Le redressement des finances publiques passe par deux années d’austères restrictions qui n’épargneront pas les missions essentielles de l’État québécois — les « vraies affaires » de la dernière campagne électorale des libéraux — que sont la santé et l’éducation.
« C’est un budget sérieux parce que la situation est sérieuse », a affirmé en conférence de presse le ministre des Finances, Carlos Leitao, qui a présenté mercredi le premier budget du gouvernement Couillard. Avec des revenus budgétaires de 71,37 milliards et des dépenses s’élevant à 74,29 milliards, le déficit pour l’année 2014-2015 s’élèvera à 2,35 milliards, soit 600 millions de plus que le déficit prévu dans le budget péquiste de février. La croissance des dépenses est limitée à 1,8 % cette année et à un maigre 0,7 % l’an prochain, l’année du retour au déficit zéro. « L’atteinte de l’équilibre budgétaire, ce n’est pas une obsession mais une obligation », a réitéré le ministre.
Coincé par les agences de notation de crédit, le gouvernement Couillard renonce à son engagement de relever les dépenses en infrastructures de 1,5 milliard par an pendant dix ans, ce qui aurait gonflé la dette publique de 15 milliards. Tout au plus devance-t-il les travaux pour 300 millions cette année pour investir une somme de 11,5 milliards, mais la moyenne annuelle sera maintenue à 9,5 milliards pour la prochaine décennie.
Le gouvernement Couillard impose un gel des embauches non seulement dans la fonction publique, mais dans les réseaux de la santé et de l’éducation, une économie de 600 millions en deux ans. Or, les effectifs du secteur public et parapublic ont crû de 6250 personnes par an en moyenne depuis cinq ans, uniquement dans les réseaux de la santé et de l’éducation. Le gouvernement Couillard, qui déposera un projet de loi pour permettre au Conseil du trésor de procéder à ce gel, compte sur les 15 000 départs annuels à la retraite pour réaffecter le personnel vers les services à la population, a soutenu le ministre.
La santé et l’éducation touchées
La croissance des dépenses en santé est réduite à 3 % cette année et à 2,7 % l’an prochain. En éducation, la progression est de 2,2 % et de 1,9 %. Or, selon les documents budgétaires, la croissance naturelle en santé, ce qui comprend la hausse des « coûts de système » et de la clientèle, est de 3,9 %, et elle s’élève à 3,2 % dans le réseau d’éducation.
Pour l’heure, le gouvernement Couillard promet de ne pas toucher aux services à la population, mais on apprend que l’injection de 110 millions par an dans les soins à domicile, que prévoyait l’assurance autonomie, est abolie. Quant à l’étalement de la hausse de la rémunération des médecins, le budget prévoit qu’elle procurera une économie de 600 millions cette année même si les ententes à cet effet ne sont pas signées.
Carlos Leitao, dont on vante les mérites de prévisionniste, table sur une croissance économique de 1,8 % en 2014 et de 2 % l’année suivante. C’est moins que la croissance de 2,1 % avancée lors de la campagne électorale : surtout, la croissance nominale prévue, ce qui inclut l’inflation, n’est que de 3,4 %, alors que les libéraux faisaient miroiter un taux de 4,8 % en mars dernier. La création d’emplois — 31 300 emplois cette année et 46 300 emplois l’an prochain — est en deçà de l’objectif de créer 250 000 emplois en cinq ans, un objectif qui demeure, toutefois, a indiqué le ministre.
Le ministre a annoncé une coupe générale et immédiate de 20 % des crédits d’impôt aux entreprises : à terme, il s’agit d’une réduction de 500 millions sur les 2,4 milliards consacrés à l’aide fiscale aux entreprises. À cela s’ajoute une diminution de 650 millions dont les paramètres seront déterminés par la nouvelle Commission d’examen sur la fiscalité québécoise que présidera le fiscaliste Luc Godbout.
Sur le plan économique, Carlos Leitao fait table rase de la politique de stimulation économique du précédent gouvernement, sauf le congé d’impôt pour les grands projets. Le ministre a annoncé toutefois une baisse graduelle de l’impôt sur les bénéfices des PME manufacturières, un programme pour stimuler l’innovation des PME, la relance du Plan Nord et les premiers pas de la stratégie maritime.
Certaines initiatives du gouvernement Marois ont trouvé grâce aux yeux du gouvernement libéral. C’est le cas de l’électrification des transports et de l’investissement de 1 milliard dans le transport collectif. De même, il ira de l’avant avec la création du fonds Capital Mines Hydrocarbures doté de 1 milliard.
Caractérisé par des coupes paramétriques, le premier budget Leitao en est un de transition. C’est l’an prochain qu’on se penchera sur les programmes, ce qui touche aux services à la population. D’ici quelques mois, le gouvernement créera la Commission sur la révision permanente des programmes, placée sous l’autorité du président du Conseil du trésor, Martin Coiteux. Le ministre des Finances a précisé que 90 % des efforts pour atteindre l’équilibre budgétaire proviendront de la réduction des dépenses, un pourcentage qui s’élèvera à 95 % l’an prochain.
Enfin, Philippe Couillard a promis en campagne électorale qu’il n’y aurait aucune hausse d’impôt ou de taxes, mais cela ne s’applique manifestement pas aux taxes sur le tabac et l’alcool, qui sont majorées. La simple indexation des tarifs promise est aussi remise en cause dans le cas d’Hydro-Québec, notamment.
« Promesses brisées »
Pour le porte-parole péquiste en matière de finances, Nicolas Marceau, il s’agit d’un « budget des promesses brisées ». Le cadre financier qu’ont présenté les libéraux en campagne électorale « ne tient plus la route », a-t-il dit.
Le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, estime que le gouvernement « a baissé les bras » et « accepte que le déclin économique du Québec se poursuive » par rapport aux autres provinces. Il juge peu ambitieux le plan de relance économique des libéraux. Quant à la réduction des dépenses, M. Legault estime qu’« au moins, les libéraux ont enfin vu le mur et essaient de l’éviter ».
Pour Françoise David, de Québec solidaire, le budget Leitao, c’est « l’austérité permanente ». La presque totalité des efforts vient des dépenses plutôt que des revenus, a-t-elle déploré. « On va couper dans les services, ça va atteindre les gens. »
BUDGET LEITAO
Régime minceur à Québec
« C’est un budget sérieux parce que la situation est sérieuse »
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