Les plus perspicaces auront déjà tous compris que la stratégie des avocats qui représentent Jean Charest, son parti et son gouvernement à la commission Bastarache est d’isoler Marc Bellemare et de livrer quelques boucs émissaires en pâture au commissaire et au procureur principal de cette commission.
À part celui de Marc Bellemare, aucun témoignage n’est venu accréditer la thèse selon laquelle Jean Charest aurait incité ce dernier à nommer de libéraux à des postes de juges. Ces nominations seraient uniquement le fait de Marc Bellemare, à l'instigation de quelques argentiers, qui a décidé de son plein gré de nommer des libéraux dans le but de monnayer sa réforme des tribunaux administratifs.
Contrairement à Michel Després et Norman MacMillan, qui n’ont rien fait qui pourrait être considéré comme répréhensible aux yeux de la justice, Marc Bellemare serait, selon les témoignages entendus à ce jour, le seul membre du cabinet de Jean Charest à s’être présumément livré à du trafic d’influence avec les argentiers du PLQ.
Un dénouement prévisible bien avant la création de cette commission, comme je l'écrivais dans ma chronique 22 mars dernier, Le paradoxe de Bellemarre:
« Marc Bellemare recherche apparemment un lieu où il pourra se confesser avec la garantie d’être totalement absout de tous ses péchés. Une commission qui prendra des allures de confessionnal et où tous les membres du gouvernement de Jean Charest qui risquent d’être incriminés pourraient venir parader afin de se voir blanchis grâce à l’immunité qui leur sera accordée.
À la suite de cet exercice, il se trouvera certainement quelques savants sophistes pour prétendre que, n’ayant été l’objet d’aucune accusation ou condamnation, la commission aura conclu à l’innocence des ministres qui ont témoigné devant elle et que cela ne saurait affecter leurs carrières politiques ou mettre en cause la probité du gouvernement ou du premier ministre.
Comme nous l’avons vu lors de la commission Gomery, cela ne se fera pas sans que de sombres plombiers jouent les boucs émissaires. Il faudra bien désigner des coupables pour que l’innocence du gouvernement ne soit pas trop suspecte ! »
***
S’il est évident que Jean Charest a déjà perdu le combat devant le tribunal de l’opinion publique, il est n'est pas exclu que Marc Bellemare devra, quant à lui, répondre de ses actes devant la justice et le syndic du Barreau du Québec. Si c'est le cas, sauf un revirement majeur de la situation, Marc Bellemare risque de perdre son droit de pratique de la profession d'avocat, du moins temporairement. Le prix à payer pour s'être attaqué à la famille libérale!
Les avocats de Jean Charest ont tellement bien manœuvré depuis le début des travaux de la commission, en l’absence de l’opposition officielle qui aurait pu y assurer un certain équilibre, qu’ils ont réussi, en raison de leur nombre, à imposer leur ordre du jour au procureur principal, Me Giuseppe Battista. Ils auraient même contribué à faire caviarder le mot «péquiste» de l’agenda d'un ancien sous-ministre, Me Georges Lalande, cela n’étant apparemment pas pertinent, aux yeux des procureurs de la commission, à la nomination d’amis de libéraux à des postes de juges.
Devant un tel blocus, source du déséquilibre évident de cette commission, les avocats de Marc Bellemare n’auront d’autre choix que d’attaquer l’indépendance du commissaire Bastarache et de sa commission et faire la démonstration de la partialité de ses décisions comme l’avaient fait les avocats de Jean Pelletier et de Jean Chrétien dans le cas du bon juge Gomery. Une démonstration qu'ils n'auront aucune difficulté à faire, puisque, déjà, avant le début de cette commission, le commissaire Michel Bastarache ne pouvait prétendre à aucune indépendance du fait qu’il a été nommé par le bureau du premier ministre à la suggestion de l’ancien ministre de la Sécurité publique, Jacques Dupuis.
Des arguments supplémentaires pour ses adversaires, comme je l'écrivais dans ma chronique du 22 avril dernier, Michel Bastarache devrait démissionner*:
« Parce qu’il a été nommé par le premier ministre du Québec pour enquêter sur son propre gouvernement, Michel Bastarache n’a tout simplement pas l’indépendance voulue pour présider cette inutile commission qui ne sert qu’à divertir les Québécois des véritables problèmes qui minent le gouvernement de Jean Charest.
Parce que sa nomination est fondamentalement viciée et que la légitimité du mandat qui en découle est compromise, Michel Bastarache devrait démissionner de la présidence de cette commission avant qu’il ne perde le peu de crédibilité qui lui reste encore, en ayant déjà beaucoup perdu au cours de ses nombreux échanges avec la presse.
Tout juge sait d’expérience qu’il n’y a aucun déshonneur à se récuser pour de bonnes raisons qui ne peuvent être contestées, prévoyant, qu’à l’inverse, s’il ne le fait pas, il risque de compromettre d’emblée l’impartialité des décisions qu’il rendra en cours d’enquête ou à la fin de ses délibérations. Dans l’esprit de nombreux Québécois il est déjà clair que justice ne sera pas rendu parce que, déjà, il n’y a pas apparence de justice. C’est mon cas. »
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Contrairement à la GRC qui enquête toujours sur les ramifications du scandale des commandites et qui n’a livré que quelques sombres plombiers à la source du scandale, incapable d’atteindre les têtes dirigeantes, la SQ n’aura probablement aucune difficulté à trouver des témoins pour dénoncer celui qui serait apparemment le seul responsable de toute cette affaire, l’ancien ministre de la Justice, Marc Bellemare.
Nous le savons tous, tout comme Jean Chrétien, Jean Charest est un homme au-dessus de tout soupçon, ce qui devrait certainement lui permettre, lui aussi, de se voir décerner, un jour, la prestigieuse médaille du Barreau, dont le but est de souligner la contribution remarquable d’un juriste québécois à l’avancement du droit, et plus largement, à la société québécoise.
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Chronique de Louis Lapointe
Louis Lapointe534 articles
L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fon...
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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.
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1 commentaire
Archives de Vigile Répondre
24 septembre 2010La plupart des avocats présents à cette commission ne sont pas des avocats de jean Charest et normalement ils devraient être neutres à la recherche de la vérité . Mais cette commission est pipée d'avance et ces avocats neutres prennent partie ouvertement c'est évident pour John James Charest
Tétraèdre