ÉNERGIE EST

Trudeau prédit un mur social

Le chef libéral veut tenir compte des émissions de GES dans l’évaluation des projets de pipelines

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Pour une fois qu'il dit quelque chose d'intelligent...

Le chef libéral Justin Trudeau prédit qu’en l’état actuel des choses, le projet de pipeline Énergie Est ne réussira jamais le test de l’acceptabilité sociale. Dans le cadre d’une entrevue au Devoir, il promet d’ailleurs de revoir le processus d’évaluation environnementale, pour y inclure les émissions de gaz à effet serre générés par la production pétrolière des sables bitumineux qui coulerait dans ce tuyau.

« Le gouvernement canadien doit s’assurer que nos ressources se rendent sur les marchés. Mais au XXIe siècle, ça veut dire le faire de façon responsable, c’est-à-dire avec l’approbation sociale, en partenariat avec les communautés autochtones et avec l’approbation de la communauté scientifique et écologique. Le projet Énergie Est n’est pas en train d’obtenir cette approbation et a énormément de difficultés à l’obtenir », constate M. Trudeau.

En fait, le chef libéral et aspirant premier ministre du Canada juge que l’imposant pipeline de TransCanada risque de ne jamais obtenir le soutien des Québécois. « Le projet Énergie Est, comme d’autres projets, dans les conditions actuelles, n’aura jamais l’approbation de la communauté. »

Est-ce dire qu’il pourrait ne jamais voir le jour ? « C’est ma prédiction. Mais ce n’est pas à moi de décider. Ce n’est pas au gouvernement du Canada de décider quel projet est bon et quel projet est mauvais. » Selon lui, le rôle d’Ottawa dans cet épineux dossier est d’établir « le terrain de jeu » où pourront s’exprimer les partisans et les opposants à ce projet de pipeline d’exportation, mais aussi tous ceux qui souhaitent faire valoir « leurs inquiétudes ».

S’il est élu, Justin Trudeau promet d’ailleurs de bonifier le processus d’étude des projets de pipelines mené sous l’égide de l’Office national de l’énergie (ONE). « Nous nous engageons à revoir le processus d’évaluation environnementale des projets, y compris pour les projets en cours », précise-t-il. Compte-t-il inclure dans le processus la question des émissions de gaz à effet de serre (GES) qui seront produits lors de l’exploitation du pétrole qui voyagera dans le pipeline Énergie Est ? « Tout à fait. Les règles qu’on applique vont s’appliquer partout », tranche le chef du Parti libéral du Canada.

Si les visées des libéraux se concrétisaient, cela représenterait un changement de cap majeur par rapport à la situation actuelle. La question des GES générés par l’exploitation pétrolière est en effet totalement exclue de l’évaluation du projet Énergie Est menée par l’ONE. La même situation prévaut dans le cas de l’étude que le gouvernement Couillard entend confier au Bureau d’audiences publiques sur l’environnement.

Pour les écologistes, la question est pourtant inévitable. Le pipeline de TransCanada transporterait plus de 400 millions de barils de pétrole par année. La production de GES associée à la production de ce brut atteindrait les 32 millions de tonnes, soit l’équivalent des émissions de sept millions de véhicules.

Ni oui ni non

À l’instar du leader néodémocrate Thomas Mulcair, M. Trudeau refuse de se prononcer « d’emblée » pour ou contre ce pipeline. Tous deux souhaitent toutefois que l’étude des impacts environnementaux soit plus rigoureuse qu’elle ne l’est présentement. « La question devrait être réglée dans le cadre d’un processus rigoureux, robuste et inclusif d’évaluation environnementale », fait ainsi valoir le chef libéral.

« Je sais que les gens à travers le pays comprennent que nous avons besoin d’emplois et que nous avons besoin de développement économique pour réussir. Mais ça ne peut pas se faire sans avoir l’équilibre et la responsabilité au niveau de l’écologie et de l’environnement », ajoute-t-il.

Justin Trudeau adopte donc un ton moins affirmatif dans le dossier Énergie Est qu’il ne l’a fait dans le cadre du pipeline Northern Gateway, qui vise la côte ouest canadienne. L’an dernier, il a promis d’annuler le projet s’il devient premier ministre. Dans ce cas, il a mis de l’avant les risques pour l’environnement et pour l’économie de la Colombie-Britannique. Northern Gateway, qui a reçu le feu vert fédéral, doit transporter 500 000 barils de brut par jour, soit moins de la moitié du pétrole qui transitera dans Énergie Est.

S’il se réalise sans l’implantation d’un port d’exportation de brut albertain au Québec, Énergie Est devrait créer environ 60 emplois permanents à long terme, selon ce qu’indiquent les documents déposés par TransCanada à l’ONE. Pour le moment, le gouvernement du Québec ne prévoit pas de réclamer de redevances pour le passage du pipeline, qui serpentera sur plus de 700 kilomètres en territoire québécois, traversant des zones agricoles, des dizaines de municipalités et 256 cours d’eau, dont le fleuve Saint-Laurent.

Le chef des libéraux fédéraux promet par ailleurs de réglementer les émissions du secteur pétrolier et gazier au pays, ce que le gouvernement Harper refuse de faire depuis plusieurs années. Ces mesures devraient inclure l’industrie des sables bitumineux, très réfractaire à l’imposition de telles contraintes. Il faut dire que leur production est en pleine croissance. Résultat : les émissions de GES de l’Alberta dépassent désormais celles du Québec et de l’Ontario combinées.

Au-delà de la réglementation des GES, M. Trudeau refuse d’adhérer aux nombreux constats scientifiques qui mettent de l’avant l’impossibilité pour le Canada de lutter contre les changements climatiques sans restreindre le développement des sables bitumineux. Le travail de l’industrie en faveur du « développement plus propre » des sables bitumineux « est très important », souligne-t-il.

S’il prend le pouvoir cet automne, à quelques semaines du sommet de Paris sur le climat, il s’engage tout de même à doter le pays de cibles « ambitieuses et à la hauteur de ce que le monde attend du Canada » en matière de réduction des GES.


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