Le sort tragique des centaines de migrants qui ont péri dimanche a secoué l’ensemble de la planète, forçant une réponse rapide et concertée : l’Union européenne (UE) a annoncé lundi la tenue d’un sommet extraordinaire pour réagir au drame, tandis que la justice italienne a procédé à l’arrestation de 24 membres d’un réseau de passeurs ayant sévi en Libye.
Le premier ministre italien, Matteo Renzi, a annoncé que les membres d’un réseau ayant organisé au moins 15 voyages depuis mai 2014 ont été arrêtés lundi matin. Ces trafiquants embarquaient les migrants près de Zuwarah, en Libye, et leur faisaient miroiter une traversée de la Méditerranée à destination de la Sicile en échange de plusieurs centaines de dollars. Les passagers provenaient principalement d’Érythrée, du Soudan et de la Somalie.
Selon le rapport d’enquête du parquet de Palerme cité par des médias italiens, les passeurs abandonnaient les migrants en mer après avoir lancé des appels de détresse et comptaient ainsi sur les équipes de sauvetage italiennes pour secourir les hommes, les femmes et les enfants laissés à eux-mêmes.
L’UE a par ailleurs répondu lundi à la demande de M. Renzi en indiquant qu’un sommet aurait lieu jeudi pour que les pays membres se penchent sur le tragique accident survenu dimanche. Le naufrage au large des côtes libyennes a fait 800 morts, ont annoncé mardi des représentants du Haut Commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR) et de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) après avoir parlé aux survivants, qui sont au nombre de 28. Vingt-quatre corps ont été repêchés.
La police italienne a annoncé dans la nuit lundi à mardi que deux des survivants, un Tunisien et un Syrien soupçonnés d’avoir été le capitaine et un membre d’équipage du chalutier, avaient été arrêtés à bord du bateau des garde-côtes.
« Nous ne pouvons pas continuer comme cela, nous ne pouvons pas accepter que des centaines de personnes meurent en essayant de traverser la mer pour venir en Europe », a affirmé le président du Conseil européen, Donald Tusk.
Celui-ci a toutefois indiqué qu’il ne faut « pas attendre des solutions rapides aux causes profondes des migrations, parce qu’il n’y en a pas. S’il y en avait, nous les aurions mises en oeuvre depuis longtemps », a-t-il prétendu.
Plan d’action
Les chefs d’État se réuniront en ayant une base de travail : un plan d’action en dix points qui comprend notamment le renforcement et l’élargissement des opérations de contrôle et de sauvetage en mer, l’amélioration de la gestion des demandes d’asile, le blocage des routes empruntées par les migrants ou encore la destruction des embarcations utilisées pour les transporter. « Nous n’avons plus d’alibi », a lancé la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini. « Les tragédies de ces derniers jours, de ces derniers mois, de ces dernières années, c’en est trop. » Selon le Haut Commissariat aux réfugiés, 35 000 migrants sont arrivés par bateau dans le sud de l’Europe depuis le début de l’année et 1600 sont portés disparus.
L’annonce du sommet de jeudi est apparue comme une réponse appropriée pour certains, tardive pour d’autres. L’organisation humanitaire Save the Children aurait préféré que l’UE s’entende sur un plan d’action immédiat dès lundi. « Le sommet d’urgence de jeudi est maintenant une affaire de vie ou de mort », a déclaré par voie de communiqué le président de l’organisation, Valerio Neri.
Encore plus virulent, le président de la Fédération internationale de la Croix-Rouge, Elhadj As Sy, a réclamé qu’on mette fin sans tarder à « l’indifférence qui transforme la Méditerranée en un vaste cimetière ». Il a par exemple critiqué le manque d’encadrement légal pour les migrants et les demandeurs d’asile.
« Ces morts et les centaines d’autres qui les ont précédées ces derniers mois étaient prévisibles », a-t-il ajouté.
Parmi les réactions politiques provenant des quatre coins de la planète, la chancelière allemande, Angela Merkel, s’est dite « bouleversée » et le ministre espagnol de l’Intérieur, Jorge Fernandez Diaz, a évoqué le besoin de « résoudre le problème à la racine », dans les pays où sont embarqués les migrants.
Joignant sa voix à la succession d’appels à l’action, le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a affirmé que le naufrage de la veille est « un scandale pour la conscience humaine ».
Pour ajouter à l’indignation internationale, la série noire s’est poursuivie lundi : la police portuaire grecque a annoncé que trois migrants, dont un enfant, ont péri dans un naufrage près de l’île de Rhodes. Heureusement, 93 personnes ont pu être sauvées.
Un bateau pneumatique transportant entre 100 et 150 personnes et un bateau plus vaste, avec quelque 300 personnes à bord, ont pour leur part lancé un appel de détresse alors qu’ils se trouvaient en difficulté au large de la Libye, ont indiqué les autorités italiennes. Au moment d’écrire ces lignes, on ne savait dans quelle condition se trouvaient ces passagers.
Le sommet des chefs d’État de jeudi devrait mettre en évidence la complexité de la problématique des migrants en Méditerranée. Les pays européens s’entendent généralement sur l’importance de mieux gérer les demandes d’asile, mais reconnaissent aussi qu’une part importante de la réponse est entre les mains de la Libye. Ce pays en proie au chaos politique, où le groupe État islamique s’est implanté, devra vraisemblablement trouver le moyen de former un gouvernement d’union s’il espère mettre fin, ou du moins limiter le départ de migrants africains.
NAUFRAGE DE MIGRANTS EN MÉDITERRANÉE
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