Québec - Mauvaise nouvelle à l'approche de la rentrée scolaire. Pas moins de 68 % des enseignants du primaire jugent que les élèves en difficulté d'apprentissage, à qui la réforme devait venir en aide, ne réussissent pas mieux depuis son implantation.
C'est ce que révèle une enquête du ministère de l'Éducation réalisée en mars auprès de 2000 enseignants. Cette enquête fait partie du rapport préliminaire de la Table de pilotage sur le renouveau pédagogique- le nom donné à la réforme- qui a été rendu public hier.
La perception des enseignants sur les effets de la réforme sur les élèves en difficulté d'apprentissage est " préoccupante " et même " dérangeante ", lit-on dans le rapport de 72 pages.
" C'est vraiment inquiétant ", a admis hier le ministre de l'Éducation, Jean-Marc Fournier.
La Fédération de l'enseignement du Québec (FSE-CSQ) et l'Association provinciale des enseignants du Québec (APEQ), qui réclament une suspension de la réforme, se dissocient de ce rapport préliminaire qu'ils jugent trop " rose bonbon ".
Les autres membres de la Table - directeurs d'école, commissions scolaires, parents - recommandent de poursuivre la mise en oeuvre de la réforme, mais d'y apporter des correctifs.
Le ministre de l'Éducation, Jean-Marc Fournier, adopte le même point de vue et veut mettre en oeuvre, dès maintenant, les 12 recommandations formulées par la Table de pilotage. Au cours des prochains mois, il proposera des mesures pour venir en aide aux élèves en difficulté d'apprentissage et révisera l'enseignement du français.
Les recommandations de la Table de pilotage se veulent notamment une réponse aux résultats de l'enquête du ministère de l'Éducation. Seulement 10% des enseignants croient que les élèves en difficulté d'apprentissage réussissent beaucoup mieux à l'école grâce au renouveau pédagogique. Les élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage (EHDAA) représentent 15% de la clientèle étudiante des écoles primaires et secondaires. La vaste majorité des enseignants affirment qu'il n'y a eu aucune (68%) ou peu (22%) d'amélioration de la réussite scolaire chez ces élèves depuis le début de la réforme.
Et la moitié des enseignants croient que les élèves dits réguliers n'ont pas amélioré leur réussite scolaire depuis l'implantation de la réforme.
De plus, 59% des enseignants affirment que les élèves en difficulté ne sont pas mieux "préparés à répondre aux exigences de la vie d'aujourd'hui" (42% dans le cas des élèves réguliers).
"C'est vraiment inquiétant", a lancé Jean-Marc Fournier. Il entend remédier à la situation avec de nouvelles mesures qui ne sont pas encore définies. Ce printemps, le gouvernement Charest s'est engagé à injecter 100 millions de dollars supplémentaires pour embaucher des spécialistes et donner une meilleure formation aux enseignants, a-t-il rappelé.
Le ministre se tourne vers des données "encourageantes" pour trouver un peu de réconfort. "Mais 87% des enseignants considèrent qu'il est facile ou très facile pour le personnel enseignant d'amener les élèves à acquérir des connaissances", a-t-il dit.
Le sondage du Ministère avait été envoyé à 4716 enseignants. Moins de la moitié d'entre eux (2000) ont accepté d'y répondre.
Le rapport préliminaire dévoile également les résultats, décevants, des élèves à différents tests, résultats révélés par La Presse et Le Devoir le printemps dernier.
Le taux de réussite des élèves du dernier cycle du primaire à l'épreuve obligatoire d'écriture en français est passé de 90% en 2000 - donc avant la réforme - à 83% en 2005.
Les résultats d'un test international en mathématiques et en sciences (TEIMS) démontrent aussi une dégringolade de la performance des élèves québécois. En mathématiques, les élèves du primaire sont passés, entre 1995 et 2003, du 5e au 14e rang de cette enquête internationale. En sciences, ils ont chuté du 9e au 19e rang sur 28.
Le président de la Fédération des commissions scolaires, André Caron, se réjouit que le ministre mette en oeuvre les recommandations sans plus tarder. "Il ne perd pas de temps, et on en est satisfait", a-t-il affirmé.
La présidente de la FSE-CSQ, Johanne Fortier, déplore quant à elle que le rapport de la Table de pilotage présente un biais en faveur de la réforme. "Il minimise les résultats négatifs", a-t-elle affirmé. Johanne Fortier ne s'oppose pas aux recommandations, mais elle estime que "ça ne va pas assez loin". "La remise en question devrait être plus poussée", a-t-elle ajouté.
Le rapport de la Table de pilotage est préliminaire car une série de données n'ont pas encore été analysées. Le rapport final sur la réforme sera rendu public en décembre seulement.
«C'est vraiment inquiétant»
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