L'enquête de l'ex-juge Bernard Grenier sur les dépenses d'Option Canada lors du référendum de 1995 n'a pas permis de confirmer la thèse du «référendum volé». Mais, de l'aveu du commissaire-enquêteur, des obstacles constitutionnels l'ont empêché de faire toute la lumière, si bien que de grandes zones d'ombre demeurent quant au poids exercé par l'argent fédéral durant cette campagne.
La montagne a accouché d'une souris, ont commenté fédéralistes et souverainistes à la lecture de ce rapport. Ils ont raison. Le scandale n'est pas de l'ampleur crainte par les premiers et espérée par les seconds. Il n'y a pas eu cinq millions de dollars dépensés illégalement par le camp du NON durant la campagne référendaire, comme le prétend le duo Lester et Philpot dans Les secrets d'Option Canada. N'empêche qu'il y en a eu, selon ce que l'enquête a pu établir avec certitude, tout au moins 540 000 $.
Bernard Grenier a refait la comptabilité d'Option Canada à partir des documents trouvés par Philpot et Lester et il a confronté les administrateurs du Conseil pour l'unité canadienne et de sa filiale politique, Option Canada, créée pour la campagne référendaire. Il en a conclu que ces deux organismes ont reçu plus de 11 millions du ministère fédéral du Patrimoine, somme qu'ils ont dépensée pour l'essentiel avant le début de la campagne référendaire.
Le commissaire-enquêteur ramène le complot à ce qu'on peut croire être sa dimension réelle. Cela lui permet d'exonérer Daniel Johnson, alors président du comité du NON, et Jean Charest, qui en était vice-président. Puis d'identifier les dirigeants du Conseil de l'unité canadienne et d'Option Canada, dont Jocelyn Beaudoin et Claude Dauphin, qui ont autorisé des dépenses illégales. Leurs fautes étant prescrites, ce n'est rien d'autre qu'un blâme moral qu'il a pu porter à leur endroit. D'autres auraient aussi manqué de vigilance, mais la preuve n'était pas suffisante pour les pointer du doigt.
Le regard que porte l'ancien juge de la Cour du Québec sur les événements référendaires semble froid et objectif. Néanmoins, il est difficile, voire impossible, de se faire une idée juste du travail de Bernard Grenier, de la preuve rassemblée et des conclusions auxquelles il arrive. Toute son enquête s'est déroulée à huis clos, et l'ordonnance de «non-divulgation, de non-communication et de non-diffusion de la preuve» qui a été émise dès le début des travaux demeure en vigueur. Autrement dit, l'ancien juge a ouvert la boîte de documents de Philpot et Lester, en a examiné le contenu puis l'a refermée et scellée. Cela est regrettable.
Cette enquête aurait dû être publique, comme l'a été la commission Gomery sur le scandale des commandites. Mais, visiblement, Bernard Grenier, un homme timide, ne voulait pas faire de vagues. Ainsi, lorsqu'il constate qu'il est impossible d'établir le financement de certaines activités, comme le «love-in» du carré Dominion qui a rassemblé des dizaines de milliers de partisans du NON venus de partout au Canada à la veille du vote référendaire, il admet aussitôt que son mandat «provincial» ne lui permettait pas d'enquêter sur les activités du gouvernement fédéral. S'il avait affiché la même détermination que Jean Keable, qui à la fin des années 70 a enquêté sur les activités illégales de la GRC au Québec, peut-être serait-il arrivé à confirmer ce que tous soupçonnent, à savoir le financement de cette activité par Ottawa.
Ce premier rapport sera suivi bientôt de recommandations visant à resserrer la loi référendaire et à contrôler les empiètements futurs du gouvernement fédéral. On verra alors si Bernard Grenier sera plus audacieux, notamment s'il proposera d'exiger des participants au comité du NON le remboursement de ces 540 000 $ en dépenses illégales qu'il a retracées.
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Timide, ce juge
Autrement dit, l'ancien juge a ouvert la boîte de documents de Philpot et Lester, en a examiné le contenu puis l'a refermée et scellée. Cela est regrettable.
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