Les Occidentaux continuaient vendredi d’étudier leurs options militaires pour punir le régime syrien qu’ils accusent d’avoir perpétré l’attaque chimique présumée de Douma, soucieux d’éviter une escalade avec la Russie, alliée de Bachar al-Assad.
Le Conseil de sécurité des Nations unies devait de nouveau se réunir vendredi, à la demande de Moscou. Le président américain Donald Trump n’avait pas encore pris de « décision finale » jeudi quant au déclenchement de frappes pour punir Damas, selon sa porte-parole.
« La priorité est d’éviter le danger d’une guerre » entre les États-Unis et la Russie, a affirmé jeudi l’ambassadeur russe à l’ONU, Vassily Nebenzia. Moscou, allié du président Bachar al-Assad, maintient des troupes en Syrie.
« Nous cherchons à arrêter le massacre d’innocents », a de son côté expliqué jeudi le ministre américain de la Défense, Jim Mattis, en évoquant devant le Congrès la perspective de frappes imminentes de la part des Américains, des Français et peut-être des Britanniques.
Toutefois, « sur un plan stratégique, la question est de savoir comment nous évitons une escalade hors de contrôle, si vous voyez ce que je veux dire », a-t-il ajouté, laissant transparaître des réticences à frapper le régime de Damas, que Donald Trump tient responsable de l’attaque chimique de Douma qui a fait une quarantaine de morts samedi, selon des ONG locales.
L’attaque chimique, une « mise en scène », dit la Russie
D’autant que la Russie ne reste pas les bras croisés, dans un contexte de relations tendues avec l’Occident par l’affaire de l’ex-espion Sergueï Skripal empoisonné en Angleterre.
« Nous disposons de preuves irréfutables qu’il s’agissait d’une nouvelle mise en scène, et que les services spéciaux d’un État actuellement en première ligne d’une campagne russophobe ont participé à cette mise en scène », a déclaré vendredi le ministre russe des Affaires étrangères, Serguei Lavrov.
Il a par ailleurs mis en garde contre une hausse de la pression migratoire sur l’Europe consécutive à d’éventuelles frappes occidendatales. « Même d’insignifiants excès provoqueront de nouvelles vagues de migrants en Europe », qui peuvent « réjouir ceux qui sont protégés par un océan », a-t-il dit, en référence transparente aux États-Unis.
Des conséquences migratoires qui ont un écho en Allemagne : « une continuation de cette spirale (de la violence) amplifierait le problème de la migration », a déclaré jeudi le ministre de l’Intérieur, Horst Seehofer.
Les discussions se poursuivent
Le président américain a poursuivi jeudi soir les discussions avec ses alliés, après avoir annoncé à plusieurs reprises en début de semaine des frappes.
Il a discuté avec Theresa May jeudi soir, et devait aussi s’entretenir avec Emmanuel Macron, mais cette conversation n’a pas été confirmée.
Londres reste prudent sur sa participation à d’éventuelles représailles militaires, préférant s’en remettre à la « coordination d’une réponse internationale » sur une question qui divise profondément l’opinion et la classe politique du Royaume-Uni.
Mme May « a parlé à Donald Trump, elle parle à Emmanuel Macron : il est temps pour elle de parler au peuple britannique », a écrit l’Evening Standard, le journal dirigé par l’ancien ministre des Finances, George Osborne.
Jeudi, le président français Emmanuel Macron est resté évasif sur le calendrier d’une éventuelle intervention militaire, tout en assurant avoir « la preuve » de l’implication du régime de Bachar al-Assad dans l’attaque.
La chancelière allemande Angela Merkel a jugé « évident » que le régime syrien disposait encore d’un arsenal chimique, tout en soulignant que Berlin ne participerait pas à des actions militaires contre Damas.
« Il y a des indices lourds qui pointent en direction du régime syrien » à l’heure de désigner le responsable de l’attaque de Douma, a déclaré vendredi son porte-parole, Steffen Seibert.
L’OIAC sur le terrain dès samedi
L’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), qui doit se réunir lundi, a annoncé que ses experts étaient en route pour la Syrie et commenceraient leur travail samedi.
« Toute action ne contribuera qu’à déstabiliser davantage la région », a averti de son côté Bachar al-Assad, tandis que le président turc Recep Tayyip Erdogan, un autre acteur de la guerre en Syrie, s’est dit préoccupé par le « bras de fer » à l’oeuvre.
« Ne soyons pas surpris si en fin de compte la fureur guerrière affichée cette semaine par Trump au sujet de la Syrie se termine par un accord avec la Russie pour serrer la bride d’Assad et suspendre les opérations planifiées sur Deraa et Idleb », les dernières enclaves rebelles syriennes, commentait sur Twitter Nicholas Heras, analyste à la fondation américaine de Jamestown, estimant que toutes ces déclarations serviraient à obtenir une avancée diplomatique.