Robert Lepage, à la poursuite d'une tradition !

Par Gilles Pelletier

Québec - pluralité et intégration


Peu de Québécois se sont donnés la peine d'apprivoiser les réalisations de Robert Lepage et pourtant il y en a beaucoup qui dénigrent ses œuvres sans jamais en avoir vu une seule. Lepage est une grande vedette et il est perçu comme un dieu à l'étranger, où ses pièces reçoivent une attention généreuse du public et partout où il passe, les amateurs ne cessent de le réclamer en rappel.
Lepage réalise que sa ville est craintive devant toute situation ou événement qu'elle ne peut comprendre ou contrôler et vient de faire un constat sévère sur un certain comportement civique de nos citoyens, mais combien juste, en soulevant le caractère xénophobe des gens de Québec qui ont beaucoup de mal à s'ouvrir aux étrangers, en craignant d'y perdre leur âme sans doute on ne sait trop. Monsieur Lepage ne croit pas que notre ville soit un milieu typiquement raciste et il a raison. Ce serait injuste et inapproprié de le croire ou de propager cette idée.
Cet individu bien en vue dans sa communauté n'est pas le premier à vilipender publiquement sa ville. Retournons 135 ans en arrière et voyons ce qu'en pensait en 1871, Arthur Buies, dans ses Chroniques canadiennes. Voici ce qu'il y écrivait en parlant de Québec qu'il chérissait par dessus tout. «Voilà le vent qui souffle toujours ici. Oh! les petites histoires, les petits scandales, les grosses bêtises, comme ça pleut! Il n'est pas étonnant que Québec devienne de plus en plus un désert, les gens s'y mangent entre eux. Pauvre vieille capitale!» Qui a pu bien dire: «autre temps autres moeurs?»
Encore après l'époque d'Honoré Mercier, de Séraphin et du curé Labelle, avouons qu'il y a du travail encore à faire pour créer plus «d'ouverture» chez nos concitoyens envers «l'étranger». Le monde artistique peut être un excellent véhicule pour enrichir le débat, pour permettre l'acquisition ou l'assimilation de connaissances, pour favoriser les réflexions et les échanges entre les nouvelles communautés, les nouveaux arrivants et les gens de «vieilles souches» pour enfin boucler cette boucle. N'oublions pas notre situation démographique, toujours en régression, qui est en train de faire plus de ravage, dans notre milieu, que pourrait le faire une tragédie sismique ou météorologique. Celle-ci prévoit, en terme statistiques, qu'en 2025, dans l'agglomération de Québec, il n'y aurait que 12 000 personnes de plus en comparaison d'aujourd'hui. L'avenir ne semble pas très prometteur au plan économique ou social. Qui donc aurait envie d'investir ici en espérant prospérer?
Nous devons nous préparer, à accueillir plus d'immigrants dans nos murs, si nous voulons prospérer tous ensembles en pensant aussi aux futures générations. Notre instinct de conservation devra se partager avec les nouveaux arrivants et nous aurons intérêts à développer des méthodes à la fois «ingénieuses», humaines et brillantes pour en attirer davantage, s'en faire des alliés et assurer à notre cadre de vie une qualité qui ne fera que grandir et donner le goût à tous de vivre ici pour longtemps.
D'ici les grandes fêtes du 400e, il en faudra d'autres Robert Lepage pour réveiller les consciences et dénoncer certains travers de notre Capitale nationale qui ne demandent qu'à être revus et corrigés pour augmenter notre fierté à habiter ce joyau qu'est Québec et ce qui est pas mal plus qu'une ville ordinaire flanquée sur un cailloux comme le Cap Diamant.


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