Restreindre l'accès à l'école anglaise

On ne peut distinguer entre les différents types d'enseignement

Loi 104 - promotion du bilinguisme

Extrait de la décision rendue hier par l'un des deux juges de la majorité
Rien dans la Charte ne justifie de distinguer entre les différentes façons, par ailleurs légales, de recevoir l'instruction primaire ou secondaire. Je rappelle qu'au Québec, si la fréquentation scolaire est obligatoire, il demeure que l'enseignement peut être dispensé non seulement par une école publique ou une école subventionnée, mais aussi par une EPNS [école privée non subventionnée] ou même à la maison dans le cadre d'un programme individualisé approuvé.

Dans le cas d'une EPNS offrant son enseignement en anglais, un certificat d'admissibilité n'est pas requis. Cette absence de contrôle sur le plan de l'accès à l'EPNS permet à des parents qui ne sont pas membres du groupe protégé par l'alinéa 23(1)b) de la Charte canadienne des droits et libertés (des citoyens canadiens qui ont reçu leur enseignement primaire en anglais), tels des citoyens canadiens francophones, des nouveaux arrivants non citoyens canadiens ou des citoyens canadiens allophones, d'inscrire leurs enfants dans une école où la langue d'enseignement est uniquement ou majoritairement l'anglais. Il existe donc au Québec, pour des parents non protégés par l'alinéa 23(1)b) de la Charte et qui en ont les moyens, une possibilité d'obtenir pour leurs enfants, en toute légalité, l'enseignement en anglais au Québec. [...]
Le présent dossier porte sur les conséquences de cette fréquentation scolaire légale. [...]
L'applicabilité de l'article 23 n'est pas dépendante d'une loi provinciale, mais de la réalité du parent ou de l'enfant. Il n'en va pas autrement dans le cas de la fréquentation d'une EPNS de langue anglaise pour les motifs suivants. D'abord, jusqu'en 2002, telle était l'interprétation faite par les autorités québécoises. Je comprends que cela n'est pas déterminant en droit, mais j'en retiens qu'une telle interprétation est pour le moins possible et raisonnable.
Ensuite, je suis d'avis que le constituant ne pouvait ignorer qu'il existait au Canada de telles écoles privées depuis des dizaines d'années, voire un siècle; de plus, les écoles catholiques ontariennes, fréquentées en partie par les Franco-Ontariens, ont été longtemps non subventionnées. [...]
Finalement, et c'est fondamental, je suis d'avis que la fréquentation d'une institution privée non subventionnée, que ce soit, par exemple, le Lower Canada College au Québec ou le Upper Canada College en Ontario, mérite la même protection constitutionnelle. Selon moi, on ne peut nier à un étudiant, citoyen canadien, qui fréquente le Upper Canada College et dont les parents déménagent ensuite au Québec, le droit d'être déclaré admissible à l'instruction en anglais au Québec. De même, un élève qui fréquente une EPNS de langue française au Québec a le droit de continuer son parcours scolaire en français si ses parents déménagent en Ontario ou en Alberta.
Droit de choisir
Il s'ensuit que je ne vois pas comment on pourrait soutenir rationnellement que la fréquentation en toute légalité d'une EPNS ne donne pas les mêmes droits constitutionnels que la fréquentation d'une école publique, et ce, particulièrement au Québec, où l'article 42 de la Charte des droits et libertés de la personne affirme le droit des parents de choisir pour leurs enfants des établissements privés d'enseignement qui se conforment aux normes prescrites. [...]
L'enfant canadien qui reçoit légalement son instruction publique en anglais au Québec, que ce soit dans une école publique ou privée subventionnée ou non subventionnée, vit de fait la même réalité scolaire. Il a le droit, en vertu du paragraphe 23(2) de la Charte, de continuer ce cheminement scolaire en anglais. De plus, la cohérence du milieu familial milite pour la reconnaissance aux autres enfants de la même unité familiale du droit d'étudier eux aussi en anglais [...].
[L]e citoyen canadien qui a reçu son instruction primaire au Québec en anglais dans une EPNS a, de fait, reçu légalement son instruction primaire en anglais au Canada au sens de l'alinéa 23(1)b) de la Charte et il aura le droit de revendiquer pour ses enfants l'enseignement public en anglais au Québec. L'alinéa 23(1)b) de la Charte ne fait pas de distinction entre l'enseignement dispensé par une école publique ou une école privée, subventionnée ou non, située au Québec ou ailleurs au Canada, et rien ne justifie rationnellement d'y lire une telle distinction.
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Pierre J. Dalphond, Juge de la Cour d'appel du Québec.


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