Nous sommes en 1759. Vaincue sur les Plaines d’Abraham, la Nouvelle-France
doit capituler l’année suivante. Les armées anglaises occupent le
territoire. Nombre d’habitations, de fermes, d’écoles, sont ravagées,
pillées, incendiées, par les envahisseurs. La seule institution
d’enseignement supérieur du pays, le Collège de Québec, est fermée et
transformée en caserne pour l’armée britannique. L’économie est ruinée. Le
papier-monnaie alors en usage n’a plus aucune valeur. L’agriculture est par
la force des choses largement abandonnée. La famine règne dans les villes
et les campagnes. Ayant tout perdu, une partie de nos ancêtres erre sur
les routes et dans les bois. Les victimes se comptent par centaines.
La défaite est consommée par le Traité de Paris en 1763. Le roi de France
cède le pays au roi d’Angleterre. Ce dernier proclame alors sans équivoque
sa volonté d’assimiler la population vaincue à la langue et à la culture
des vainqueurs. À ce jour, malgré leurs persévérantes tentatives, ni lui ni
ses successeurs n’ont réussi à atteindre cet objectif, pas plus qu’ils ne
sont parvenus à effacer le souvenir de cette sanglante conquête, à
supprimer l’espoir d’indépendance et de liberté perpétué par des
générations de résistants.
Deux cents cinquante années plus tard, certains semblent croire que
nous sommes devenus suffisamment colonisés, soumis et lâches pour accepter
de «célébrer» cette tragique défaite, d’en banaliser les retombées pour
notre nation, d’en faire un spectacle folklorique pour amuser les touristes
canadiens et américains.
Les Québécoises et les Québécois, du moins celles et ceux pour qui les
mots «mémoire», «dignité» et «courage» ont encore un sens, ont un
rendez-vous avec l’histoire l’été prochain sur les Plaines…
***
PIERRE GRAVELINE
Écrivain et éditeur

-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --