TransCanada a déjà obtenu l’autorisation de mener des travaux de forages en milieu marin dans le secteur de Cacouna, a confirmé vendredi au Devoir une porte-parole de Pêches et Océans Canada. Ces opérations seront menées alors que les bélugas se trouvent tout près, et sans évaluation environnementale des risques pour cette espèce menacée.
Pêches et Océans Canada a précisé qu’aucun permis n’était requis pour les travaux de levés géotechniques à venir, comprenant des forages. Mais une porte-parole a affirmé que le ministère «surveillera» le déroulement des opérations qui seront menées dans les eaux du Saint-Laurent, au large de Cacouna.
Des «conditions» à la réalisation des travaux ont aussi été transmises par écrit à TransCanada, a indiqué la porte-parole de Pêches et Océans. Mais elle a refusé de transmettre une copie de ces conditions au Devoir.
Selon les informations disponibles vendredi, cette deuxième phase de travaux devrait débuter à la fin du mois de mai. Or, les bélugas sont alors présents dans le secteur de Cacouna, considéré comme un habitat essentiel pour cette espèce. Les femelles sont présentes et celles qui sont gestantes s’y retrouvent pour la période de mise bas, qui débute au mois de juin. Elles passent ensuite les premiers mois de la vie de leurs jeunes dans le secteur.
Période critique
La période des naissances est particulièrement critique pour la survie de ces mammifères. Les chercheurs ont en effet constaté des taux de mortalité importants chez les jeunes bélugas au cours des dernières années. Qui plus est, ils ont observé un déclin général de l’espèce, qui ne compte plus que 800 individus, soit un recul de 12 % en à peine une décennie.
La situation est telle que le statut des bélugas, en vertu de la Loi sur les espèces en péril, risque de changer. Selon les scientifiques qui étudient ces animaux, leur statut devrait passer de «menacé» à «en voie de disparition». Les bélugas, soumis à des charges toxiques importantes en raison de la pollution du Saint-Laurent, n’ont pas vu leur nombre augmenter depuis les années 80, même s’ils sont théoriquement protégés.
TransCanada a confirmé vendredi la planification de «relevés géotechniques» du sol sous-marin de la région. «Quant à la vie marine dans le Bas-Saint-Laurent, les plans du port pétrolier et du parc de réservoirs de Cacouna n’ont pas été finalisés, a expliqué le porte-parole de l’entreprise, Philippe Cannon, par courriel. TransCanada a mené et continuera de mener toutes les études requises — terrestres et marines — y compris l’évaluation des ressources patrimoniales, de la végétation, des terres humides ainsi que du sol, sur les espèces menacées et sur les habitats marins avant de procéder avec les différentes étapes du projet Énergie Est.»
Travaux en cours
TransCanada mène déjà des travaux de levés sismiques dans le secteur de Cacouna. Ceux-ci doivent se terminer au plus tard le 30 avril. Mais ils seront suivis des levés géotechniques en mai.
Un «avis scientifique» produit pour Pêches et Océans recommande pourtant de ne pas mener de travaux au-delà du 30 avril. Le document précise qu’une extension «pourrait nuire au rétablissement du béluga en le privant d’accès à une partie de son aire d’alimentation printanière durant une période qui semble cruciale pour la constitution des réserves énergétiques et la complétion du cycle annuel du béluga».
Dans une lettre transmise au Devoir, des scientifiques demandent d’ailleurs à TransCanada et à Pêches et Océans Canada de stopper dès maintenant les travaux menés dans le secteur. «Nous estimons que les risques associés à ces activités sont réels et majeurs, et qu’ils ne peuvent être ramenés à des niveaux acceptables dans la perspective où ces activités sont évaluées à la pièce, sans tenir compte des impacts cumulatifs sur la population des bélugas», écrivent les chercheurs Pierre Béland, Stéphane Lair et Robert Michaud. Tous trois étudient les bélugas du Saint-Laurent depuis plus de 30 ans.
«Il nous apparaît irresponsable et peut-être illégal de soumettre ainsi une population protégée par la Loi sur les espèces en péril à un tel niveau de risque, sans que le projet ait été préalablement évalué dans son ensemble», ajoutent-ils.
Port à venir
Ces travaux préparatoires doivent permettre à la pétrolière de préciser sa demande d’approbation de projet à l’Office national de l’énergie (ONE). Cet organisme fédéral est chargé d’évaluer tout le projet de pipeline Énergie Est, qui permettra de transporter dès 2018 plus d’un million de barils de pétrole chaque jour vers le Nouveau-Brunswick, en passant par le Québec.
C’est dans ce cadre que TransCanada entend construire un port à Cacouna afin de charger des navires de pétrole en vue de l’exporter. Ces pétroliers pourraient transporter jusqu’à un million de barils de pétrole. Avec ce projet inédit dans l’histoire du Québec, la province deviendra un joueur clé dans la mise en marché des sables bitumineux.
Les premières étapes en vue de la construction du port débutent un peu plus d’un mois après que TransCanada eut transmis la description de son projet à l’ONE. Le nouveau gouvernement du Québec n’a pas encore pris position dans ce dossier. Il n’a pas non plus annoncé s’il tiendra une évaluation environnementale du projet ni la forme que pourrait prendre celle-ci. Le premier ministre Philippe Couillard a toutefois dit qu’il était favorable au projet. Selon TransCanada, la décision finale revient au gouvernement canadien.
CACOUNA
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