Retour sur le gaz de schiste

Surtout pas le modèle américain !

Des droits ont été cédés et des permis ont été accordés ? Il faut les suspendre.

Chronique de Richard Le Hir

Un vent de panique souffle sur l’Amérique, le vent de la défaite et de la perdition. En abordant le sujet du gaz de schiste l’autre jour, je ne me doutais pas que j’allais trouver d’autres preuves du déclin de l’empire américain, et de la menace que ce déclin fait maintenant peser sur nous.

Intrigué par l’ampleur des émotions que le sujet suscitait, j’ai suivi le conseil de notre ami Claude G. Thompson et regardé le film « Gasland » qu’il nous recommandait vivement. Je suis sorti de l’expérience très ébranlé.

Ayant moi-même travaillé dans l’industrie pétrolière pendant plusieurs années, je ne reconnais pas du tout les nouveaux comportements de l’industrie. Ils sont aux antipodes des meilleures pratiques que j’ai justement apprises dans l’industrie.

En 1974, Ken Jamieson, le président de la grande multinationale qui s’appelait encore Esso avant de devenir Exxon, puis Exxon-Mobil, avait donné le ton au monde des affaires en déclarant « No longer is it tenable to maintain that business is the only business of business », dénonçant par là ceux qui prétendaient que la seule responsabilité, le seul devoir des entreprises consistait à faire toujours plus d’argent.

Et pendant toutes les années où j’ai oeuvré au sein de cette industrie, j’ai d’abord appliqué avant de les faire appliquer par d’autres les normes les plus rigoureuses en matière de sécurité et de responsabilité.

Il s’est donc produit au cours des dernières années un énorme changement de culture dans le monde des affaires dont il est important de comprendre les causes pour bien le combattre.

En premier lieu, la pression des profits à court terme est devenue si énorme qu’elle est à l’origine de la crise financière qui touche le monde entier depuis 2008 et qui n’a pas fini de faire sentir ses dégâts. Rien ne résiste à la pression des profits, et la morale et les bons sentiments, dont je peux attester de la présence il y a encore 15 ans, ont « pris l’bord ».

Ensuite, les Américains se sentent extrêmement vulnérables sur la question de leurs approvisionnements énergétiques, et la décision prise par l’administration Bush d’exempter l’industrie gazière de toute contrainte en vertu du Clean Air Act et du Clean Water Act en est la meilleure illustration.

Mais de là à compromettre de façon aussi ouverte et éhontée la santé et la sécurité de tout un pays y compris de ceux-là mêmes qui cherchent et exploitent le gaz, il y a un pas dont on s’explique mal qu’il ait pu être franchi. Un tel comportement n’est rien moins que suicidaire, et il sent la panique.

Il n’est évidemment pas question de tolérer l’importation de telles méthodes chez nous, même pas, et surtout pas par la porte d’en arrière comme tente de le faire le gouvernement Charest. Des droits ont été cédés et des permis ont été accordés ? Il faut les suspendre. Et il faut que l’industrie sache clairement qu’elle n’extraira pas un mètre cube de gaz tant qu’elle n’aura pas fait la preuve de l’innocuité et de la sécurité de ses procédés.

Certains ont évoqué la nécessité d’un moratoire. À l’évidence il s’impose. D’autres ont parlé de nationalisation. Pour quoi faire ? Au Québec, l’exemple de l’amiante n’a pas été particulièrement probant et s’est même révélé plutôt cuisant. Au Mexique, l’industrie pétrolière est entièrement aux mains d’une entreprise nationale, PEMEX. Or cette entreprise a été à l’origine de la première grande catastrophe d’importance dans le Golfe du Mexique au puits Ixtoc en 1979. Certains spécialistes prétendent que les effets de cette catastrophe se font encore sentir aujourd’hui.

La nationalisation n’est pas une panacée. Imaginez une Hydro-Québec du gaz qui vivrait dans un contexte semi-permanent de verglas, et vous aurez une idée de ce que pourrait donner la nationalisation de l’exploration gazière. Et imaginez les arbitrages au Conseil des ministres entre le ministre des Finances qui souhaiterait aller chercher plus de revenus plus vite, créer plus d’emplois plus vite, et le ministre de la Santé qui se plaindrait de l’impact de la détérioration de la santé de la population sur ses budgets en raison de l’exploration gazière.

