Louise Beaudoin et Liza Frulla lancent Amitié interdite

Une amitié qui dérange

Par André Duchesne

17. Actualité archives 2007


Louise Beaudoin et Liza Frulla ont lancé cette semaine au Salon du livre de Québec Amitié interdite, un livre qu'elles ont écrit ensemble, au-delà de la partisanerie politique. Le livre sera lancé midi à Montréal lundi.
Les deux femmes, l'une fédéraliste, l'autre souverainiste, se sont rencontrées il y a une quinzaine d'années et sont restées amies.
Dans leur livre, les deux ex-politiciennes conversent, s'affrontent en toute amitié et se racontent, navigant entre le sérieux et l'humour, le profond et le léger, sans succomber à la langue de bois.
Elles parlent évidemment de la politique, mais aussi des femmes et d'autres sujets marquants de notre époque de bouleversements.
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Une amitié qui dérange
André Duchesne
La Presse 15 avril 2007
On utilise souvent, pour illustrer l'antagonisme entre deux politiciens, l'expression «il ne faut pas les inviter à la même soirée». Ce n'est pas le cas de Louise Beaudoin et de Liza Frulla.
Au contraire, quiconque connaît les méandres de la politique sait que la souverainiste Mme Beaudoin et la fédéraliste Mme Frulla entretiennent une amitié forte et solide, en dépit de son caractère atypique. Comme si un érable poussait dans une talle de fleurs de lys.
Tissée au fil de rencontres professionnelles et personnelles, cette amitié vieille de plus de 15 ans s'est alimentée et a alimenté un grand réseau d'amis communs.
Et cette amitié, parfois, dérange.
Les deux femmes, retirées de la vie politique active mais toujours très présentes dans le paysage médiatique, en reçoivent encore des échos aujourd'hui. La raison : la publication d'Amitié interdite, un ouvrage construit autour de cette relation, et publié aux Éditions La Presse. Un «coming out» qui ne passera pas inaperçu.
En entrevue, Louise Beaudoin imagine déjà de quoi aura l'air le lancement, en présence d'amis provenant d'horizons politiques, comment dire, diversifiés.
«Cette amitié, nous on le sait, n'est pas banale, dit Louise Beaudoin, alors que Liza Frulla, assise à ses côtés, opine. Encore, tout récemment, des amis me disaient : «Qu'est-ce que tu as fait là! Qu'est-ce que c'est que ça?» Ça va être très mixte dans les lancements. Il y a des gens qui vont se regarder de travers.»
Liza Frulla dit de son côté que l'évocation du livre et de son lancement auprès d'amis suscite des commentaires polis ou gênés. Parfois même des silences.
Dérangeante mais possible
Pourquoi alors publier un tel ouvrage basé sur des propos recueillis par la journaliste Danièle Bombardier? Pour son côté «positif», répondent les deux anciennes ministres de la Culture du gouvernement du Québec.
Les lecteurs se rendront rapidement compte, à la lecture du livre, que les échanges entre les deux femmes portent bien davantage sur la politique que sur tout autre thème. Mais ce sujet de prédilection est justement ce qui lie tout le reste. La politique, ici, sert de catalyseur vers d'autres lieux de réflexion : l'amitié, bien sûr, mais aussi les coulisses des partis, l'égalité hommes-femmes, l'environnement, les conjoints, les hommes.
«Ce n'est pas une thèse politique, fait Liza Frulla. Ce que nous voulions dire est que, oui, l'amitié peut exister aussi en politique. Nous voulions faire passer des idées, des convictions politiques, des débuts de réflexion, de discussions, le tout sous le couvert de l'amitié.»
L'ancienne ministre canadienne du Patrimoine espère également que les lecteurs y verront les politiciens sous un angle plus humain. «Les gens ont une très mauvaise impression des politiciens. On veut redorer ça, aussi. On aurait pu faire quelque chose de plus hermétique mais je voulais qu'on rejoigne le plus de monde possible. Que les gens se disent que la politique n'est pas si rébarbative que cela.»
Moins potins que réflexions
Au-delà de leur différence politique, Liza Frulla et Louise Beaudoin sont antinomiques. La première déplace de l'air, parle fort, entre dans votre bulle dès le premier contact. Elle aime faire la cuisine et bien manger, adore magasiner, s'entourer d'amis et espère vivre avec 7000 beaux gars au paradis. La vie de la seconde est davantage faite de silences. Elle voyage, joue au golf et adore se retirer dans sa petite maison de Charlevoix. Lorsque la glace est brisée, elle vous vouvoie en vous appelant par votre prénom.
Mais ailleurs, sur bien des sujets d'actualité, elles se rejoignent. En dépit de leurs longues années d'amitié, elles ont même été surprises, au cours de leurs entretiens pour cet ouvrage, de la proximité de leurs réflexions. Comme la qualité de la langue française et le «vivre ensemble» des Québécois de toutes les origines.
D'ailleurs, l'ouvrage est davantage truffé de réflexions sur des sujets d'actualité que de potins sur la politique et ses acteurs (qu'on se rassure, il y en a quand même quelques-uns). On est d'ailleurs surpris de l'acuité de leurs échanges sur les accommodements raisonnables quand on sait que leurs entretiens ont eu lieu l'automne dernier, en amont de toute cette histoire.
Mmes Frulla et Beaudoin répondent que c'était dans l'air du temps et qu'il était même préférable que l'abcès crève maintenant et que le débat se fasse.
«Les Québécois ne sont pas xénophobes, dit Mme Frulla. Ils se sentent interpellés et se posent des questions. Probablement que le résultat de cela sera que la société sera beaucoup plus harmonieuse.»
«Moi, je pensais que si on n'abordait pas ouvertement cette question-là, un jour, on aurait une extrême droite, dit Louise Beaudoin, qui écarte l'idée d'associer l'ADQ à ce mouvement. C'est un avantage que nous avons sur l'Europe.»
Et la rupture?
Une amitié publique comme la leur ne comporte-t-elle pas une part de risque? Comme une rupture, très publique, par exemple? Tout de suite, les exemples viennent à l'esprit : Lucien Bouchard et Brian Mulroney, Chirac et Balladur...
Les deux femmes font remarquer que, contrairement à d'autres, elles ne sont pas dans le même parti politique. La position qui les divise fondamentalement étant bien campée, le reste va à l'avenant. Et permet de se lancer dans des échanges musclés sans se crêper le chignon.
En 1995, elles le reconnaissent, elles ont pris du recul l'une par rapport à l'autre durant la campagne référendaire. Volontairement. Et par souci de préserver ce qui les lie.
«S'il y avait eu une rupture, elle serait survenue en 1995, dit Liza Frulla. Moi, je dis que s'il n'y a pas eu de rupture là, on est bien parties...»
«Surtout que là, on entre dans la sagesse, enchaîne Louise Beaudoin. Moi, j'ai maintenant 60 ans.»
Puis, se tournant vers son amie, un sourire malin aux lèvres, elle ajoute : «Et Liza va les avoir dans...»
«Es-tu obligée d'en parler?» répond Liza Frulla, en faisant semblant de s'offusquer.
Amitié interdite, publié par Les Éditions La Presse, sortira en librairie le lundi 16 avril.


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