Après avoir fait trembler la classe politique pendant des décennies parce qu'il se croyait dispensé de tout devoir éthique, voilà que l'empire de «Citizen Murdoch» se fissure. On ajoutera: enfin! Car à la faveur du flot d'informations sur les vices de ce conglomérat médiatique, ce dernier suscite son lot de répugnances. Et ce, plus que jamais auparavant.
La Chambre des communes, qu'on appelle tout simplement Westminster, a été le théâtre, au cours des derniers jours, de deux scènes si rares qu'elles méritent d'être soulignées dix fois plutôt qu'une. Coup sur coup, on a assisté en effet à la confection d'une motion que tous les élus s'étaient engagés à voter suivie d'un acte de contrition formulé par le premier ministre David Cameron et dans lequel il englobait, avec raison d'ailleurs, les travaillistes ainsi que les libéraux-démocrates. Déclinons.
Grâce au travail remarquable des journalistes du quotidien The Guardian, nous savons aujourd'hui que les tabloïds The Sun et News of the World avaient érigé les pratiques frauduleuses en politique de l'information. En plus d'avoir piraté les cellulaires des riches et puissants comme des victimes d'attentats ou d'assassinats, ils ont planqué des caméras ici, volé des CD, violé des messageries électroniques, enregistré des conversations, soudoyé des flics, engagé des détectives privés et autres faits appartenant à la catégorie des malversations.
Nous savons tout cela et nous savons aussi que pendant des années, Scotland Yard a mis un arrêt à une enquête qui avait pourtant révélé, en 2006, combien les médias de Murdoch étaient friands de méthodes de travail logeant à l'enseigne des turpitudes. Il aura fallu la ténacité du Guardian et les révélations publiées au début de l'année pour que Scotland Yard reprenne enfin le fil de son enquête et qu'un haut responsable du gouvernement britannique soit viré. Son identité? Andy Coulson, qui était alors directeur des communications de Cameron après avoir été le patron de News of the World. Parce qu'on le soupçonne d'avoir entravé le travail des policiers en plus de s'être livré à des actes interdits par des lois, il vient d'être emprisonné.
Cette proximité entre le chef du gouvernement britannique et Coulson, mais aussi avec d'autres bras droits de Murdoch et aussi avec ce dernier, a «réveillé», si l'on peut dire, celle de Blair avec ces mêmes personnes. Celle de ministres, chefs de bandes, chefs de clans, etc. En fait, ces proximités ont surtout révélé que Cameron et ses prédécesseurs se sont fait les complices du nivellement par le bas, pour rester poli, du rabotage des idées démocratiques au profit d'une insolente impunité. Bref, ils ont accordé un pouvoir exorbitant à un non-élu. Et ce, parce qu'ils voulaient bénéficier de la mansuétude de son empire médiatique.
À la suite des primeurs en rafale révélées par The Guardian, les députés ont décidé cette semaine, et à l'unanimité, de bloquer l'achat par Murdoch d'un bloc d'actions qui lui aurait permis de détenir 100 % de BSkyB, le bouquet de chaînes par satellite. Pour ce faire, ils ont composé une motion qu'ils n'ont pas eu besoin de voter puisque le magnat a décidé de retirer son offre sur une entreprise qui évolue dans le secteur qui lui rapporte le plus de bénéfices. Il en détient un peu plus de 30 %.
Entre-temps, Cameron a formulé son acte de contrition en soulignant que lui, et Blair avant lui, et bien d'autres avec eux, ont été beaucoup «trop proches» de Murdoch. Que tous «les élus ont fermé les yeux». Dans la foulée de cette autocritique, le premier ministre britannique a indiqué qu'outre une commission parlementaire devant laquelle Murdoch, son fils James et d'autres cadres de News Corp. vont comparaître la semaine prochaine, une enquête publique dirigée par un juge serait commandée. On amorce enfin l'élimination du travail de sape, du populisme fascisant de «Citizen Murdoch».
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