Il ne faut jamais placer l’État dans la position d’avoir à faire ce genre d’arbitrage. On ne peut jamais être sûr que ses décisions correspondraient aux meilleurs intérêts de la population. Les exemples de Loto-Québec et de la SAQ devraient nous suffire. Si la France a tant tardé à se donner une législation anti-tabac, c’est que le gouvernement détenait le monopole de la fabrication et de la distribution des produits du tabac par l’entremise de la SEITA.

À défaut par le gouvernement Charest de déclarer le moratoire nécessaire, il y a des tas de recours qui peuvent être intentés localement par les populations susceptibles d’être affectées. Les municipalités peuvent le faire, et il est beaucoup plus facile pour les citoyens de faire pression sur leurs autorités municipales que sur ce gouvernement pourri et compromis jusqu’à l’os avec l’industrie.


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7 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    13 septembre 2010

    Bananisation du Québec par le gaz de schiste.
    Ce néologisme résume le dossier du gaz de schiste.Le plus frappant dans cette histoire est bien le climat d’improvisation généralisée digne d’une république de bananes.
    Le gouvernement libéral Charest n’a obtenu que 3,5 millions de dollars en permis d’exploration pour son gaz de schiste alors que la Colombie-Britannique a touché 1,5 milliard de dollars. Ce chiffre exclut les redevances sur le gaz,
    Le Québec n’a que fort peu d’expérience en production d’hydrocarbures, ni dans son secteur privé, ni au gouvernement. On le voit parfaitement dans la façon dont il tâtonne dans sa gestion des réserves pétrolières au large des Îles de la Madeleine.
    Le gaz est une ressource stratégique, le gaz est payant.On ne peut pas presser le citron de façon inconsidérée.
    Ce dossier vient déjà de coûter 1,5 milliard de dollars à la province avant même le premier tour de foret. Cela ne tient pas compte des autres coûts, liés à d’éventuels problèmes de contamination des nappes phréatiques, au bruit, à la pollution.L’industrie des hydrocarbures est hautement technique.

    Le gouvernement Charest devrait faire la seule chose sensée : repartir à zéro.
    Le premier ministre Jean Charest a déjà fait marche arrière dans un projet autrement plus stratégique: celui de l’achat d’Énergie Nouveau-Brunswick, auquel il tenait pourtant beaucoup. Il est donc capable de dire:«on arrête tout».
    [ Si les affairistes des hydrocarbures sont frustrés des beaux profits dont on les prive,le Québec pourrait les exproprier,les nationaliser comme le PM de Terre-Neuve-Labrador a fait avec la papetière Abitibibowater.] jptellier
    Source ; blogue de Jean-Benoît Nadeau,l’Actualité,8 septembre 2010

  • Archives de Vigile Répondre

    8 septembre 2010

    Nous pouvons aller jusqu’à la nationalisation sans prendre un sous dans les poches des contribuables provinciaux.
    [« À Terre-Neuve, la fermeture des installations d’ AbitibiBowater à Grand Falls a tellement choqué le premier ministre Danny Williams, qu'il a fait adopter une loi d'expropriation des territoires de coupe, des barrages et de l'usine de papier,sans consulter l’entreprise,sans commission et ni débat à la législature.
    Il a décrété la nationalistion sans payer un sous avec le budget de la province ou un emprunt.Le tout a été donné à une société publique de la province.
    À Bay Street, on a crié au socialisme, mais comme Terre-Neuve est devenue une province qui revendique ses droits, c'est Ottawa qui a accepté de verser 150 millions à AbitibiBowater,à la condition qu’elle règle d’abord son dossier de réorganisation sous la protection de la loi des faillites,ce qui n’est pas encore fait.

    AbitibiBowater avait poursuivi Terre-Neuve-Labrador,en vertu de l'accord de libre-échange (ALENA),pour 500 millions.L’entreprise a son siège social à Montréal mais est incorporée aux USA.»]
    [ D'ici l'après été 2013,les élus libéraux continueront de se comporter en entremetteurs serviles de ces parasites sociaux que sont les AbitibiBowater de ce monde.]
    source; Jean-Robert Sansfaçon,le Devoir,30 août 2010

  • Archives de Vigile Répondre

    8 septembre 2010

    [ «Le Québec fixe un prix de Wal-Mart, soit 10 cents l’hectare l’an, pour le permis d’exploitation.La Colombie-Britannique, elle, fait des enchères, qui font monter le permis à 1 000$, parfois 10 000$ l’hectare par an. Vite, trouvez le cancre et trouvez celui qui sait vraiment briller parmi les meilleurs et créer de la richesse.»]
    par Jean-François Lisée,l’Actualité,6 septembre 2010

  • Archives de Vigile Répondre

    8 septembre 2010

    Manipulation dans le dossier gaz naturel de schiste.
    Dans tout dossier chaud,il y a les pours et les contres.Chaque clan s'enrobe des meilleurs experts « en bourrage de valise » pour faire une campagne de communication défendant leur idéologie.
    « On ne ment pas au citoyen.On le manoeuvre.On le persuade.On le conditionne.» Foglia
    Le film américain Gasland [pas encore disponible légalement au Canada] et le discours de Sieur Caillé sont une manipulation équivalente d'une population qui,il y a quelques semaines,à 90 pourcent,ne connaissait rien de l'industrie du gaz de schiste.
    Le projet de loi 79 modifiant la Loi sur les mines, actuellement à l'étude en commission parlementaire, maintient intégralement les dérogations législatives qui mettent l'industrie des hydrocarbures et les minières à l'abri de la loi d'accès à l'information.
    [« Résumons le plan ;
    Article 1: le gouvernement va de l'avant.
    Article 2: le BAPE, quoi qu'il entende, quoi qu'il découvre, n'a ni le mandat, ni le pouvoir, ni l'expertise (à moins d'aller la chercher auprès des sociétés gazières elles-mêmes), ni le temps de remettre en cause l'article 1.
    Le vrai mandat du BAPE: fracturer la roche de la résistance citoyenne, en extraire le gaz et le laisser s'échapper pour relâcher la pression.»] Foglia
    Dormez tranquille.Il n'y aura pas de parade Suroît no.2.Le gaz de schiste dérange et inquiète seulement les villageois minoritaires,pas les urbains majoritaires.Ces deux classes de citoyens vivent plus en opposition quand communion.
    Heureusement il y a Vigile pour vous aider à ne pas vous faire avoir par les pours ou les contres.
    exemple;http://www.vigile.net/La-frenesie-autour-des-gaz-de#forum37386

  • Isabelle Poulin Répondre

    8 septembre 2010

    Merci pour votre lucidité Monsieur Le Hir. Vos suggestions et vos exemples sont excellents. Vous êtes trop gentil de demander la suspension des permis, on pourrait parler d'annulation... On revient encore au fait que nous n'avons pas de projets intégrateurs pour notre état du Québec.

    Tout projet ressemblant à celui-ci doit être illiminé !

    De beaux projets bien fignolés qui permettent à la fois l'exploitations de nos ressources, la dégradation de notre environnement, la multiplications des problèmes de santé accompagnés de grands contrats de désinformations qui donnent le monopole aux experts achetés et les bonis aux pilleurs de main d'oeuvre dépandantes à la merci des règles inhumaines de l'essort économique déclinant sans cesse vers le gouffre de la pauvreté, de la dépandance et de l'esclavage.

    Et s'il n'y avait au fond pénurie de rien du tout sauf de bonnes informations biens arrimées. Le gouvernement qui tente de gérer par le système économique toutes les facettes de nos vie ne peut dérèglementer l'approvisionnement énergétique au profit de ses citoyens sans renoncer au pouvoir de lutter contre ces même citoyens. Il est temps de briser cette spirale infernale basée sur la fausse croyance que seuls les meilleurs et les plus forts seront prospères. Il y a de tout pour tous sans besoin d'enlever le pain, la santé, la vie à notre prochain. Les ressources ne manques pas mais le pouvoir ne peut être monopolisé sans que l'on tombe dans la folie furieuse des prédateurs les plus inconscients.

    Je crois aux énergies libres et aux projets énergétiques qui coupent toute dépandance des citoyens envers les monopoles. Qu'est-ce qu'on attend pour produire des moteurs à aimants, à énergie renouvellables qui supposément n'existe pas parce qu'ils ne permettent à personne de dominer personne. Le jour ou nous connaitrons majoritairement les lois de la nature et élirons des gens qui connaissent la loi de cause à effet, nous mettrons peu de temps pour construire un monde dans lequel il fera bon de vivre pour tous. Il y aura de moins en moins de malades, plus de loisirs. La vie n'est pas faites pour être une lutte à finir avec son prochain !

