Au rythme où vont les choses, les prochaines générations de Canadiens ne parviendront pas à économiser assez pour vivre de façon décente pendant les vingt ou vingt-cinq ans que durera leur retraite. Le problème est connu, mais comme la pression populaire n'y est pas, les gouvernements ne voient pas l'urgence de réformer le système.
Contrairement aux pays européens, le Canada offre des régimes publics de retraite qui ne remplacent qu'une petite fraction du revenu de travail. À 65 ans, un travailleur au salaire industriel moyen de 45 000 $ a droit au maximum de 10 900 $ de la RRQ et à la prestation de la Sécurité de la vieillesse fédérale de 6000 $. Ces 17 000 $ étant insuffisants, ce salarié devra avoir participé la plus grande partie de sa vie active à un régime d'entreprise ou avoir accumulé quelques centaines de milliers de dollars dans un REER pour combler le manque à gagner.
Les retraités et futurs retraités ont raison d'être inquiets. La chute des marchés et les taux d'intérêt très bas ont forcé la plupart des gens à réduire leurs attentes. Dans le cas des entreprises qui offrent des régimes à prestations prédéterminées, la crise a creusé leur déficit de solvabilité, de sorte que, malgré la reprise et les assouplissements concédés par les gouvernements, certaines profitent d'un rapport de forces favorable pour imposer des régimes à deux vitesses: l'un pour les plus anciens dont les prestations restent assurées; l'autre pour les nouveaux, dont la seule assurance est celle des cotisations qu'ils auront à verser toute leur vie.
À l'heure actuelle, il n'y a plus que le tiers des salariés canadiens, employés de l'État compris, qui cotisent à un régime dont le montant de la rente est déterminé d'avance. Voilà une tendance inquiétante pour les générations montantes, que le mouvement syndical semble incapable d'endiguer.
Dans les PME, le problème est encore plus grave. Alors qu'un certain nombre de salariés et d'employeurs contribuent à des régimes simplifiés à cotisations déterminées ou à des REER collectifs, 75 % des travailleurs du secteur privé au pays n'ont aucun régime du tout, ce qui les oblige à prendre seuls l'initiative de verser un peu d'argent chaque année dans un REER individuel. Ce qu'une majorité d'entre eux omettent de faire, bien sûr, du moins avant d'avoir atteint la cinquantaine, soit beaucoup trop tard.
Devant les lacunes très graves du système canadien de retraite, certaines provinces, comme l'Alberta et la Colombie-Britannique, entendent créer un nouveau régime complémentaire auquel toutes les entreprises seraient inscrites, mais d'où les individus pourraient se retirer. Au Québec, la FTQ propose plutôt d'accroître le rôle de la RRQ en haussant à au moins 50 % au lieu de
25 % le pourcentage de remplacement du revenu à la retraite. Une telle réforme exigerait de faire passer les cotisations de 10 % à au moins 17 % du salaire brut. Inutile de dire que les associations patronales et les institutions financières qui gèrent présentement l'argent des REER s'opposent radicalement à une telle réforme à l'européenne, qui offrirait pourtant une très bonne protection aux simples salariés.
Au Québec, le gouvernement Charest s'est intéressé au problème des régimes menacés par les faillites d'entreprises, mais il n'y a rien sur la table pour les autres travailleurs. Au contraire, tout indique que la seule préoccupation soit d'inciter les gens à travailler plus longtemps! Il faudra donc attendre que le reste du pays bouge pour que ce gouvernement s'intéresse à son tour aux centaines de milliers de travailleurs abandonnés à leur sort.
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j-rsansfacon@ledevoir.ca
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