Yvan Loubier L'auteur est économiste et conseiller principal au cabinet de relations publiques National.
Les négociations canado-européennes en vue d'en arriver à un accord de libre-échange transatlantique, entreprises et intensifiées sous l'impulsion particulière du premier ministre du Québec, en sont au sprint final.
La cadence des rencontres, auparavant à tous les trois ou quatre mois, a atteint la vitesse de croisière d'une fréquence mensuelle. Au rythme où vont les choses, il ne serait pas surprenant que l'AECG, l'Accord économique et commercial global Canada-Europe, fasse partie de nos vies avant la fin de l'été.
Cet accord est important et sa portée pourrait même dépasser celle de l'ALENA en regard de ses dispositions, mais également et surtout sur le plan géostratégique. Même si l'Union européenne éprouve actuellement des difficultés importantes, la détermination de ses membres, démontrée depuis déjà plusieurs semaines, nous laisse croire à un horizon meilleur outre-Atlantique et à des perspectives intéressantes de partenariat économique et commercial.
Nous ne connaissons pas le contenu exact des discussions et encore moins les conditions précises qui pourraient régir nos échanges commerciaux avec l'Europe, notre deuxième partenaire commercial après les États-Unis et un marché de 500 millions de personnes. Mais ce qui ressort des nombreuses déclarations publiques depuis le début du processus et des fuites récentes de documents nous permet de croire qu'au moins trois sujets distingueront les dispositions de l'AECG de celles de l'ALENA: les barrières non tarifaires, la mobilité de la main-d'oeuvre et les marchés publics.
Au cours des six dernières décennies, les pays membres du GATT, devenu l'OMC, ont réduit substantiellement leurs tarifs douaniers aux frontières. Plusieurs d'entre eux, et particulièrement les pays européens, ont cependant multiplié les mesures réglementaires ou mis en place toute une batterie de programmes qui ont eu volontairement pour effet de restreindre l'entrée des produits étrangers sur leur territoire. Quotas, embargos, normes techniques injustifiées, exigences sanitaires, phytosanitaires et environnementales dépassant les standards internationaux scientifiquement reconnus, font partie de l'arsenal protectionniste déployé afin de protéger les producteurs nationaux.
L'AECG pourrait mettre de l'ordre et de la discipline dans l'utilisation de ces obstacles déguisés au commerce tout en respectant les véritables mesures touchant la santé, la sécurité et l'environnement.
La mobilité de la main-d'oeuvre pourrait également faire partie des éléments distinctifs importants de l'AECG. Il ne serait pas du tout surprenant que l'entente signée par MM. Charest et Sarkozy en octobre 2008 quant à la reconnaissance réciproque de la formation et des compétences inspire ces dispositions qui seraient appliquées à l'ensemble des pays européens.
Ce serait là une excellente nouvelle étant donné les besoins criants de main-d'oeuvre déjà présents dans plusieurs corps de métiers et professions. Notre capacité à combler ces besoins par l'immigration, notamment, est la première condition du développement et de la croissance économique de la prochaine décennie, celle nécessaire et primordiale, entre autres, afin de réaliser les ambitions du Plan Nord.
Enfin, des dispositions concernant les marchés publics pourraient se retrouver dans l'accord. Si cela en inquiète certains, d'autres se rappellent l'épisode du «Buy American» où les États-Unis menaçaient de fermer aux entreprises d'ici la porte des lucratifs contrats publics du gouvernement fédéral américain, des États et des municipalités. N'eût été l'entente intervenue en février 2010, qui accordait la réciprocité aux deux parties, cela aurait pu être catastrophique. Les marchés publics de l'Europe sont dix fois plus importants en valeur que les nôtres. Toute condition d'assouplissement pour y participer représenterait un potentiel considérable.
Mais la portée de l'AECG va bien au-delà de ces dispositions particulières. En constituant un grand ensemble transatlantique de plus de 530 millions de personnes, cet accord constitue un premier pas pour contrebalancer, en partie du moins, le déplacement du centre de gravité du commerce mondial vers l'Asie. Et il est à parier que les États-Unis se laisseront tenter plus rapidement qu'on ne le croit par l'aventure et, pourquoi pas, un jour, le Mexique et les pays du Mercosur. Un grand ensemble commercial Amérique-Europe qui dépasserait aujourd'hui, s'il était réalisé, le milliard de participants.
Un ALENA amélioré
Accord de libre-échange Canada - Union européenne
Yvan Loubier15 articles
L'auteur est économiste et conseiller principal au cabinet de relations publiques National, à Québec.
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