Il y a 40 ans, les Québécoises et les Québécois ont été appelés pour la première fois de leur histoire à se prononcer sur leur avenir politique et leur régime constitutionnel.
C’était un pari osé de la part du gouvernement de René Lévesque, car un tel exercice démocratique au soutien d’une démarche d’indépendance n’avait jamais été tenu dans un dominion britannique, dont la tradition coloniale avait toujours misé sur les salons privés pour décider ce qui serait bon pour le peuple.
Si nous fêtons aujourd’hui le 40e anniversaire du premier référendum sur la souveraineté, l’année 2020 est en fait l’occasion d’une double célébration : cela fera 25 ans que le second référendum a été tenu par le Parti québécois.
Pourquoi souligner ces anniversaires ? Parce qu’ils sont de beaux moments et que malgré le résultat décevant pour le Québec, il s’agit de réussites à bien des égards. Loin de ce que certains appellent des « chicanes », les Québécois ont, par deux fois, donné une solide leçon de démocratie au Canada. Taux de participation record, respect scrupuleux des lois électorales (quoiqu’on ne puisse pas en dire autant d’Ottawa), aucune violence et le respect du verdict populaire. Voilà toutes de bonnes raisons de célébrer. Le Québec sait prendre à bras-le-corps les sujets difficiles au moment venu avec sérieux, honnêteté et dignité.
Il ne faut toutefois pas se leurrer, ces deux victoires du camp du Non ont eu de réelles conséquences pour le Québec.
Le Canada n’a pas interprété les résultats des consultations comme un mandat pour se renouveler ni même pour maintenir le statu quo. Il a plutôt utilisé chacune des défaites pour retirer des pouvoirs au gouvernement du Québec et affaiblir ses institutions dans l’espoir de ne plus jamais revoir de référendums. Rapatriement de la Constitution, imposition d’une charte des droits qui judiciarise les compétences des provinces, loi dite de la « clarté » qui nie la souveraineté de l’Assemblée nationale sur les consultations populaires, recul de la langue française et surtout, une succession de gouvernements fédéralistes qui, à coup de plans d’austérité et de scandales de corruption, ont cherché à faire du Québec « une province comme les autres ».
À ce titre, la crise de la COVID-19 a l’effet d’une loupe grossissante sur notre situation. C’est au moment où ça compte le plus qu’on réalise que la gestion de nos frontières nous échappe. Que nous ne contrôlons pas l’armée, qui nous a été envoyée comme une forme d’aide humanitaire étrangère. Qu’une partie du pouvoir de dépenser est contrôlé par un gouvernement dont les mesures économiques ne sont pas arrimées avec les besoins de notre gouvernement national. Que l’approvisionnement du Québec en équipements stratégiques et sanitaires n’est pas sous notre contrôle et qu’il fait défaut. Que la souveraineté alimentaire est demeurée un vœu pieux, mettant en péril notre sécurité en cas de crise sanitaire mondiale. Et que, même en temps de crise, le Canada poursuit un programme complètement contraire à nos valeurs en soutenant les paradis fiscaux et l’une des industries pétrolières les plus polluantes au monde.
Après 40 ans de fausses promesses de renouveau du Canada et d’affaiblissement prémédité du Québec au sein ce pays qui n’est pas le nôtre, ne sommes-nous pas au moment du bilan ?
Ne sommes-nous pas mûrs pour vivre un autre beau rendez-vous avec l’histoire, lequel se solderait cette fois-ci par l’occasion d’enfin tourner la page pour se tourner vers un avenir qui nous ressemble et dont nous pouvons être fiers ?
S’il est difficile de prédire à quel moment précisément le Québec décidera d’écrire un nouveau chapitre de son histoire par voie de consultation de sa population, une chose est certaine : il s’agira d’un nouveau rendez-vous avec notre tradition démocratique. Refusons la confiscation d’une discussion normale sur ce qui est bon pour le Québec. Reprenons dès maintenant une conversation honnête sur les mérites de l’indépendance et sur la légitimité d’un exercice comme une consultation populaire. Le droit d’un peuple à son autodétermination, un principe normal partout dans le monde et garanti par les conventions internationales, demeure au Québec un rêve inachevé, tenu à bout de bras par des femmes et des hommes de qualité depuis 40 ans. À nous de porter à notre tour le flambeau.