Si loin, si proche si proche, si loin

Curieux destin politique que celui de Pauline Marois, elle qui a été humiliée par son parti il y a un peu plus de 18 mois et qui a été hier soir couronnée triomphalement chef par ce même parti.

PQ - Pauline : gouverner mais encore ?....



Si loin de son rêve de devenir chef du PQ il y a 18 mois, elle n'aura eu besoin cette fois-ci que de lever le petit doigt pour y parvenir.
En apparence, Pauline Marois se retrouve plus proche que jamais du pouvoir, mais en réalité, elle sait aussi fort bien qu'elle et son parti en sont bien loin et que les prochains mois seront cruciaux pour elle, pour le PQ et pour le mouvement souverainiste.
Le premier test de la nouvelle chef sera de convaincre les militants de son propre parti de la suivre sur des chemins qu'ils n'ont jamais fréquentés. Des chemins qui s'éloignent du référendum à tout prix et qui bifurquent à droite du modèle québécois dont le PQ a toujours été un ardent défenseur.
Quand Mme Marois écrit, comme elle l'a fait la semaine dernière: «Nous devons accepter de nous ouvrir à des formes nouvelles et audacieuses de collaboration entre les secteurs privé, communautaire et public», cela présage de profonds débats dans les instances instables du PQ.
Quand elle dit que la souveraineté reste l'objectif, mais que le PQ doit se guérir de son obsession référendaire, ne plus débattre indéfiniment de la date et de l'heure du prochain référendum, Pauline Marois va plus loin qu'aucun chef péquiste avant elle.
André Boisclair doit écouter tout ça avec un mélange d'amertume et de frustration, lui qui, après tout, disait exactement la même chose au lendemain de la défaite de son parti aux élections du 26 mars. Souvenez-vous: il disait vouloir empêcher son parti de sombrer dans le déni. Il parlait lui aussi de se libérer des dogmes qui bloquent les changements au PQ depuis trop longtemps.
La grande différence, c'est qu'André Boisclair avait hérité d'un programme politique porteur de désastre pour son parti, programme qu'il a défendu plutôt que de s'en distancier. Après la catastrophe électorale de mars, M. Boisclair n'avait tout simplement plus la légitimité au sein de son parti pour imposer le coup de barre dont parle si ouvertement Pauline Marois maintenant.
De la légitimité, Mme Marois en a fait le plein hier soir au Capitole de Québec. Son triomphe ressemble presque à des excuses de la part des militants de son parti: «Désolé, Pauline, on s'est trompés la dernière fois, vas-y maintenant, tu as le champ libre.»
Mais le champ reste rarement libre très longtemps en politique. C'est peut-être encore plus vrai au PQ qu'ailleurs.
La nouvelle chef a les coudées franches, mais le temps presse. Le secret pour imposer des changements profonds, c'est d'aller vite, de forcer le mouvement, de pousser dans le dos, au risque de déplaire, de bousculer.
Parlez-en à Nicolas Sarkozy, qui constate déjà en France, deux mois après son élection, la résistance à son programme, et ce, malgré deux victoires nettes, aux présidentielles et aux législatives.
Parlez-en à Stephen Harper, qui a mené au pas de charge les principaux changements promis en campagne électorale, avec succès, avant de se retrouver maintenant au point mort.
Le contexte est toutefois favorable à Mme Marois. Le PQ est en mauvais état et il a un urgent besoin de rénovation, tout le monde le reconnaît. Il se trouvera bien quelques nostalgiques pour affirmer que le Parti devrait garder intacte sa vieille devanture, mais l'immense majorité des péquistes savent que tout l'immeuble risque de s'écrouler à moins de travaux majeurs.
Le contexte électoral aussi joue en faveur de la nouvelle chef. En régime minoritaire, le PQ n'aura pas, cette fois, le luxe de discuter pendant des années. Ça presse, les prochaines élections pourraient arriver dès le printemps prochain, dans huit ou 10 mois.
Le problème de Pauline Marois, par contre, c'est qu'elle se retrouve maintenant chef d'un parti dont une des marques de commerce est la recherche obsessive du consensus avec les partenaires syndicaux, les étudiants, le SPQ libre, les porte-parole culturels, sociaux, communautaires, etc.
L'autre problème de Pauline Marois, qui devrait l'inciter à asseoir rapidement son leadership et à imposer le rythme et les idées neuves, c'est, curieusement, sa principale qualité: son expérience.
Pour le moment, la nouvelle chef est en état de grâce au PQ. Cela ne durera pas, et elle le sait. Aux premiers accrochages, le bagage d'expérience peut se transformer en un boulet, surtout devant un jeune chef comme Mario Dumont.
Quand on est en politique aussi longtemps que l'a été Mme Marois, on traîne avec soi une longue série de pour et de contre.
Elle est expérimentée, oui mais elle est dans le paysage politique depuis toujours.
Elle est couronnée, oui mais c'est parce que le PQ est trop amoché pour attirer d'autres candidats.
Elle a été ministre de tous les gros ministères, oui mais elle a connu quelques échecs.
Elle a créé les CPE, oui mais il manque encore des milliers de places.
Elle a de longs états de service au PQ, oui mais elle a manqué de loyauté envers Bernard Landry.
Elle semble savoir où elle s'en va, oui mais elle a souvent manqué cruellement de jugement dans le passé.
Elle ne veut plus parler de référendum, oui mais elle a passé toute sa vie politique à préparer le grand soir.
Et ainsi de suite, la liste des «passifs» pourrait encore s'étirer.
Prenez la santé, par exemple. De quoi parlait-on hier? De l'épuisement des infirmières de l'hôpital du Sacré-Coeur, surtaxées depuis des mois par des horaires de travail épuisants. La situation est connue, répandue. On pourrait prendre un hôpital par jour pour le reste de l'été et on arriverait aux mêmes conclusions.
Or tout le monde s'entend pour dire que le programme de mise à la retraite massive des infirmières dans les années 90 (dans le cadre de la lutte contre le déficit) a été une erreur. Même Lucien Bouchard, qui était alors premier ministre l'a reconnu.
Pauline Marois peut certes dire qu'elle a des solutions à proposer, mais ses adversaires politiques ne se priveront pas pour dire qu'elle est aussi l'une des responsables du problème, elle qui a été, dans l'ordre ou le désordre, présidente du Conseil du Trésor, ministre de la Santé et des Finances des gouvernements péquistes de l'époque.
Il sera facile pour Mario Dumont de rappeler ce fait chaque fois qu'il en aura l'occasion, faisant d'une pierre, deux coups, en affirmant que le PQ a mis le feu au système de santé et que les libéraux n'ont fait que jeter de l'huile.


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