Danic Parenteau, dans Le Devoir du lundi 22 juillet, appelle à « reconnecter le projet d’indépendance » avec la « grande politique », celle des colloques, conférences, séminaires, rencontres autour des questions constitutionnelles ! Il oublie une chose : tant que le projet d’indépendance du Québec est resté lié au mouvement ouvrier organisé et à ses luttes pour l’amélioration des conditions de vie et de travail des Québécois, il est resté un « grand projet collectif… fortement associé au mouvement global d’émancipation collective des Canadiens français devenus Québécois » ; dès l’arrivée au pouvoir du Parti québécois, en 1976, non seulement le mouvement ouvrier organisé a-t-il cessé de revendiquer haut et fort l’idée qu’il se faisait d’un Québec indépendant, mais les nationalistes eux-mêmes ont laissé tomber la lutte pour l’indépendance au profit d’un vague projet de souveraineté-association.
Être persuadé, comme l’est apparemment Danic Parenteau, « que nous engager dans une démarche constituante représenterait une bonne façon de remettre sur l’avant-scène politique le projet souverainiste », c’est croire que notre indépendance n’adviendra qu’à la suite d’un long et fastidieux symposium sur « la grande politique » qu’est, pour lui, semble-t-il, le débat constitutionnel. Débat qui, présume-t-il, doit « amener une majorité de Québécois… à se mettre d’accord sur un projet de constitution ».
Mettez 100 personnes dans une salle, n’importe qui, donnez à chacune d’elle cinq minutes pour s’exprimer, entre autres, sur rien de moins que « le régime politique, le principe de laïcité de l’État ou la régionalisation des pouvoirs », et vous croyez qu’après plus de huit heures de délibération, entre gens du peuple, sur des problèmes aussi complexes, le monde en redemandera ?
Par nécessité
On se bat pour son indépendance politique par nécessité, quand l’oppression que l’on subit est aussi flagrante qu’insupportable, comme l’était la situation québécoise dans les années 1960 et 1970, où notre infériorité économique et notre arriération culturelle étaient patentes et criantes de vérité. La lutte pour l’indépendance était alors intimement liée à un projet social, elle était par elle-même le projet social.
Un peuple opprimé n’attend pas après maints conciliabules et palabres d’érudits constitutionnalistes pour se mobiliser et revendiquer ses droits. Il laisse cette foire d’empoigne aux experts de ces questions. Si l’on veut vraiment reconnecter le projet d’indépendance avec quelque chose de tangible, que nos intellectuels commencent enfin par faire ressortir quels sont les véritables rapports de force qui s’activent dans notre société et à quels intérêts ils correspondent.
Les nationalistes ne savent vraiment plus à quel saint se vouer. Ce sont eux, d’ailleurs, les nationalistes, qui ont conduit le mouvement indépendantiste dans le cul-de-sac péquiste où nous sommes. Le Parti québécois n’a plus que des questions identitaires à faire valoir, puisqu’il prétend que, sur les plans économique et culturel, les Québécois sont devenus maîtres chez eux !
Quoi, les travailleurs québécois, c’est-à-dire la majorité du peuple, ne seraient plus autant exploités qu’avant ? Pourtant, les attaques contre les acquis du mouvement ouvrier organisé se multiplient, en particulier contre le droit à une retraite digne de ce nom. Si l’indépendance du Québec ne devait strictement rien changer à cette réalité, voulez-vous bien nous dire pourquoi les travailleurs québécois s’engageraient dans ce combat ? Pour avoir l’honneur de voir des politiciens québécois voter des lois spéciales bien québécoises les forçant à retourner au travail ; pour se faire matraquer par des policiers québécois ; pour se faire emprisonner par des juges québécois ; pour se faire tuer par des soldats québécois ; pour se faire exploiter, en français s’il vous plaît, par des patrons québécois ?
Non, l’indépendance du Québec sera sociale ou elle ne sera pas.
Réplique > Projet souverainiste - Finissons-en avec la réunionite autour de l’indépendance
Denis Christian Morin
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