Thomas Mulcair frétillait déjà à l'idée de devenir ministre dans un gouvernement de coalition. «On va donner un beau cadeau de Noël aux Canadiens», disait-il l'autre jour.
Non, monsieur. Un putsch n'est pas un cadeau de Noël, en tout cas pas dans une vieille démocratie comme le Canada. Ce gouvernement, que le trio des conjurés veut déloger, a été dûment élu. Que dis-je, il vient d'être réélu, il n'y a pas six semaines. On peut bien dire qu'ensemble, le NPD et le PLC ont reçu 7% de plus du vote populaire que les Tories, mais c'est une fiction arithmétique.
La réalité, c'est qu'il y a eu un plus grand nombre d'électeurs qui ont voté pour le Parti conservateur que pour aucun des trois autres partis. Ces trois partis, loin de faire campagne ensemble, n'ont eu de cesse de se diaboliser mutuellement. La seule chose qui les unit c'est la haine du PC. Et ces trois-là veulent nous faire croire qu'en usurpant le pouvoir, ils seront capables de gouverner dans l'harmonie et de gérer sereinement la crise économique?
Cette mascarade est d'une indécence sans bornes. Si cette coalition était soumise au vote des Canadiens, elle serait rejetée par une écrasante majorité.
Le plus beau, c'est que cette idée d'une coalition a germé de tractations secrètes entre Jack Layton et Gilles Duceppe, comme on l'a appris par l'indiscrétion d'un conservateur invité par mégarde à une conférence téléphonique du caucus néo-démocrate. Ainsi donc, Gilles Duceppe, qui jurait ses grands dieux pendant la campagne que jamais il ne collaborerait à un gouvernement de coalition, s'activait à en jeter les bases bien avant que M. Harper ait la stupidité de sortir un plan fiscal bourré de provocations. Comme M. Layton l'expliquait à ses députés, le NPD et le Bloc n'attendaient qu'un prétexte pour contacter les libéraux et sceller une entente à trois.
M. Duceppe aura beau prétendre qu'il ne ferait pas techniquement partie de la coalition parce qu'il n'y aurait pas de ministre bloquiste au gouvernement, la vérité c'est qu'il en fera intégralement partie : d'abord parce que sans le Bloc le gouvernement Harper ne peut être renversé ; ensuite parce que chaque décision du gouvernement de coalition serait soumise au Bloc.
Que MM. Layton et Dion soient prêts à donner un droit de véto absolu sur le gouvernement canadien à un parti qui veut amputer le pays et qui ne représente, à l'échelle canadienne, que 10% des électeurs, voilà qui en dit drôlement long sur leur appétit de pouvoir et sur leur morale politique ! Pour leurs électeurs, qui, eux, tiennent à l'intégrité du Canada, ce ne sera rien de moins qu'une trahison, tout comme la participation du Bloc au gouvernement sera vue comme une trahison par les souverainistes convaincus.
Joli portrait, en vérité, que cette coalition à trois!
Premier ministre : Stéphane Dion, le politicien le plus impopulaire au pays, qui vient tout juste de mener son parti à la pire défaite de son histoire, et dont même les libéraux ne veulent plus entendre parler.
Ministre d'un important ministère économique: Jack Layton, chef d'un tiers parti rejeté par 82% des électeurs... mais qui sera d'autant plus fort au sein de cette coalition que M. Dion, sur le bord de la porte et sans crédibilité même au sein de son parti - un parti au surplus déchiré par une course au leadership -, sera un premier ministre dépourvu d'autorité morale.
Ma foi, il ne manque qu'Elizabeth May autour de la table ! Son parti a récolté 6,8% des voix et n'a pas réussi à faire élire un seul député, mais dans ce nouvel ordre où la démocratie ne compte plus, quelle importance?
Les putsch se justifient sous les dictatures ou dans des situations d'une gravité inouïe. Pas parce qu'on n'aime pas l'approche économique du gouvernement. Le premier ministre Harper a renoncé à ses projets néfastes et multiplié les concessions. Il n'y a plus l'ombre d'une justification au petit coup d'État qui se tramait encore hier, dans un enthousiasme surréaliste. Certains constitutionnalistes (pas tous) peuvent bien ergoter pour dire que ce gouvernement de coalition serait possible et légal, il reste qu'il serait profondément illégitime sous le seul angle qui compte vraiment, celui de la démocratie.
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