Michael Ignatieff réussira-t-il là où Stephen Harper a échoué? Plus précisément, réussira-t-il à desserrer l'emprise du Bloc québécois sur la province? Rien n'est moins sûr.
Certes, les libéraux fédéraux se réjouissent du dernier sondage Nanos qui leur fait devancer les conservateurs de 13 points et les place presque à la hauteur du Bloc, à 32 contre 36%. Mais ces chiffres sont trompeurs, car une trop grande partie des appuis libéraux est concentrée dans l'ouest de l'île de Montréal, et le Bloc garde la main haute sur les circonscriptions francophones.
Le PLC devra se faire une raison: beaucoup de Québécois francophones ont pris goût au repli dans le cocon douillet que leur offre le Bloc, qui les borde tous les soirs en leur disant qu'ils peuvent dormir en paix puisqu'il veille à leurs «intérêts». Le Bloc est une couche confortable, homogène, puisqu'on est, sous sa tente, «entre nous», «chez nous», juste entre Québécois francophones, et que son discours est simple et unidimensionnel, ce parti ne ciblant qu'une seule clientèle et n'ayant jamais à tenir compte des intérêts des autres provinces ou des autres groupes qui composent le Canada.
Le Bloc, c'est le Québec autonome dans un Canada stable, un ersatz de souveraineté, l'indépendance sans risque. En français cela s'appelle l'isolement, mais bon, n'est-ce pas plus facile d'être un gros poisson dans un petit lac qu'un moins gros poisson dans un grand lac?
Pour lutter contre cette puissante tentation isolationniste, il faudra plus que se vanter, comme le fait rituellement M. Ignatieff, de ce que ses grands-parents sont enterrés dans les Cantons-de-l'Est. Mais comment donc pourrait-il surenchérir sur ce qu'offre le Bloc, alors que toute promesse au Québec doit être tempérée par des promesses aux autres provinces? Ainsi, Gilles Duceppe n'a pas manqué de rappeler, à ceux qui pourraient être séduits par le nouveau chef libéral, que ce dernier encourage l'exploitation des sables bitumineux de l'Alberta... lesquels iraient, dixit le chef bloquiste, «contre les intérêts du Québec». Comme si la pollution ne visait que le Québec, et comme si les revenus albertains ne comptaient pas pour beaucoup dans les transferts faits au Québec au titre de la péréquation! Mais c'est le truc du Bloc: toujours présenter les choses comme une attaque directe contre le Québec.
Ce dernier week-end, au conseil général de son parti, M. Ignatieff reprenait le mantra de M. Harper en arguant que les Québécois «méritent» d'être au pouvoir. Il a raison, bien sûr, mais voilà, c'est le langage de la raison, face au confort émotionnel offert par le Bloc. Le plus que le PLC puisse espérer, pour l'instant, est de retrouver durablement son statut de premier parti fédéraliste au Québec.
N'importe. Le PLC monte, c'est indéniable, au Québec autant qu'au Canada, et Michael Ignatieff joue ses cartes avec habileté. Il a enterré (mais avec tous les égards) le projet de coalition, a jeté aux orties (mais avec courtoisie) le «Tournant vert» de son prédécesseur, il a rompu l'alliance insensée avec les verts d'Elizabeth May, il a entamé la reconquête de l'Ouest (une terrible côte à remonter), il a enfin donné à son parti une vigoureuse impulsion destinée à renflouer les coffres vides et à renouveler le personnel politique.
Ainsi, les députés sortants, loin d'être automatiquement reconduits, devront le cas échéant affronter des concurrents aux assemblées d'investiture. Seul un parti confiant et optimiste peut se permettre une telle exigence envers ses députés: cela prouve qu'il y a de la compétition dans l'air, et que dans plusieurs circonscriptions, on va se battre pour l'investiture libérale.
Tout un défi pour Ignatieff
Michael Ignatieff réussira-t-il là où Stephen Harper a échoué? Plus précisément, réussira-t-il à desserrer l'emprise du Bloc québécois sur la province? Rien n'est moins sûr.
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