La proportion d’étudiants qui étirent leur cégep, changent de programmes ou ne finissent carrément jamais a de quoi inquiéter. Les dernières données disponibles montrent qu’à peine trente pour cent des inscrits complètent leur programme dans les temps prescrits.
Dans le réseau collégial, un fort courant vise à présenter ce phénomène comme normal. À cet âge, les jeunes se cherchent. C’est normal de changer de programmes. C’est explicable de prendre plus de temps. La notion d’une durée prescrite ne devrait pas exister. Je rejette cette thèse et m’en inquiète.
Aussi valables soient-elles pour expliquer des cas individuels, ces excuses ne justifient pas un si faible taux de succès dans les temps. L’entrée à l’université est déjà repoussée d’un an au Québec par le cégep, il ne faudrait pas que, de surcroît, la norme devienne un cégep prolongé.
Un parcours normal existe
Je rejette cette approche parce que je l’interprète comme du laxisme. Il existe un parcours normal : quatre sessions pour compléter un parcours général et six sessions pour une technique. Il a été conçu parce qu’il est réaliste pour une majorité. Il est totalement anormal que si peu d’étudiants puissent terminer dans ce délai.
En ce 50e anniversaire de la création des cégeps, les discussions continuent sur la valeur de ces institutions uniques au Québec. L’ex-recteur de l’Université de Montréal disait récemment que le cégep est un échec, n’ayant pas provoqué le rattrapage souhaité quant au taux de diplomation vis-à-vis le reste du Canada.
Des défenseurs des cégeps ont vite répliqué que les cégeps ont considérablement amélioré l’accès aux études supérieures. Il faudrait continuer à croire au cégep et surtout y réinvestir des millions.
Le débat sur l’existence des cégeps n’aura pas lieu. Aucun parti ne les remet en question : ils sont là pour rester. Or, un débat urgent devrait avoir lieu sur l’importance de réintroduire de la rigueur dans la gestion des parcours au collégial. Hausser les taux de réussite et améliorer le taux de réussite dans les délais requis.
Coûteux
Il y aura toujours des étudiants qui vont changer de programmes en chemin. Il y aura toujours des étudiants qui vivront des difficultés et devront allonger leur parcours pour réussir. Cela fait partie de la vie. Mais cela ne doit pas devenir la norme. Le message doit être clair : le collégial favorise et encourage un délai normal.
Le coût de ces études collégiales qui s’étirent est énorme. D’abord pour les jeunes qui perdent des années précieuses, mais aussi pour les finances publiques. À l’exception de quelques frais administratifs, le niveau collégial est gratuit. Quand 70 % n’obtiennent pas leur diplôme dans les délais, cela engendre une facture pour les contribuables.
Le réseau est financé par tête de pipe. Sur les 173 000 étudiants inscrits au DEC et financés par le ministère, un nombre significatif est là à cause de ces études étirées. Sans parler des 12 000 autres qui sont au cégep pour compléter leur secondaire troué...
Les cégeps réclament du financement. Le gouvernement devrait réclamer de la rigueur en retour.