  • Archives de Vigile Répondre

    7 septembre 2010

    Alain Dubuc demande un changement de gouvernement. Il écrit aujourd'hui:
    "Bien des gens ont vu Gasland, un véritable film d’horreur sur les ravages que peut faire l’exploitation du gaz de schiste. En toute logique, ça ne devrait pas s’appliquer ici. Le Québec n’est pas le paradis du capitalisme sauvage, mais une société hyper réglementée qui ne forcera pas ses citoyens à acheter leur eau chez Walmart parce que l’eau de leurs robinets prend en feu.
    Pour dissiper les doutes, pour que l’exploitation de cette source d’énergie qui inquiète soit possible, pour que cela soit accepté et acceptable, on a besoin d’un gouvernement capable de rassurer, et donc d’un gouvernement qui a les deux mains sur le volant."
    Ainsi, puisque tout le monde sait que Jean Charest a tout sauf les deux mains sur le volant, je ne vois pas d'autre façon d'analyser l'affirmation de Dubuc.
    Et en passant, s'il est vrai que le Québec n'est pas un lieu où règne le capitalisme sauvage, on peut aussi dire qu'il règne au Québec une corruption et du copinage aussi pire que n'importe quelles république de banane ou dictatures.
    Donc, je suis en désaccord avec Dubuc sur ce point: ce qu'on peut voir dans "Gasland" s'applique autant, sinon plus, au Québec.
    Mais Dubuc, trop stupide, n'est pas capable de le comprendre.

  • Jean-Claude Pomerleau Répondre

    7 septembre 2010

    Entre le laisser faire qui mène au pillage actuel de nos ressource et la soviétisation,il existe un modèle à suivre pour que le Québec tire le maximum de ses ressources: La modèle Norvègien.
    .......
    (...)
    C’est pour ce faire une tête sur cette stratégie à suivre que Mme Marois s’est rendue en Norvège en Juillet dernier (2008). Elle était accompagnée par M Camil Bouchard, lequel a livré un compte rendu, au journal Le Devoir des bénéfices que ce pays tire sa stratégie (Pourquoi pas un partenariat avec eux ?) :
    « (…) « Le PQ croit avoir trouvé un cheval de bataille pour rendre concrètes les aspirations souverainistes : l’exploration et l’exploitation des gisements de pétrole et de gaz que recèlent le lit du Saint-Laurent et le site de Old Harry au large des îles de la Madeleine. Le gouvernement fédéral n’a toujours pas délivré de permis pour l’exploration de ces gisements. Les négociations entre Québec et Ottawa à ce sujet achoppent. Le Québec n’a pas les pleins pouvoirs pour lancer ce grand projet d’autosuffisance énergétique. « Quand on dit ça aux gens, ils sont outrés », a fait valoir Mme Marois. Le potentiel d’hydrocarbures représenterait un minimum de 20 milliards en redevances et autres revenus sur dix ans, avance-t-on au PQ.
    La chef péquiste et le porte-parole en matière d’environnement, Camil Bouchard, ont effectué à la fin de juillet une mission en Norvège qui « concilie l’exploitation de ses ressources gazières et pétrolières avec le développement durable », ont-ils affirmé.
    À l’instar de l’État norvégien, le gouvernement du Québec doit être le maître d’oeuvre de l’exploitation pétrolière et gazière au Québec. La société norvégienne StatoilHydro, dont l’État détient plus des deux tiers des actions, extrait 60 % des barils de pétrole de la mer du Nord. L’État norvégien détient des intérêts minoritaires dans toutes les entreprises engagées dans l’exploitation de cette ressource, a souligné en outre M. Bouchard. Grâce aux redevances et aux profits de la société d’État, la Norvège, qui ne compte que 4,6 millions d’habitants, a ainsi constitué un formidable fonds de 550 milliards qui fait saliver les péquistes. « Ça nous libérerait de notre dépendances au pétrole étranger et améliorerait notre balance commerciale », a avancé Mme Marois. Un gouvernement péquiste formerait une société d’État, qui pourrait se nommer Pétro-Québec, pour se consacrer à l’exploration, à l’extraction et à la distribution d’hydrocarbures. « Tout est imaginable », a dit Pauline Marois. » (...)
    http://www.ledevoir.com/politique/quebec/202297/le-cynisme-plombe-la-souverainete
    JCPomerleau