Crise de l'euro

La contagion

Crise de l'euro


L'acte 2 de la crise de l'euro vient de commencer. Après les «petits» pays, voilà que les poids lourds espagnol et italien subissent à leur tour des attaques d'autant plus frontales du marché que les politiciens excellent dans la cacophonie et non dans la gestion du drame financier. Bref, le risque de contagion est plus plausible que jamais.
La maison grecque se consume depuis plus d'un an maintenant. La portugaise également, mais depuis moins longtemps. Dans la journée de vendredi dernier, ce qui était jusqu'alors une hypothèse s'est traduit en une réalité: l'Italie est devenue la cible des marchés. Son taux d'emprunt a augmenté aussi brutalement que bruyamment. Après l'Italie, le tour de l'Espagne est arrivé. Lundi, ces deux nations, qui sont respectivement les troisième et quatrième puissances économiques du continent, ont subi des charges assez virulentes pour que les Bourses de Milan, Francfort, Paris et autres dévissent passablement. Bien.
L'incendie prend des proportions si redoutables qu'il menace de transformer l'euro en un petit amas de cendres. Que font les dirigeants européens? Ils commandent une énième réunion dans l'urgence. Dans cet exercice, soit se réunir et disserter jusqu'à plus soif, ils sont passés maîtres. Par contre, pour ce qui est d'élaborer des mesures propres à résorber un problème que tout un chacun qualifie de grave, ces messieurs-dames, cette élite européenne, s'avèrent des gamins, pour reprendre le mot du journal Le Monde. Qu'on y songe: alors qu'il y a exigence à prendre de la hauteur, ils n'ont rien trouvé de mieux que de former la fanfare de la cacophonie.
Entre ministres des Finances et chefs d'État, ils se crêpent le chignon. Ils se disputent bien davantage qu'ils discutent. Ils ne cessent d'étaler leur manque de leadership. Alors forcément, en toute logique, c'est le cas de le dire, les marchés exploitent à fond le sillon des occasions que les premiers ont creusé. Dans cette histoire, ce qu'il y a de terrible c'est qu'au fil de leurs désaccords, ils ont consommé énormément de temps. Pour mémoire, on tient à rappeler que si Angela Merkel n'avait pas été aussi psychorigide qu'elle le fût au cours du premier trimestre de l'an dernier, la Grèce ne serait pas au bord de l'implosion comme c'est le cas aujourd'hui.
Merkel... Elle tient mordicus, et depuis des mois, à ce que le privé, essentiellement les banques et les compagnies d'assurances, soit mis dans l'obligation de participer aux plans de sauvetage de la Grèce et du Portugal aujourd'hui, et, sait-on jamais, de l'Italie et de l'Espagne demain. Sarkozy privilégie quant à lui une participation volontaire du privé parce qu'une participation obligée taxerait passablement les banques françaises passablement exposées dans les pays du Sud. Grand patron de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet s'oppose fermement à ces deux propositions. Enfin...
Il s'y est opposé jusqu'à ce qu'il laisse entendre, par des voies détournées, que la BCE pourrait éventuellement reconnaître l'ombre d'un défaut partiel de paiement. En fait, lui comme les autres se plaisent tellement à compliquer le dossier à coups de commentaires sibyllins que c'est à se demander si la zone euro n'est pas devenue le royaume des sophistes. Pour dire les choses platement, cette histoire ressemble de plus en plus à celle de l'aiguille dans la meule de foin.
L'Europe en est donc là. Où? Dans le fouillis le plus complet. Et ce, parce que l'un tourne à droite quand l'autre prend à gauche que le troisième va tout droit et que tous les autres rebroussent chemin. Après plus de 50 ans de construction européenne, force est de constater que l'abandon d'une Europe politique au profit d'une Europe libre-échangiste a fait le lit de l'intérêt national aux dépens de la solidarité. De cette solidarité que les générations précédentes de dirigeants cultivaient avec d'autant plus de soin qu'elle était un antidote au conflit. La gestion de cette crise laisse un goût amer. Très, très amer.


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