Je me joins sans aucune hésitation à l’appel citoyen à un front uni regroupant le Parti Québécois, Québec solidaire et Option nationale afin de vaincre libéraux et caquistes aux prochaines élections. Toutefois, tandis que l’on débat de division du vote et de ce possible pacte électoral, on oublie complètement un problème central : comment se fait-il que la droite fédéraliste bénéficie toujours d’un appui aussi significatif dans la population?
Prenons par exemple le dernier sondage Léger-Marketing–Le Devoir. Selon ce sondage, les libéraux reçoivent l’appui de 33% de la population, alors que la CAQ recueille 19%, ce qui fait un total de 52% des intentions de vote en faveur de la droite fédéraliste. Évidemment, on pourrait arguer que le Parti libéral fait le plein de voix chez les non francophones, ce qui est très vrai. Cependant, le Parti libéral reçoit tout de même 27% des intentions de vote chez les Québécois francophones, alors que la CAQ bénéficie d’appuis à la hauteur de 20% chez ces mêmes Québécois. Un total de 47% pour la droite fédéraliste. Aussi bien dire que, depuis 1995, la droite fédéraliste n’a pas perdu d’appuis et que le camp du changement n’a pas progressé.
C’est fascinant. Comment se fait-il que tant de Québécois choisissent le tandem de vendeurs à rabais du Québec que sont Legault et Charest? Comment expliquer que tant de nos compatriotes appuient les partis de ce duo qui a voté main dans la main l’odieuse loi d’exception 78, cette loi qui crache sur la démocratie et les libertés fondamentales? Pourquoi tant de nos concitoyens voudraient remettre leur destin dans les mains d’un politicien usé qui pue la corruption ou dans celles d’un opportuniste prêt à servir lui aussi les intérêts de la haute finance canadian pour se faire élire? Il y a sans doute plusieurs raisons à cela, mais il est clair que le contrôle quasi absolu des intérêts de la droite fédéraliste sur nos principaux médias d’information trône au sommet de celles-ci.
En effet, on y revient toujours, le changement politique au Québec ne se fera pas sans organes de communication d’envergure en faveur de ce changement, alors que les médias établis pèsent de tout leur poids en faveur de la droite fédéraliste. D’ailleurs, dans sa dernière chronique, Patrick Bourgeois a rappelé combien de fois nous avons tenté de sensibiliser le PQ à cette réalité. Cela donna bien peu de résultats. Patrick a donc décidé récemment d’interpeler Amir Khadir, voyant en lui un politicien révolutionnaire capable d’appeler à la mise en place de moyens de communication indépendantistes et progressistes d’envergure.
Bien que je joigne ma voix à celle de Patrick quant à son appel à Amir Khadir, je voudrais de mon côté faire un appel un peu semblable, mais à Jean-Martin Aussant. Le chef d’Option nationale a pris sur lui de doter le Québec d’un parti réellement indépendantiste. C’est donc un homme de défi. C’est également un homme patient et déterminé qui ne craint pas le travail. Voilà les qualités qu’il faut pour prendre le taureau médiatique par les cornes et doter les progressistes et les indépendantistes de tribunes pour faire valoir leurs idées. Jean-Martin Aussant, j’espère donc que vous ainsi que votre parti ne feront pas l’erreur du PQ de croire pouvoir vaincre les immenses forces du statu quo en tentant de convaincre la population à travers des médias généralement hostiles ou au mieux indifférents.
On aura beau regrouper les partis indépendantistes et progressistes en un front uni, ce front aura beau remporter les élections, que pourra-t-il faire contre le tsunami des médias de la droite fédéraliste lorsque viendra le temps de révolutionner nos institutions politiques et de faire l’indépendance? Apprenons de nos erreurs, un front uni ne sera pas suffisant. Il urge de se doter de moyens de communication efficaces et d’envergure pour vaincre non seulement la droite fédéraliste à Québec, mais aussi les forces du statu quo à Ottawa où réside le vrai pouvoir. Réveillons-nous.
Pierre-Luc Bégin