Pour les employés qui portent des signes religieux et qui se le verront interdit par la future loi sur la laïcité, le premier ministre Legault a laissé entendre au collègue Antoine Robitaille que l’État pourrait les relocaliser dans d’autres emplois où ils ne seraient pas en autorité. Certains y voient un recentrage de son gouvernement, j’y vois plutôt un slalom entre des positions tranchées pour répondre aux impératifs des sondages.
Les sondages révèlent une nette majorité favorable à l’interdiction du port de signes religieux par les personnes en autorité comme le suggérait la commission Bouchard-Taylor pour les policiers, les juges et les gardiens de prison. Le gouvernement Legault veut également que cela s’applique pour les enseignants et il jouit de la même proportion d’appui de la population. Si les trois quarts des Québécois sont favorables à l’interdiction, ils deviennent plus mitigés pour ce qui est de mettre à pied un employé, l’appui se situe autour de 50%.
Nous pouvons apprécier le côté humaniste du premier ministre qui ne veut pas renvoyer des gens et leur créer une insécurité économique après les avoir embauchés selon certaines règles qui se trouvent soudainement modifiées en cours d’emploi. Ce comportement est honorable, mais il ne le met pas à l’abri des problèmes de parcours alors que plusieurs travailleurs pourraient être tentés de se découvrir un penchant religieux et dénicher un signe ostentatoire avant l’adoption de la loi. Ceux-ci jouiraient ainsi du privilège d’une plus grande mobilité d’emploi dans le secteur public en espérant obtenir un poste convoité qui leur semblait hors de portée.
D’autre part, l’introduction d’une clause de droits acquis pour maintenir dans leur emploi les gens qui portaient un signe religieux avant l’adoption de la loi, comme le propose le Parti québécois, est tout aussi problématique. Une telle disposition s’apparente à une clause orpheline et maintiendrait le port de signes religieux pour certaines personnes pendant plusieurs décennies, risquant ainsi d’entretenir le débat aussi longtemps sur l’interdiction. Les Québécois voudraient tourner la page en souhaitant que le gouvernement statue définitivement sur une interdiction, sans que cela crée d’ennuis aux employés qui affichaient leur religion avant l’adoption de la loi.
La proposition du premier ministre s’avère un bon compromis pour satisfaire cette volonté populaire dans la mesure où le jour de référence pour identifier les porteurs de signes religieux correspondra au moment où il a fait cette annonce au collègue Robitaille. Ainsi, seules les personnes à l’embauche au moment il a rendu son intention publique pourrait jouir d’une possible relocalisation dans un autre emploi de la fonction publique.
La gouvernance par sondage donne souvent l’impression d’une navigation au gré du vent sans véritable vision d’où on veut mener la patrie, mais il serait aberrant qu’un premier ministre n’en fasse qu’à sa tête sans être à l’écoute de ses mandants. En ce sens, la proposition Legault est un effort louable.