Renaud Camus : « Le trait essentiel de la modernité postmoderne est le remplacement, la substitution »

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Une clé essentielle pour comprendre le monde dans lequel nous vivons

Renaud Camus, vous êtes, depuis samedi matin, au cœur d’une « tempête médiatique » : stupeur et tremblements, Alain Finkielkraut vous a invité sur France Culture dans son émission « Répliques » pour évoquer « Le Grand Remplacement » ! À première vue, pourtant, l’initiative n’a rien d’extravagant, et est même assez logique, puisque nul ne vous conteste la paternité du concept…


Concept, concept, c’est un peu beaucoup dire. Il ne s’agit guère que d’un nom ou, si l’on veut un terme savant, d’un syntagme, pour désigner le phénomène qui me semble être de très loin, en France et en Europe, le plus important de notre époque et, en ce qui concerne notre pays, sinon de toutes les époques, du moins des dix ou quinze derniers siècles : le changement de peuple et de civilisation, la substitution ethnique, la submersion migratoire. Ce phénomène a beau être de très loin, je le répète, le plus important de ce qui survient, il est aussi celui qui, par excellence, ne doit pas être nommé. C’est La Lettre volée : parfaitement en évidence, parfaitement visible, mais introuvable, indicible. Ceux qui ont tout intérêt à ce que le processus aille jusqu’à son terme craignent trop, s’il devenait objet de débat sur la place publique, que les peuples qui en sont les victimes se révoltent et l’interrompent, le renversent, malgré toutes les précautions prises, malgré l’hébétude où ils sont tenus et entretenus, malgré les menaces et chantages qui pèsent sur eux et sur ceux qui oseraient parler. On est là au cœur du tabou. Tout ce qui fait mine de le défier est nécessairement un scandale.


Alain Finkielkraut s’est fendu, si j’ose dire, d’un petit avertissement, rappelant que les mots « Grand Remplacement » sont sur toutes les lèvres, et invoquant, de ce fait, « l’anomalie de [votre] absence omniprésente ». Il est donc impossible d’inviter Renaud Camus sans devoir se justifier ?


Apparemment, d’autant plus qu’Alain Finkielkraut lui-même met sa situation en danger en m’invitant. Il fait preuve d’un grand courage. Tocqueville avait à merveille décrit cela : la mort civique est affreusement contagieuse. Ceux qui parlent aux bannis seront bannis. Le paradoxe est que sont bannis, par un geste inédit dans l’Histoire, non pas ceux qui sapent la société, l’État, la patrie, et veulent leur perte, mais au contraire ceux qui les défendent et désirent les sauver ; à moins, bien sûr, que le Grand Remplacement ne soit déjà accompli et que la société, la patrie, l’État, ce ne soit déjà le monde nouveau, le monde de remplacement, le monde remplaçant.









C’est ce que suggérait très fort mon interlocuteur, Hervé Le Bras, le démographe. Lui et moi sommes d’accord, au fond : le Grand Remplacement a bien lieu, plus personne ne le nie. La seule différence est que, pour ma part, il me désespère, tandis qu’Hervé Le Bras s’en réjouit, ou bien le considère avec indifférence, du point de vue de Sirius.


Cette intervention sur France Culture est elle, pour vous, le signe que la parole commence à se libérer sur le sujet ?


Hélas, cher Boulevard Voltaire, vous et moi avons cru si souvent que la parole commençait à se libérer, et nous avons été si souvent déçus… La Vérité sort peut-être de son puits, mais force est de reconnaître qu’elle y met le temps… Il y a des avancées, certes, et Boulevard Voltaire en est une, essentielle. Mais dans le même temps, le pouvoir aussi se renforce, calfeutre toutes les issues et accentue la répression : voyez tous les procès dont nous sommes accablés. Par pouvoir, j’entends le remplacisme, celui qui veut et qui promeut et qui impose le Grand Remplacement. Mais je parle aussi volontiers de remplacisme global, car je crois que le trait essentiel de la modernité postmoderne, si l’on peut dire, est le remplacement, la substitution : de l’original par le simili, de l’indigène par l’allogène, du réel par le fauxel, du vrai par le faux, du journalisme par l’info, de la littérature par le journalisme, de l’expérience de vivre par la sociologie, du regard par la statistique, de la lettre par le chiffre, des philosophes par les intellectuels, du malheur par la cellule psychologique, de la perte par le travail du deuil, de la mort par la disparition, du monde sensible par le site touristique, de Venise par Las Vegas, de Paris par Euro Disney, de la culture par le divertissement, de la pierre par le siporex, de la campagne par la banlieue, des Français par les « Français », des mères par les mères porteuses, de l’homme par la femme, de l’homme par l’homme, de l’homme par les robots, de l’homme par les tuyaux, de l’humanité par la Matière Humaine Indifférenciée (MHI).


On me demande souvent de résumer d’un mot ce que j’entends par remplacisme global et maintenant, par chance, je le puis : Macron. Emmanuel Macron est au carrefour exact des deux généalogies qui font cette idéologie : le second antiracisme, celui pour lequel il n’y pas de races, donc il faut les supprimer (par le métissage) ; et le financiarisme bancaire, celui où convergent les grands intérêts et la normalisation post-industrielle, l’hyperclasse hors-sol et Frederick Taylor, via l’effroyable Henry Ford. Ford, antisémite et pro-nazi, comme par hasard, avait eu l’idée de génie de vendre ses produits à ceux qui les produisaient. Le remplacisme global va plus loin et fait de l’homme même un produit, une matière, la MHI. Les malheureux migrants ne sont pas des réfugiés sauvés des eaux, ce sont des producteurs-produits-consommateurs livrés et réceptionnés en mer. Pour le remplacisme global, le naufrage est devenu un moyen de transport comme un autre.


Le point faible de ce mécanisme monstrueux, c’est qu’il a pour principe et pour point nodal le faux, le simili, l’imitation, le toc, la camelote, le low cost (dont il essaie bien sûr, non sans succès, de faire la norme, d’où la prolétarisation générale). Tombant par chance au bon endroit, un éclair de vérité pourrait faire s’effondrer d’un coup ce simili-monde, cette banlieue de l’être, comme avant lui l’univers soviétique, autre totalitarisme bâti sur le mensonge (mais moins habile, moins riche et moins séduisant).



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