La population américaine a envoyé « un signal très fort » en élisant Donald Trump à la présidence des États-Unis. Les dirigeants des autres démocraties du globe ne peuvent l’ignorer, fait valoir le premier ministre Philippe Couillard.
« Il faut l’entendre », a-t-il déclaré mercredi avant-midi, quelques heures après la victoire coup-de-poing du candidat républicain.
M. Trump, qui a cédé à la tentation populiste, a vraisemblablement tiré profit d’un « vote de crainte et de protestation devant un monde qui change si rapidement », selon lui.
Les démocraties, y compris les États-Unis, font face à un « mouvement de protestation d’une bonne partie de la population » contre les contrecoups de la mondialisation. « Tous nos repères des dernières décennies sont en train de changer complètement. Ça, bien sûr, ça éveille une inquiétude parmi nos populations », a affirmé M. Couillard, ajoutant que les risques de voir un « phénomène Trump » apparaître au Québec sont faibles en raison de la vie politique québécoise, qui est ancrée dans des « traditions » de « concertation » et d’« ouverture ». N’empêche, le « devoir » du gouvernement du Québec consiste à « continuer la transformation et l’adaptation de notre société » à l’« ouverture » des marchés, qui engendre « beaucoup plus de bénéfices » que la « fermeture » de ceux-ci, a poursuivi le premier ministre.
Tête-à-tête
À quelques heures d’un tête-à-tête avec la consule générale des États-Unis à Québec, Allison Areias-Vogel, M. Couillard a promis de « tout faire pour continuer les relations qu’on a avec les États-Unis d’Amérique sur tous les plans » tout en prenant soins de « féliciter » le président-élu. « L’électorat américain s’est prononcé. L’électorat est souverain. La victoire de M. Trump est claire », a-t-il dit.
Au fil des derniers mois, le chef du gouvernement québécois a fait entorse à quelques reprises à son devoir de réserve afin de déplorer la rhétorique populiste adoptée par Donald Trump – et certains de ses adversaires politiques au Québec. Mardi, il a même affiché un préjugé favorable à la candidature de la démocrate Hillary Clinton. Le chef libéral a dit mercredi n’avoir qu’« exprimé le point de vue d’une grande partie de la population québécoise ». « J’ai été très préoccupé par le ton de la campagne », a-t-il déclaré en marge d’un caucus des élus libéraux. « Il serait tout à fait illusoire de penser que le ton n’a pas été quelque chose de particulièrement significatif dans cette campagne-là. Je pense que les Québécois n’aiment pas ce genre de politique-là », a-t-il poursuivi.
M. Couillard s’est cependant dit rassuré par le « ton très rassembleur » adopté par le nouveau président-élu Donald Trump dans sa première allocution après l’annonce des résultats. « C’est de bon augure. […] Si c’est dans cette direction que l’administration américaine nouvelle veut aller, bien sûr on en est content », a-t-il affirmé.
« Incertitude » et « instabilité »
La victoire électorale de M. Trump ouvre « une période d’incertitude, d’instabilité potentielle, sur le plan économique entre autres » entre le Québec et son « immense voisin » américain, a averti le premier ministre. M. Couillard s’est dit « préoccupé de façon prioritaire » par le sort des travailleurs d’entreprises exportatrices en régions, tout particulièrement ceux de l’industrie forestière qui font actuellement les frais du conflit du bois d’œuvre entre Ottawa et Washington.
M. Couillard ne dit toutefois pas craindre que la nouvelle administration force une renégociation – au détriment du Canada – de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) au lendemain de l’arrivée de M. Trump à la Maison-Blanche le 20 janvier prochain. « Je n’ai pas entendu beaucoup de paroles négatives de Monsieur Trump sur le Canada durant la campagne. Il parlait d’autres pays », a dit M. Couillard. En effet, M. Trump a cassé du sucre essentiellement sur le dos du Mexique durant sa campagne.
Enfin, M. Couillard croise les doigts afin que les États-Unis demeurent un « joueur incontournable » dans la lutte contre les changements climatiques, en dépit de la promesse électorale de M. Trump de relancer les mines de charbon.
La planète «un peu sonnée», dit Lisée
Le chef de l’opposition officielle, Jean-François Lisée, redoute aussi de voir le 45e président américain saper les efforts de réduction des émissions de gaz à effets de serre (GES) de la communauté internationale. Les États-Unis pourraient effectuer, sous la gouverne de ce climatosceptique, « un recul majeur d’une ou deux décennies » dans la lutte contre les changements climatiques, a-t-il mis en garde.
Selon M. Lisée, M. Trump est parvenu à « harnacher la colère populaire » à l’égard de l’élite politique américaine, et ce, contrairement à Mme Clinton. Dans le camp démocrate, Bernie Sanders y serait aussi arrivé, est persuadé l’ex-ministre des Relations internationales. « Il y a des gens qui sentent qu’ils se sont fait avoir, que c’est l’élite qui gagne : l’élite de Wall Street, l’élite de Washington. Et c’est sûr qu’il y avait deux porteurs de cette colère-là. Il y avait Bernie Sanders et Donald Trump. Moi, j’étais pour Bernier Sanders. Je pense si elle avait été là… probablement qu’il aurait gagné l’élection. On aurait eu une meilleure façon de composer avec cette colère-là », a-t-il fait valoir.
M. Lisée aurait préféré lui aussi « célébrer l’élection d’une première femme présidente des États-Unis » ou à tout le moins « quelqu’un qui croit en la dignité des femmes ». D’ailleurs, le chef péquiste ne s’est pas gêné pour faire semblant d’asséner un coup de poing à une affiche grandeur nature du milliardaire américain de 70 ans qui trônait mardi soir dans un bar de la Grande-Allée où des mordus de politique suivaient l’annonce des résultats sur des écrans géants. « C’était le seul bon moment de la soirée », s’est contenté de dire M. Lisée après coup.
Trump a tiré profit d’un «vote de crainte et de protestation», dit Couillard
Le premier ministre a promis de « tout faire pour continuer les relations qu’on a avec les États-Unis d’Amérique sur tous les plans »
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