Yves-François Blanchet est devenu officiellement le chef du Bloc québécois et nous ne pouvons que saluer son courage de se lancer dans la mêlée politique avec un véhicule qui a passablement été accidenté au cours des derniers mois. Ses talents de communicateur et sa maîtrise du véhicule ne lui suffiront toutefois pas pour ramener le Bloc dans le peloton de tête. Une chicane provinciale-fédérale lui serait d’une précieuse aide et François Legault apparaissait la lui fournir après son tête-à-tête avec Justin Trudeau.
L’ancien paneliste des ex à Radio-Canada assume un pari plutôt risqué en renonçant à une rémunération avantageuse pour participer à une aventure politique qui ne paie pas d’évidence. Il reflète là un mélange de folie et de passion qui anime les vrais hommes politiques prêts à sacrifier leur confort pour embrasser la cause qui leur tient à cœur. Ne serait-ce que pour cette abnégation, il mérite que les électeurs lui fassent un meilleur sort tout comme l’aurait mérité Gilles Duceppe à la dernière élection fédérale.
Malheureusement, la politique partisane est un sport de combat qui laisse peu de place à la compassion et encore moins dans un monde où l’individualisme est triomphant. L’électorat s’avère de plus en plus volatil et de moins en moins fidèle à l’intérêt collectif avec une multitude toujours grandissante de citoyens accaparés par leurs doléances et leurs besoins personnels à l’égard des partis politiques. Dans un tel environnement, la cause indépendantiste éprouvera de plus en plus de difficultés à se frayer un passage si les obstacles fédéraux à notre développement socioéconomique ne sont pas mis en évidence par les dirigeants québécois.
Il sera intéressant au cours des prochains mois de voir jusqu’où s’exprimera le nationalisme de François Legault et de la CAQ et comment Justin Trudeau et les libéraux fédéraux s’en accommoderont. Dans l’hypothèse où le gouvernement canadien fléchirait devant les demandes du Québec en regard de l’immigration, du rapport d’impôt unique, des justes compensations financières pour les réfugiés et des infrastructures de transport en commun, la situation laisserait très peu place en piste au Bloc pour qu’il puisse légitimement prétendre à la défense des intérêts du Québec et encore moins à la nécessité de l’indépendance. Le gouvernement Legault apparaîtrait ainsi comme un rempart suffisant dans la protection des aspirations québécoises en ayant su faire retraiter le fédéral sur des points qui tiennent à cœur à une majorité de Québécois.
Si Justin Trudeau affichait l’arrogance manifestée à l’égard des demandes traditionnelles du Québec comme dans ses premières années de mandat et fermait la porte aux demandes raisonnables, il fournirait alors un impressionnant réservoir de carburant à l’écurie du Bloc et à son nouveau pilote. Son comportement, après le point de presse de François Legault au sortir de leur tête-à-tête, ne semblait pas ouvrir la voie à cette perspective. Au contraire, face à l’impatience du premier ministre Legault, le premier ministre canadien a préféré mettre l’accent sur le parcours positif de sa rencontre avec le chef de l’exécutif québécois et sa hâte de poursuivre la course avec lui.
Le Bloc est en dernière position avec les Néo-démocrates sur la grille de départ, il lui reste à espérer que les multiples tours de piste jusqu’à l’arrivée lui donneront l’occasion de se remonter dans le peloton de tête.