Retour sur Pierre Elliott Trudeau

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(Ottawa) Pierre Elliott Trudeau a fait un retour sur scène remarqué la semaine dernière avec la publication de la seconde partie de sa biographie rédigée par John English.
J'écris remarqué, parce que la presse anglophone, dans ses premiers commentaires, a donné l'impression que l'auteur, historien et aussi ancien député libéral, nous avait livré une chronique mondaine pour le moins croustillante.
Je vous épargnerai les détails de sa vie privée, n'ayant jamais été un grand partisan des déballages personnels ou des théories voulant que les hauts et les bas de la vie matrimoniale des dirigeants décident de l'avenir des peuples.
Non, il n'y a pas que cela dans ce volumineux ouvrage. Mais aussi bien prévenir les fédéralistes québécois «provinciaux» : vous ne gagnez aucun prix pour votre allégeance, car Trudeau vous considérait au mieux comme des mous velléitaires.
Réglons d'abord le cas du célèbre «mangeur de hot-dogs», soit Robert Bourassa. M. English cadre le personnage en une phrase assassine : «Les gens qui connaissaient le mieux Trudeau confirment tous que Bourassa figurait haut dans la liste des personnes qu'il n'aimait pas», écrit-il.
Il faut dire que Bourassa a déclenché prématurément les élections de 1976 pour neutraliser la volonté de Trudeau de rapatrier la Constitution, ce qui a ouvert la porte au Parti québécois le 15 novembre de cette année. Rancunier, l'ancien premier ministre canadien!
Quant à Claude Ryan, il a tout simplement été le dindon de la farce lors du référendum de 1980. Trudeau n'aurait même pas lu son célèbre «livre beige» sur la réforme du fédéralisme, et a cessé de s'intéresser à lui dès les résultats du vote connus.
«Le mot réforme avait un autre sens pour Ryan et de nombreux autres», selon l'auteur. Et plus loin : lui et Trudeau «avaient des divergences non seulement personnelles, mais également stratégiques, politiques et intellectuelles».
Toute l'action de Trudeau, ces années-là et plus tard, une fois retraité, contre les accords du lac Meech et de Charlottetown, découle d'une conviction profonde : le Canada était trop décentralisé à la suite d'une «série de reculs devant les assauts acharnés des provinces», Ottawa devait reprendre les pouvoirs peu à peu délaissés au fil des ans.
M. English s'interroge tout de même sur les motifs qui ont poussé Trudeau à ses tonitruantes interventions alors qu'il n'avait plus aucun mandat public.
Était-il frustré d'être ignoré par ses successeurs? S'il n'aimait pas Brian Mulroney, qu'il avait pourtant tenté de recruter comme candidat au milieu des années 70, ce dernier le lui rend bien, aujourd'hui.
Ou encore, se battait-il pour des principes? Ou enfin voulait-il simplement revivre des batailles épiques où il avait connu la gloire dans le passé ?
Un peu de tout cela, croit l'auteur. Mais n'empêche, cet homme a tué deux réformes constitutionnelles, l'une par une longue intervention devant le Sénat, l'autre par un simple discours à la Maison du Egg Roll.
Quand même, il fallait le faire!
Pour avoir potassé sur des deux dossiers, à l'époque, je dois avouer que la défaite du référendum de 1992 sur Charlottetown ne m'a pas fait pleurer : cette proposition négociée par Joe Clark rendait le pays proprement ingouvernable.
L'échec de Meech, par contre, s'inscrit dans les grandes occasions manquées de notre histoire. Cette entente, contrairement à ce que pensait Trudeau, ouvrait des portes et permettait tous les espoirs aux fédéralistes québécois.
À lire : John English. Trudeau : Regardez-moi bien aller, tome 2, 1968-2000, aux Éditions de l'Homme, 750 p. En librairie le 3 novembre.


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