élément secondaire de son identité.




M. Larocque et lui exhortent la Cour supérieure à contraindre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux à remédier une fois pour toutes à la situation, d’autant plus que la version française des 22 textes constitutionnels est prête depuis 1990. « Personnellement, je la trouve magnifique cette version-là. Tous les textes sont faits dans le génie de la langue française », mentionne le professeur Larocque, priant les élus canadiens de se livrer « dans les meilleurs délais » à cet « exercice [strictement] de validation textuelle ». « Qu’on s’assoie, qu’on lise et qu’on approuve un texte. La négociation a déjà eu lieu en 1982. Là, maintenant, la question est de compléter, parachever un processus qui est commencé depuis 37 ans. C’est temps que ça aboutisse », fait-il valoir. Le titulaire de la Chaire de recherche sur la francophonie canadienne en droits et enjeux linguistiques en fait une question de « respect envers la minorité francophone du pays ». « Cette communauté-là qui a le droit de prendre connaissance des textes constitutionnels du pays dans sa langue maternelle », insiste-t-il.


« On ne demande pas de rouvrir des discussions constitutionnelles. Ce n’est pas une négociation. L’obligation d’adopter une version officielle française de la Constitution est une obligation de la Constitution. […] Ce n’est pas un sujet de négociation comme tel », conclut le sénateur Joyal.




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